Jeunes Talents - Quatuor Adasta
Mais commençons par le début: Dans la Salle de l'église du Bouclier, habituée aux concerts de Musique contemporaine (voir les concerts d'été de l'Accroche-Note), le jeune Quatuor Adasta nous a présenté un programme d'une belle densité. Totalement en accord avec Anton Webern qui dans la première dédicace de ses "Six Bagatelles opus 9 disait "non multa, sed multum" - peu en quantité, mais beaucoup en intensité - le programme dense le fut aussi dans la concentré des pièces.
Musica 2016 - Jeunes Talents - Quatuor Adasta - Photo: lfdd |
Au coeur du concert, justement, se fondant sur ces Six bagatelles (1911-1913) comme référence, des rebonds vers deux pièces de Kurtag en lecture antichronologique.
D'abord donc la pièce de Webern, ces six mouvements de moins d'une minute chacun, mais quelle qualité, quelle force ! Webern le disait aussi: "Imaginez quelle sobriété il faut pour être bref." et il constate: "Et j'ai eu le sentiment qu'une fois les douze sons étaient apparus, , le morceau était fini. C'est beaucoup plus tard que j'ai compris que c'était un moment d'une évolution nécessaire." N'en disons pas plus!
Cette brièveté - et densité - Györky Kurtag l'a fait sienne ne rendant hommage à Webern dans son Quatuor à cordes opus 1 de 1959 en six mouvements puissants et expressifs et plus encore dans son Hommage à Andràs Mihàly opus 13 de 1977: douze microludes pleines de douceur, de finesse, de délicatesse de moins d'une minute.
Encadrant ces trois pièces, en ouverture d'une part, la pièce [Ro]ob[ta]ject[tion] de la singapourienne (passée par Bufffalo, Paris et Ivry) Diana Soh qui nous propose une musique intrigante, composée de micro-sons, envolées, frappées en forme de collage dada sur la "musique au sujet de la musique, au sujet de la musique".
Et pour clore, Pascal Dusapin avec son Quatuor à cordes N° 3 (1993) qui nous montre tut son talent de compositeur qui va aussi à l'essentiel tout en variations et en envolées et en déséquilibre.
Groupe de Recherches Musicales - GRM - Oeuvres historiques
Musica - Salle de la Bourse - GRM - Acousmonium - Daniel Terrugi - Photo: lfdd |
Il faut noter que le mixage en direct est en quelque sorte comme une direction d'orchestre, les instruments étant ici des hauts-parleurs. Nous pouvons donc citer les quatre "mixeurs" qui jouaient en direct la partition sur la table de mixage: François Bonnet, Philippe Dao, Daniel Terrugi - qui "joue" aussi son oeuvre dans la seconde partie du programme, ainsi qu eRikm qui mixe la sienne.
La première partie de l'après-midi, après un film sur les 50 ans du CRMM (que je vous présente ci-dessous) est consacrée aux oeuvres historiques.
Tout d'abord trois fragments, sur les 14 qui composent l'oeuvre "L'Expérience Acoustique" de François Bayle (inventeur du dispositif d'écoute) montrent l'écriture de ces pièces, mélanges de sons réels capturés et:ou tritures, de sons de synthèse ou de voix et d'instruments de musique mixés - dans lequels on arrive à se faire des images (réelles ou imaginaires) et retrouver des voix connues - ici en l’occurrence, on peut noter un penchant certain pour Franck Zapp ou le groupe Soft Machine et ses musiciens Kevin Ayers ou David Allen dont on entend bien le "We did it again" que je vous offre en prime:
Deux pièces de Pierre Schaeffer de 1958 , qui a fondé le Groupe de Recherche Musicales cette année-là, "Etude aux allures", variations (d'allure) à partir de sons de cloches chinoises et "Etude aux sons animés", un travail s'appuyant sur des sons de synthèse et d'autres réels "triturés" nous présentent l'aspect historique de cette création. "L'oeil écoute" de Bernard Parmegiani complète le tableau, le film pourrait-on dire parce qu'il nous emmène dans un voyage qui commence par le son de roues de train nous invitant à partir avec lui et à imaginer le paysage sonore qu'il nous propose par ses différents climats. Il nous guide et nous perd à la fois, pour finir dans une danse endiablée et tournoyante. Parce que comme le dit: "Peut-être qu'à trop regarder, l'homme finit par ne plus écouter. Et l'oeil, devenu le "promeneur solitaire" n'a d'oreille que pour ce qui l'agresse".
La pièce "J'ai été coupé" de Luc Ferrari (à qui Pierre Henry a rendu hommage la veille) montre encore l'école de création sonore d'avant les synthétiseurs et l'inventivité déployée (avec une grosse dose de bricolage) pour composer ces oeuvres.
Gilles Racot qui clôturait la première partie du programme avec "Anamorphées" est lui le témoin de l'arrivée des ordinateurs qui calculaient les effets sonores et nous propose des boucles de sons qui ondulent et se superposent dans l'espace de la salle pour vriller, se répéter et s'enrouler pour remplir tout l'espace.
Musica - GRM - eRilm - Photo: lfdd |
Groupe de Recherches Musicales - GRM - Oeuvres d'aujourd'hui
Vincent-Raphaël Carinola dans sa pièce "Cielo Vivo", inspirée des vers de Federico Garcia Lorca:
"là-bas toutes les formes gardent entrelacées
une unique expression frénétique d'avance"
Les sons, percussifs et pulsés, ainsi que les voix, retravaillées et variant en timbre et en déphasage, et répétées nous installent dans un univers mouvant.
eRikm, avec la pièce "Draumaligur, membre fantôme" nous emmène en voyage dans les espaces et les cultures d'Islande, à travers les paroles d'un conte "Ma mère dans le parc, parc" (Móðir mín í kví, kví), l'histoire d'une servante pauvre qui perd son enfant et sa raison parce qu'elle n'avait pas de robe pour la fête et de poèmes, ainsi que de sons de percussions et d'éléments naturels. Par un drôle de hasard, La Fleur du Dimanche 25 septembre est consacrée à l'Islande, encore un effet magique ? - en tout cas si vous voulez écuter un autre versant de la musique islandaise, faites un tour sur la page du dimanche)
Guiseppe Ieladi avec "untitled, January 2014" nous présente toute la poésie du son "pauvre" (comme l'Arte Povera) comme source de composition: Les bruits crées par un magnétophone à bande Uher ausculté au plus près.
Pour finir, Daniel Terrugi, avec "Springtime" (2013) nous propose un voyage circulaire, enfermé dans sa tête "in my dreams", la voix essaie dans différents registres (babil, rires, chantée, rapide ou tombante) de s'exprimer, encerclée de sons réalistes et synthétiques.
Musica - GRM - Daniel Terrugi - Photo: lfdd |
Münchener Kammerorchester et RIAS Kammerchor
Le summum de la journée fut le concert à la cathédrale avec le Münchener Kammerorchester et le RIAS Kammerchor sous la direction musicale de Alexander Liebreich.
D'abord, et venant du bord nord de la cathédrale, le "Responsorio delle Tenebre (2001) de Salvatore Sciarinno, confrontation entre chant grégorien et chant moderne qui nous "décalent" dans cette magnifique cathédrale.
La pièce de Pascal Dusapin, créée il y a un an à Munich par l'orchestre et le choeur qui l'a magnifiquement réinterprétée cette composition basée sur un texte d'Alcuin, théologien anglais du VIIIème siècle qui y présente sous la forme d'un dialogue maître-élève, plein d'énigmes pour amener les auditeurs à creuser la réflexion.
La soirée se termine par le Requiem de Maurice Duruflé, un Réquiem tendre et humain, basé sur les thèmes grégoriens de la Messe des morts. Un moment très émouvant
Musica - Pascal Dusapin - Münchener Kammerorchester - RIA Kammerchor - Photo: lfdd |
La suite bientôt...
Bon Musica
La Fleur du Dimanche
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