dimanche 21 mai 2017

En avance, en retard: Juif, Nazi, Grec, Fantôme.... Fleurs de ce Dimanche

Vous êtes en avance, je suis en retard, et en même temps, la fleur du jour - enfin la première a déjà été publiée hier - l'avez-vous vue sur un réseau social ? La voilà:


Gentil coquelicot version 1 - l'avant-veille - Photo: lfdd

Le billet du jour - qui arrivera quand il doit arriver - va traiter de sujets dont nous avons déjà parlé (par exemple le 8 mai, jour de commémoration de la victoire des alliés sur l'Allemagne nazie, où je me suis fais accuser d'avoir traité les Allemands de nazi et où j'avais corrigé "Allemagne nazie" en ôtant "nazie" par risque d'amalgame. Curieusement, un peu plus tard - comme quoi des fois il est bien d'attendre, un article du Monde Littéraire du 19 mai parle de Norbert Elias, sociologue allemand qui vient enfin (toujours attendre) vient de voir son livre "Les Allemands. Evolutions de l'habitus et luttes de pouvoir aux XIXème et XXème siècle" enfin - avec presque trente ans de retard - traduit. Je vous en dirai bientôt plus....
Curieusement aussi, dans le même supplément, je tombe sur un article sur l'auteur-éditeur Maurice Olender intitulé "Va de l'Avant" de Roger-Pol Droit qui commence ainsi:

"Il existe un problème insoluble quand on rencontre Maurice Olender: qui arrivera le premier? Dans les années 1990, une longue expérience m'a convaincu qu'il n'existe pas d'issue: il est toujours en avance. Au point que tenter de l'être un peu plus que lui est parfaitement inutile....."

Allez, je vous offre la "suite des coquelicots" pour vous faire patienter:


Gentil coquelicot - version 2 - la veille, matin - Photo: lfdd

Cela continue comme cela:
"Depuis, nous nous sommes un peu perdus de vue, mais cette étrangeté, aujourd’hui, me frappe de nouveau. Arrivant de Bruxelles, son refuge d’écriture (« Le train est mon seul domicile fixe », précise-t-il), il m’a donné rendez-vous au bar d’un hôtel tranquille, pas loin de l’église Saint-Sulpice. « Disons à 15 h 15 », indique son dernier message. Par les hasards des transports, je suis sur place dix bonnes minutes plus tôt. Evidemment, il y est déjà. Ce n’est pas seulement un détail. En fait, il se pourrait que cet homme déconcertant fût toujours là « avant ». Reste à comprendre ce que cela veut dire.
Serait-ce la seule façon de faire tant de choses en même temps ? Le moyen d'être - à la fois ? Tout à tour ? avant tout?... - un savant, un poète, un professeur, un directeur de revue, un éditeur. Car le paradoxe de Maurice Olender est d'être ici un érudit engagé, là un contemplatif suractif, partout un homme-orchestre qui professe accepter ne rien maîtriser."

Mais le sujet n'est pas là, et le plus drôle de l'histoire non plus.
D'ailleurs, une petite anecdote en passant:
Comme son livre s'appelle "Un fantôme dans la bibliothèque" et que le sujet - en tout cas le titre - m'intéresse, je vais derechef l'acheter chez mon libraire habituel. Je ne le trouve pas et quand le libraire va le chercher pour moi, il semble être "caché" derrière un client qui cherche lui aussi dans le même coin (c'est effectivement un coin)....
En attendant de trouver le livre et pour vous faire patienter, je vous précise la définition - en tout cas celle du titre de Maurice Olender:
Fantôme :"Ce terme évoque la présence invisible du passé assassiné, les paroles écrasées. Dans les bibliothèques, il désigne aussi cette plaquette signalant, sur l'étagère, un volume absent."
Nous patientons un bon moment, attendant que le "client" ait trouvé le livre qu'il cherche mais au bout de quelques bonne minutes, le libraire déniche le "fantôme" non pas dans le rayon, mais sur la table de présentation des nouveautés, bien en vue... Cela rappelle "La Lettre volée" d'Edgar Allan Poe...  

Mais avant de continuer avec Maurice Olender, la suite des coquelicots du jour: 

Gentil coquelicot - version 3 - la veille, après-midi - Photo: lfdd


Gentil coquelicot - version 3 - la veille, après-midi - Photo: lfdd

Je continue avec Maurice Olender, dont parle Roger-Pol Droit:
"..... Si les poètes vivent toujours "avant", celui-ci est né "après". Après la seconde guerre mondiale, après la Shoah, après les trains qui déportaient, après les écrits qui organisaient le génocide. Du coup, il s'est défié de l'écriture, des mots qui se transforment en machines à tuer, Longtemps, comme cet enfant qui se cache et se montre au coeur du texte intitulé "Un fantôme dans la bibliothèque", donnant son titre à l'ensemble, il aurait refusé d'apprendre à lire. L'enfant n'a pas peur des histoires que racontent les livres, mais bien de l'alphabet. Sous aucun prétexte il n'acceptera de lire ni d'écrire parce qu'il a compris qu'avec les lettres se composent aussi des phrases donnant l'ordre d'exterminer."
.... "Quelques décennies plus tard, il soutient qu'en un sens il ne sait toujours pas lire. ..."
Et de citer Olender:
"Il faut cesser de lire avec la tête, dit-il, il faut lire avec les doigts, avec la peau. Parce que les mots sont, en fait, plein de violence ou de tendresse, La forme d'un terme, sa sonorité, la découpe des lettres, toute sa poétique sont plus percutantes que les seules données sémantiques."  
Il faut préciser que Maurice Olender, même s'il refuse de lire, va apprendre - en plus de l'hébreux, le grec ancien, le latin et un peu de sanskrit et faire un diplôme d'archéologie...

Et, vous invitant à lire l'article de Roger-Pol Droit - et le livre de Maurice Olender, je vous en offre une dernière citation:
"Parler de l'absence, c'est sans doute accepter de s'égarer, loin des sentiers rassurants de l'univers bibliographiques des notes érudites, faire un récit où ne s'articulerait plus dans le miroitement du texte, les éléments nécessaires à une pensée foramnt système. Il est en effet des jours où l'on expose ce que l'on veut réciter (...) Il en est d'autres où l'on s'expose. Comme si une pensée pouvait se glisser entre deux zones d'autre chose, comme si, entre deux pensées, on pouvait saisir quelque chose d'indescriptible. Aussi, ne m'en veuillez pas de vous entraîner dans une étrange mosaïque avant d'en venir à cette improbable mais cependant nécessaire magie de l'absence. (...) Pour aborder ce mot, l'absence, et tenter de comprendre en quoi il me signifie, c'est vers les mythes, ces récits "mensongers" que les Anciens disaient "séduisants", que je me tourne une fois encore pour essayer de saisir quelque chose. Mais comment faire?"

La suite bientôt... Mais je ne vais pas vous expliquer pourquoi Maurice Olender arrive toujours en avance, de mon côté, j'avance:
1. La suite des coquelicots,
2. La suite de la réflexion : Norbert Elias, les Nazis et l'Allemagne (entre autres).



Gentil coquelicot - version 4 - dimanche matin - Photo: lfdd

Le sociologue Norbert Elias 1897-1990) n'a pas seulement observé le XXème siècle en sociologue mais il l'a totalement expérimenté, vécu - heureusement a-t-il échappé au massacre, grâce à un exil précoce vers l'Angleterre, ce que malheureusement ses parent, victimes de la Shoah, n'ont pu. Il a étudié le processus de civilisation et la société de cour, notamment française. Deux ouvrages paraissent en 1973 et 1975: "La Civilisation des Moeurs" et "La Dynamique de l'Occident". Et à partir des années 1950 il s'intéresse à la "rebarbarisation" propre à la période nazie. Comme le dit Nicolas Weil dans l'article "Essai sur la violence des faibles", Norbert Elies s'oppose aux deux thèses "classiques": "Celle du "Sonderweg" (la voie particulière) (qui) veut que le cours apocalyptique pris par les événements soit le produit d'une singularité allemande. La seconde, soutient au contraire que le nazisme ne représente qu'un avatar de la vague totalitaire et bureaucratique qui a submergé la modernité occidentale au XXème siècle. Si les atrocités du régime hitlérien n'ont rien d'unique dans le monde ni dans l'histoire, il existe bel et bien une différence, juge Elias, mais elle est de degré et non de nature. Pour être pertinente, l'analyse de l'histoire allemande contemporaine (jusqu'à celle du terrorisme dans les années 1970) doit se concentrer sur les raisons de l'incroyable intensité atteinte par cette radicalisation. 
Selon Norbert Elias, l'histoire collective imprime sa marque sur les émotions et les aspirations des individus. Hitler n'a donc pas eu besoin d'"ensorceler" la population pour la faire adhérer à des idéaux. Le rêve du "Reich Millénaire", l'idéal aristocratique de supériorité étendu à la masse des Allemands à travers la notion de "race", la peur du déclin et la valorisation corrélative de la force ont correspondu à l'"habitus" (ce qui dans l'individu exprime le rapport historiquement déterminé à son Etat) de bien des Allemands du temps."  


Gentil coquelicot - version 4 - dimanche matin - Photo: lfdd


Plus loin, il parle des "songes nazis de grandeur irréalistes au regrad des potentiels industriels et démographiques du paye (qui) sont aussi ceux de la population" et de "cette peur allemande de la décomposition qui mène à la haine du faible et à l'exaltation du fort. Une autre facette de la haine de soi."

Curieusement, nous pourrions faire quelques parallèles avec notre époques et quelques civilisations, régimes ou même régions ou environnements proches.
J'entends déjà citer en guise de réponse, d'autres génocides ou régimes totalitaires (ou qui ne l'avouent pas alors que leurs mode de fonctionnement et actes en procèdent). Mais l'objectif n'est pas uniquelent de dénoncer ou de polémiquer, mais d'essayer de trouver et des pistes de compréhensions et de modalités qui nous permettraient d'avancer dans notre quotidien en ayant une lecture qui nous permet de comprendre un peu mieux ce qui se passe autour de nous et, je l'espère, d'avancer un petit peu dans la construction du monde de demain (en référence au livre "Le Monde d'Hier" de Stephan Zweig).


Gentil coquelicot - version 4 - dimanche matin - Photo: lfdd
    
Et les Grecs, me direz-vous?
Eh bien il ne faut pas les oubllier non plus, ils se débattent aussi dans leur soucis, bien loin de nous et je reviens vers Yannis Ritsos qui déjà en 1985 disait:
"Elle est donc
un tel vide immense
une telle provation
la liberté?"

Et aujourd"hui, Christos Ikonomou, dans son livre "Le salut viendra de la mer" nous dit:
"Voici ce que nous sommes tous devenus depuis trois ans? Des gens qui n'osent pas rire. Des gens aux dents cassées. Des gens comme des dents cassées. Cassés. Coupés."



Gentil coquelicot - version 5 - dimanche après-midi - Photo: lfdd

Une pensée à Theo Angelopoulos, mort renversé par une moto alors qu'il était en train de réaliser un film sur les migrants, une autre à Vassilis Alexakis (merci à Albert Strickler d'avoir rappelé son livre "La Clarinette" - peut-être en prlerons-nous un de ces jours... qui dit (également dans le même numéro du Monde:
"C'est impossible de parler de la Grèce, de situer une action en Grèce sans que la crise soit présente. Elle est assise à toutes les tables, dans tous les bus. C'est la vedette sinistre de notre pays. Notre soleil noir."

Et avant de finir en chansons, pour prouver que les coquelicots sont bien là et déjà là - et que ce ne sont pas ceux de l'an dernier, une ultime image des coquelicots - dernière variation - avec les derniers brins de muguet de - presque -  montagne généreusement offerts par les parents de Véronique:


Gentil coquelicot - version 6 - dimanche après-midi - Photo: lfdd

Et donc, comme nous sommes partis en Grèce, voici un Sirtaki dansé par Anthony Quinn sur une musique de Mikis Theodorakis dans le film de Michael Cacoyannis, Zorba le Grec:





Autre film, autre chanson, "Ta pedia tou Pirea (Les Enfants du Pirée) avec Mélina Mercouri de Jules Dassin, mari de la dame et papa de Joe:





Autre chanson héllénisante, Mon Fils Chante, de Maurice Fanon, chanté successivement par Juliette Gréco et l'auteur: 





Mon fils chante 

Pour ceux qui entrent dans la danse 
Au nom de la grande espérance 
Au mépris de leur vie 
Mon fils chante 
Pour ceux qui luttent pour la vie 
Sans autres armes que leur vie 
Pour qu'ils vivent longtemps 
Mon fils chante 
Pour ceux qui combattent la nuit 
Pour le jour où le soleil luira 
Pour tous les hommes 
Mon fils chante 
Pour ceux qui meurent en chemise 
A l'aube du temps des cerises 
Sous les yeux des fusils 
Mon fils chante 

Mon fils et toi le fils 
Qui naîtra de mon fils 
Tant que meurt la liberté 
Pour que la liberté 
Vive dans le monde entier 
Mon fils il faut chanter 

Pour ceux qui poussent sans espoir 
La porte étroite de l'histoire 
Au nom de l'idéal mon fils chante 
Pour ceux qu'on traîne dans le noir 
Sur le sol du dernier couloir 
Des chambres de tortures 
Mon fils chante 
Pour ceux qui ne verront jamais 
Plus le soleil rouge de mai 
Sur le port du Pirée mon fils chante 
Pour ceux qui jusque dans la mort 
Ont la force de vivre encore 
Pour ceux qui vont vivre 
Mon fils chante 

Mon fils et toi le fils 
Qui naîtra de mon fils 
Tant que meurt la liberté 
Pour que la liberté 
Vive dans le monde entier 
Mon fils il faut chanter


Bon Dimanche et Bonne semaine


La Fleur du Dimanche 

P.S. Pour ceux qui sont tombés sur une page blanche ou une page en train de se compléter, je vous recommande vivement de suivre régulièrement l'avancée de complétion de ce billet du jour, vous n'êtes pas "en avance", mais dans un "Work in Progress" - A bientôt!

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