lundi 4 novembre 2019

Le Misanthrope au TNS: Un homme à part dans un monde qui change

Le décor du Misanthrope mis en scène par Alain Françon au TNS à Strasbourg donne le ton:
Le grand salon tout en largeur et son carrelage froid noir et blanc, donnant d'un côté sur un soleil qui ne rentre que rarement et de l'autre sur les appartements de Célimène où presque personne ne rentre non plus.


Le Misantrope -Molière - Alain Françon - Photo: Jean-Louis Fernadez

A l'arrière, un vrai couloir - le passage vers l'extérieur, où attendent les cochers et par où arrivent les huissiers - où l'on assiste quelquefois à une chorégraphie un peu comique des entrées-sorties des marquis.
En fond de décor, une photographie de la forêt de Versailles, au lointain, un jour d’hiver (prise par Michel Corbou) et qui va révéler sa froideur au fur et à mesure de la pièce.
Et devant, l'avant-scène, cet espace où souvent Alceste se met pour s'adresser - aussi - au public et sur le bord duquel il se précipite immédiatement en entrant en scène (et souvent tout au long de la pièce), à l'ombre des hautes colonnes, pour se plaindre du monde et de ses turpitudes.
La pièce démare sur les chapeaux de roues, dans un rythme effréné où Alceste et Philinte échangent comme au ping-pong des considérations sur le monde et l'amour en justifiant l'un une franchise crue et l'autre une politesse de circonstance.


Le Misantrope -Molière - Alain Françon - Photo: Jean-Louis Fernadez

La scène suivante met en face l'amour d'Alceste, Célimène et ses multiples prétendants - amants - dans un éblouissant tour de description critique - portraits à charge - des courtsan.e.s - comme un sport social.
Il faut noter qu'effectivement Molière, dans cette pièce un peu à part, critique vertement les coutumes de son temps tout en déconstruisant le monde qui change - la cour de Louis XIV et les courtisans.


Le Misantrope -Molière - Alain Françon - Photo: Jean-Louis Fernadez

En parallèle à la mise au ban d'un Alceste qui ne comprend plus ces règles du jeu où le pouvoir n'est plus dans le même camp et la justice varie, nous assistons à son lent isolement de par son caractère (l'attrabilaire amoureux) dans un jeu d'échec dont il n'est plus le roi.
Les comédiens interprétant avec coeur les vers de Molière nous les font entendre (ou réentendre en les faisant vibrer dans notre mémoire) et nous ne pardons pas un fil de ces rebondissments en attendant avec impatience le dénouement tout en nous désolant pour Alceste le mal-aimé.


Le Misantrope -Molière - Alain Françon - Photo: Jean-Louis Fernadez

Les costumes, actuels, et les coiffures,quelques-unes très branchées, nous rendent attentifs au fait que de nos jours, encore, les moeurs - et les règles de fonctionnement du monde politique n'ont pas énormément changé. Et nous sommes reconnaissant à Alain Françon et son équipe de nous donner à voir un peu comme dans une salle de dissection, la vie de ce petit monde.


Le Fleur du Dimanche  


Le Misantrope

Au TNS jusqu'au 9 novembre 2019

Texte Molière
Mise en scène Alain Françon
Avec
David Casada (Clitandre)
Pierre-Antoine Dubey (Acaste)
Daniel Dupont (Du Bois)
Pierre-François Garel (Philinthe)
Gilles Privat (Alceste)
Lola Riccaboni (Éliante)
Joseph Rolandez (Un garde)
Régis Royer (Oronte)
David Tuaillon (Basque)
Dominique Valadié (Arsinoé)
Marie Vialle (Célimene)

Assistanat à la mise en scène − Dramaturgie David Tuaillon
Décor Jacques Gabel
Lumière Joël Hourbeigt
Son Léonard Françon
Costumes Marie La Rocca
Musique Marie-Jeanne Séréro
Coiffure – Maquillage Cécile Kretschmar

Production Théâtre des nuages de neige

Coproduction Théâtre de Carouge – Atelier de Genève, Théâtre de la Ville Paris, Théâtre National de Strasbourg, MC2: - Maison de la Culture de Grenoble, Théâtre du Nord – CDN Lille Tourcoing Hauts-de-France.

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