vendredi 10 janvier 2020

Regards Croisés à l'OPS: Ecouter et voir Ligeti et Mahler en 2020

L'OPS - Orchestre Philharmonique de Strasbourg déroule son "intégrale" Mahler, après la 9ème en 2017, la 1ère en octobre et la 6ème en décembre, et quelques autres symphonies dans les mois à venir, c'était au tour de la 4ème symphonie que le dialogue avec Ligeti et son Concerto pour violon et orchestre s'est tenu au Palais de la Musique et des congrès de Strasbourg, sous la direction, toujours puissante et en même temps délicate de Marko Letonja.
Le regard croisé de l'intitulé de la soirée semblait plus un appel à l'oreille ouverte et à l'oeil vif pour la première partie consacrée à György Ligeti et son "Concerto pour violon et orchestre" (1990, révisé en 1992). L'introduction à ce très grand compositeur contemporain (1923-2006) ne pouvait trouver meilleur ambassadeur que la supersoliste Charlotte Julliard, dans une magnifique robe à fleurs, qui nous a montré tout le talent de son art pour cette pièce superbe. L'on se serait cru à une très belle soirée du Festival Musica. Et les finesses de l'écriture, les variations et superpositions de nappes sonores, la délicatesse de l'intervention de certains instrumentistes nous faisaient sans cesse rechercher l'interprète dans l'orchestre, l'oeil aux aguets et l'oreille vive. 


Regards croisés - OPS - Marco Letonja - Charlotte Julliard - Ligeti - Concerto pour violon et orchestre - Photo: lfdd

Les cinq mouvements ont permis à l'orchestre et à la soliste de montrer à la fois leur variété de jeu et leur capacité de dialogue. D'un premier mouvement Praeludium: Vivacissimo luminoso, amorcé par Charlotte Julliard en ondulations, vite rejointe par quatre, puis le reste des cordes et les percussions dans un rythme allègre, au deuxième, Aria- Hocquetus - Choral: Andante con moto qui démarre aussi par un air un peu triste au violon mais qui devient plus nerveux et voit les flutes, les clochettes puis les percussions devenir plus nerveux et tonique.
Le troisième mouvement Intermezzo: Presto fluido se continue en longues glissades et ainsi que des airs graves des bois et des vents  pour finir dans un brusque éclat. Le quatrième mouvement Passacaglia: Lento intenso voit les cuivres et les vents graves en écho au violon solo qui monte dans les aigus puis le trombone en grave sec et fin brusque. Le cinquième  mouvement Appasionato: Agitato molto retrouve des airs déjà entendus et voit les cuivres et les vents souffler à fond puis un solo de violon et les percussions conclure.  

Regards croisés - OPS - Marco Letonja - Charlotte Julliard - Ligeti - Concerto pour violon et orchestre - Photo: lfdd

Le public fait un triomphe à l'orchestre et à la soliste qui en retour offre deux rappels, le premier avec Hedy Kerpitchian, un chant de Nouvel An de Bartok, qui commence par un dialogue entre les deux violons pour passer dans un deuxième temps à une danse folklorique endiablée. Un deuxième rappel offre à Charlotte Julliard la possibilité, avec Thomas Gautier de présenter une pièce de Ligeti qui semble un hommage à Bartok dans une construction similaire au premier rappel.

La pièce de résistance, après l'entracte, c'est la quatrième Symphonie de Mahler dont ce dernier dit qu'elle est "si profondément différente de mes autres symphonies. Mais cette différence était nécessaire." c'est d'ailleurs une pièce qui ne fut pas la plus appréciée de son temps, mais qui aujourd'hui, c'est la plus célèbre. Et son exécution par l'Orchestre Philharmonique de Strasbourg y a sûrement encore contribué. C'est une pièce à la fois allègre et vivante, sautillante et enjouée et en même temps une belle écriture, dense et riche, raffinée et complexe, tout en étant technique, avec de brusques variations, et polyphonique. Elle inclut dans son quatrième mouvement IV. Sehr behaglich. Wir geneisen die himmlischen Freuden" le Lied "Das himmlische Leben" - La vie céleste, que Mahler avait prévu pour la Symphonie précédente et qui sera donc l'aboutissement de celle-ci. 


Regards croisés - OPS - Marco Letonja - Mahler - 4ème Symphonie - Photo: lfdd

Nous trouvons donc dans le premier mouvement "Bedächtig. Nicht eilen" des changements rapides de phrases musicales, et des airs de clochettes qui nous rappellent les attelages de chevaux à la campagne - que l'on entendra de nouveau dans le dernier mouvement, et qui nous mènent à un air pastoral, comme une valse. Le deuxième mouvement "In gemächtlicher Bewegung. Ohne Hast" voit l'intervention des cors et de la trompette avant le retour de l'orchestre et des reprises d'airs de musique populaire soit en citations sur l'orchestre soit en solo, mais très vite abandonnés pour autre chose. Le troisième mouvement "Ruhevoll" débute très calmement avec une mélodie au violoncelle rythmé par les contrebasses en mouvement lent qui sera reprise par l'orchestre et qui après tournera dans les familles d'instruments. Quelquefois des envolées fulgurantes et des changements de rythme. Et pendant le climax puissant, arrive sur scène Genia Kühmeier (qui remplace Anna-Lucia Richter). Cette partie, démarre doucement, de manière enjouée, presque primesautière. Elle varie entre des passages lents puis rapides (les grelots), et la voix de Genia Kühmeier qui nous interprète cet air tiré d'un chant populaire bavarois (Le ciel est parsemé de violons) est apaisante, posée et sereine. La pièce se termine par un magnifique dialogue entre la soprano et la harpe de Pierre-Michel Vigneau. Les dernières paroles sont:
"Die englischen Stimmen 
Ermuntern die Sinnen
Dass Alle für Freude erwarcht!"

"Les voix angéliques
Ravissent les sens
Si bien que tout s'éveille à la joie!"

Regards croisés - OPS - Marco Letonja - Genia Kühmeier - Mahler - 4ème Symphonie - Photo: lfdd


Et cette ronde, et ce chant nous émerveille également et nous convainc qu'effectivement cette symphonie de Mahler, en tout cas cette interprétation vaut bien une place au premier rang.


A suivre...

La Fleur du Dimanche 

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