vendredi 17 mars 2023

Mineur non accompagné au TNS: le témoignage est dans la salle

 Le "mineur non accompagné" du titre n'est nullement la jeune fille de la pièce Mineur non accompagné, jouée au TNS à Strasbourg jusqu'au 25 mars, qui est venue sans papiers d'un pays d'Afrique avec son oncle en traversant l'Espagne mais qui a été séparée de lui violemment quand, arrivant en France, les "autorités" ont décidé que leurs chemins devaient se séparer pour deux trajectoires bien différentes. Non, ce sont ces jeunes qui, en France sont désignés par un statut défini ainsi au niveau juridique : "Un mineur non accompagné (MNA) ou mineur isolé étranger (MIE) est un enfant de moins de 18 ans, de nationalité étrangère, arrivé sur le territoire français sans être accompagné par l’un ou l’autre des titulaires de l’autorité parentale ou par un représentant légal". Et ce statut leur donne un certain nombre de droits, entre autres un devoir d'accueil de la part de l'Etat Français, mais également de cette protection de toute une série de suspicions, en premier lieu sur leur âge réel (plus ou moins de 18 ans?), et d'un certai nombre d'obstacles et de rejets plus ou moins légaux (tests d'évaluation de l'âge et de contrôles abusifs de leurs papiers d'identité (par exemple de la photo reliée à leur acte de naissance, alors que tout le monde sait - ou devrait savoir que cette demande n'est déjà pas fondée, de plus totalement irréaliste).


Mineur non accompagné - Sonia Chiambretto - Yoann Thommerel - Photo: Alban vanWassenhove


La pièce que nous présentent sur scène le couple Sonia Chiambretto et Yann Thommerel fait suite à une première pièce; Îlots qui s'intéressait plutôt au concept de "ghetto" et dont elle découle. Cette première expérience, qui a eu lieu aux Laboratoires d'Aubervilliers (dans le 9.3, le département "le plus pauvre de France" lors d'une résidence où ces deux autres) où ils ont questionné (et créé le Questionnaire élémentaire) pour interroger nos habitudes de compréhension de notre environnement - de de nos habitudes de pensées. ) les habitants, en direct, par écrit et en vidéo - ce qui a donné ce premier spectacle, dont voici quelques exemples:

1. Combien avez-vous d’amis ?



13. Où avez-vous grandi ?

    Pensez-vous que vous auriez eu plus

  de chance si vous aviez grandi dans

    un autre endroit ? 


23. Seriez-vous prêts à accueillir

    un migrant chez vous ?

    

    Si oui, combien de temps ?


    Où le feriez-vous dormir ?


    Craindriez-vous de trop vous y attacher?


 La présentation de ce premier spectacle leur a ouvert les portes d'un foyer d'accueil pour MNA (mineur non accompagné) du côté de Caen et leur a fait découvrir - et à nous aussi par conséquence, puisque le spectacle est le résultat de cette "investigation-résidence", de ce statut et des institutions, et des lieux de vie - et d'insertion, à priori - qui s'y rattachent.  Nous y apprenons ce qui vient d'être déjà révélé, mais surtout de découvrir tous ces petits éléments de vies minuscules qui font l'existence de tout un chacun, et que les mineurs non accompagnés, tout comme les accompagnateurs, qu'on appelle éducateurs et aussi le directeur de cette structure. Et nous nous rendons que ces vies répondent aux mêmes besoins que la plupart des nôtres, un peu d'humanité, de reconnaissance, de plaisir, de joie, des moments de repos, une nourriture correcte, une chambre ou un coin à soi, de la considérations et un besoin d'intégration. Sauf que, si l'on na parle pas la langue du pays, en l'occurrence le français, et si on n'a pas de famille et de soutien, c'est un peu plus compliqué. C'est compliqué aussi pour l'encadrement et la direction, surtout si les moyens minimums et nécessaires ne sont pas là et que le soutien et l'accompagnement fait aussi gravement défaut. Et donc que, si ce que l'on devrait offrir à ces jeunes pour s'intégrer dans cette société qui est à la fois hostile, qui les rejette, et leur est étrangère, dont il leur faut à la fois comprendre les règles, les us et coutumes, les apprendre et les appliquer alors qu'il n'y sont ni formés ni incités ou invités à  le faire pour s'insérer, si tout cela manque, le chemin est rude.

Mais la pièce, très généreuse et positive de Sonia Chiambretto et Yann Thommerel nous présente une suite de chapitres sur des thématiques: suspicion, laïcité,...,  le lieu: la salle de classe, le bureau (une journée comme une autre), le groupe de paroles, l'arbre,..., ou des focus sur quelques jeunes (Yamoutou, Samba, ...) dans un dialogue constant comme une partie de ping-pong entre les deux auteurs-comédiens. Ils nous présentent quelques aspects de cet univers sous une forme légère et positive, accumulant des constatations décalées et incongrues, des questionnements surréalistes et des échanges acerbes et pessimistes tout autant que des moments de bonheur, des ilots de plaisir, montrant aussi les aspects positifs et heureux que peuvent vivre ces jeunes - et par ricochet les éducateurs. Même si c'est dur de travailler dans ce contexte.


Mineur non accompagné - Sonia Chiambretto - Yoann Thommerel - Photo: Alban vanWassenhove



Sur la scène, représentant symboliquement un terrain de foot, cet espace où ces jeunes sont les maîtres selon les règles du jeu qu'on leur laisse jouer (dans une certaine limite, Malherbe peut aussi être autre chose qu'un écrivain), ils se sentent forts et reconnus et en même temps ils apparaissent (un moment) à l'image (via de grands tirages de photos qu'ils ont faites eux-mêmes). Ils gagnent ainsi une visibilité grand format. Cette visibilité, début d'une insertion qui n'est pas qu'un acronyme anonyme: MNA. Même si les ballons de foot pour l'entraînement ne sont pas de toute jeunesse.  


Mineur non accompagné - Sonia Chiambretto - Yoann Thommerel - Photo: Alban vanWassenhove


Et lors du débat qui suit la représentation et fait presque partie intégrale de ce spectacle dans son idée, en ce soir de première, la conclusion, après quelques éclaircissements complémentaires qui ont été demandés par le public, la conclusion heureuse nous vient d'un jeune, lui-même ancien "MNA" venant d'un pays d'Afrique qui s'en est sorti, ayant d'une part réussi à intégrer un parcours diplômant dans le domaine commercial (il est actuellement en deuxième année de BTS Commerce) et, ce n'est presque pas une surprise, il a également pu participer au programme 1er Acte initié par Stanislas Nordey au TNS en 2014 et qui promeut plus de diversité sur les plateaux de théâtre et permet à des jeunes issus de milieux éloignés de la culture de profiter d'une formation professionnelle dans différentes structures partenaires.

La preuve par l'exemple!

 

La Fleur du Dimanche


Mineur non accompagné


Au TNS jusqu'au 25 mars 2023


Texte, conception et mise en scène Sonia Chiambretto, Yoann Thommerel
Avec
Sonia Chiambretto et Yoann Thommerel
Scénographie Marine Brosse
Lumière Neills Doucet
Régie générale Simon Anquetil
Photographie Maxence Rifflet et Michaël Quemener
Production/Administration Fanélie Honegger
 
Production Le Premier épisode, La Comédie de Caen - Centre dramatique national
Avec le soutien de la Direction régionale des affaires culturelles
Spectacle crée le 7 décembre 2022 à la Comédie de Caen - Centre dramatique national.

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