mercredi 13 novembre 2019

Danser Chostakovitch, Tchaïkokovski: Les méandres de l'âme entre Cirque russe et couloirs de château

Après Danser Bach et puis Mahler, le Ballet de l'Opéra National du Rhin va totalement à l'Est avec les compositeurs russes.

Mais un Est décontenançant, à voir le Pagliaccio de Chostakovitch chorégraphié par Mattia Russo et Antonio de Rosa, avec leur complice de Kor'sia Guiseppe Dagostino.


Ballet de l'Opéra National du Rhin - Pagliaccio - Photo: Agathe Poupeney

Cela démarre dans un décor de cirque rétro avec rideau de velours rouge et procession mortuaire du clown Auguste avec des réminiscences de Fellini et un discours du clown blanc. Les costumes d'Adrian Bernal sont d'une superbe facture et les différents personnages, auront chacun leur part de parade. L'Hercule argenté, la funambule, la femme géante, le jongleur, la femme au monocycle, la femme cymbale, le dompteur et le lion, tout ce petit monde, entre rire et ironie, tendresse et furie, larmes et grotesque vont tirer le réel vers un imaginaire baroque et presque surréaliste, décalé à la limite du grotesque de Freaks. Un Napoléon se cache dans la troupe et la parade militaire sur un choeur de l'armée rouge se décompose et se délite. L'humour, critique et grinçant, souterrain, des compositions de Chostakovitch (par exemple l'ouverture de la pièce "Le Boulon" ou des extraits de poésie populaire juive) éclatent en plein jour. Dans cette communauté qui tient de bric et de broc, chacun aura son heure de gloire, son quart d'heure de célébrité par la grâce des jeux de lumière qui font glisser ce manteau de reconnaissance via le cercle de lumière de l'un à l'autre. Tous artistes et merveilleux, mais le détail qui grince ne tarde pas à ressurgir. 
Bravo les danseuses et les danseurs qui ont dansé cette "parade" et incarné de manière convaincante ces "caractères".

La deuxième pièce, plus discrète, hommage déférent et émouvant à Eva Kleinitz qui avait suggéré de rajouter Scriabine (Étude en Ut dièse mineur N°1) au programme est une variation entre solo - un lent solo de disparition, d'effacement débute la pièce, et duos, doubles pas de deux, tout en finesse et élégance. Le piano de Maxime Georges qui joue en direct l'étude de Scriabine et le Prélude en Si mineur opus 32 de Sergueï Rachmaninov apporte une belle sensibilité et rend émouvant ce jeu d'apparitions - disparitions et tentatives de rencontres.

Danser Chostakovitch, Tchaïkokovski - Photo: Agathe Poupeney

Avec Les Beaux Dormants, chorégraphiés par Hélène Blackburn, qui a aussi fait les costumes et les décors, nous entrons dans une autre dimension. Nous nous retrouvons devant un magnifique décor mouvant, de couloirs traversés par des hommes en costume et chemises blanches (même les danseuses sont habillées ainsi). Une certaine frénésie transpire du plateau, puis une narration tente d'émerger: dans un langage des signes dansé, une histoire émerge, reprise par d'autres danseurs. La techno s'invite, autant dans la danse que dans la musique, Martin Tréteault ayant fait une création musicale - très - originale à partir de la partition - ou plutôt à partir des disques de Tchaïkovski avec des éclats de guitare électrique sur du piano et des pulsations.
Nous partons à la découverte de ce conte de la Belle au Bois Dormant revisité et remixé dans des décors changeants et mouvants - avec de la vidéo morphée sur les décors. Une énergie juvénile comme la relecture de ce conte éclate sur le plateau, et l'on sent que les interprètes (voir plus bas la distribution) ont donné chacun(e) du leur pour se créer son personnage. Quelques apparitions féériques et presque surréalistes ponctuent la suite du conte qui nous emmène dans un très beau film.  


Danser Chostakovitch, Tchaïkokovski - Photo: Agathe Poupeney


La Fleur du Dimanche

Danser Chostakovitch, Tchaïkovski... 
le Ballet du Rhin à l'Opéra de Strasbourg. 
Pagliaccio de Mattia Russo et Antonio de Rosa, 
avec Monica Barbotte, Noemi Coin, Marin Delavaud, Pierre Doncq, Cauê Frias, Eureka Fukuoka, Rubén Julliard, Pierre-Émile Lemieux-Vienne, Jesse Lyon, Olivier Oguma, Alice Pernao, Hénoc Waysenson et Julia Weiss
Maître de Ballet: Claude Agrafeil

4OD de Bruno Bouché 
avec Eureka Fukuoka, Céline Nunigé, Audrey Becker, Ana-Karina Enriquez-Gonzalez, Thomas Hinterberger, Alice Pernao et Jean-Philippe Rivière 
Piano: Maxime Georges

Les Beaux Dormants d'Hélène Blackburn 
avec Audrey Becker, Monica Barbotte, Noemi Coin, Cauê Frias, Thomas Hinterberger, Mikhael Kinley-Safronoff, Céline Nunigé, Olivier Oguma, Marwik Schmitt, Ryo Shimizu, Valentin Thuet et Alain Trividic. 
Maître de Ballet: Adrien Boissonet

Jusqu'au 13 novembre 2019

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