samedi 6 mai 2017

Kaori Ito relit et relie la fille au père: "Kaori Ito - Je danse parce que je me méfie des mots - Théâtre de la Ville de Paris

Kaori Ito, partie à vingt ans de son Japon natal pour l’Europe pour une grande aventure de la Danse à New York, puis dans des compagnies avec Philippe Découflé, Angelin Preljocaj, Sidi Larbi Cherkaoui, Alain Platel ou James Thiérée ou Aurélien Bory (voir mon billet sur le spectacle Plexus). Elle a également fait du théâtre - avec Edouard Baer ou Denis Podalydès, entre autres à la comédie Française ou du cinéma avec Jodorowsky. Elle a créé de nombreuses chorégraphies avec sa compagnie Himé. 

Kaori Ito - Je danse parce que je me méfie des mots - Théâtre de la Ville de Paris


Quand elle est revenue au Japon à l’occasion de la catastrophe du tsunami, ce fut pour elle ce fut aussi un tremblement, mais intime. De voir sa chambre d’adolescente identique à l’état où elle l’avait quitté, comme un sanctuaire. Elle s’est sentie étrangère dans son propre pays et a éprouvé le besoin d’interroger ses racines et sa famille, surtout sa relation avec son père. Elle qui, culture japonaise oblige, n’a jamais osé interroger son père entreprend de l’interroger, comme une petite fille le ferait quotidiennement. 
Et cela a donné un spectacle en 2015, spectacle avec ce père qui, depuis tourne dans le monde entier et qui les relie très régulièrement: "Je danse parce que je me méfie des mots".

Kaori Ito - Je danse parce que je me méfie des mots - Théâtre de la Ville de Paris


A l'espace Cardin, où sont décentralisés cerains spectacles du Théâtre de la Ville, les spectateurs sont accueillis dans la salle par les questions – régulièrement mises à jour, celles du spectacle ayant pour certaines trait à l’actualité politique en France – sont diffusées en bande sonore pendant que Kaori Ito se déplace sur scène dans un costume traditionnel et que le père est assis, immobile sur une chaise. Le spectacle sera le trajet de rencontre entre la fille et le père en un raccourci de la vie de Kaori, de sa naissance, son apprentissage de la marche et de la danse, l’abandon de sa culture traditionnelle (elle ôte son costume coloré) pour engager son corps dans la danse et interroger son passé et son père avec une série ininterrompue de questions comme "Pourquoi tu bois du café ? - Pourquoi tu fumes ? – Pourquoi tu n’aimes pas mes copains ? – Est-ce que tu as souffert dans ta vie ? - Pourquoi à Noël tu il y avait des dinosaures à la maison, au lieu d’un sapin ? – Pourquoi au restaurant c’est toi qui payais avec le porte-monnaie de maman ? – Pourquoi tu nous racontais des histoires d’horreur pour nous endormir ?".

Kaori Ito - Je danse parce que je me méfie des mots - Théâtre de la Ville de Paris


En réinvestissement ce passé, et en rappelant le fait qu’il mettait un disque de musique classique, elle va renouer la relation par l’intermédiaire d’une sculpture sur scène (le père était sculpteur entre autres, il a aussi fait du théâtre autrefois apprendrons-nous dans le dialogue final)   autour de laquelle il commence à tourner puis à danser - un genre de jerk sur une sonate de Scarlatti. Par la musique, par la danse, par les chansons, le  mouvement est engagé, le dialogue, d’abord alterné, va les unir dans des chorégraphies modernes ou même traditionnelles (un air grec : "Pourquoi tu nous écoutais de la musique grecque quand on était petits ?")  pour arriver à un duo sur le même Scarlatti où – même avec un formalisme un peu froid et réservé -  le père et la fille vont se toucher dans une danse de salon. 

Kaori Ito - Je danse parce que je me méfie des mots - Théâtre de la Ville de Paris


Pour finir dans une fusion dans la joie de la musique, de la danse et des chansons – tout en restant très réaliste vis-à-vis de la vie (A la question de la fille : "C’est quoi vivre ?", le père répond : "Aller vers la mort"). Mais si en y allant, nous pouvons profiter de la beauté de la danse de Kaori Ito  - et de la grâce découverte de son père Hiroshi, allons-y gaiement.

Kaori Ito - Je danse parce que je me méfie des mots - Théâtre de la Ville de Paris

Bon Spectacle

La Fleur du Dimanche


Je danse parce que je me méfie des mots
au Théâtre de la Ville de Paris - à l'Espace Cardin
Jusqu'au 11 mai 2017

Texte, mise en scène & chorégraphie 
Kaori Ito 
assistant à la chorégraphie 
Gabriel Wong 
dramaturgie & soutien à l’écriture 
Julien Mages 
scénographie 
Hiroshi Ito 
lumières 
Arno Veyrat 
musique 
Joan Cambon & Alexis Gfeller 
conception des masques & regard extérieur 
Erhard Stiefel 
costumes 
Duc Siegenthaler (Haute Ecole d’art et de design de Genève) 
coaching acteurs 
Jean-Yves Ruf
avec 
Kaori Ito (fille) & Hiroshi Ito (père) 

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