vendredi 24 octobre 2025

Umunyana de Cedric Mizero: Comment l'esprit de la vache habite l'espace

 Le Festival d'Automne coproduit Umunyana de Cedric Mizero présenté à La Ménagerie de Verre, une pièce témoignage de la culture profonde et invisible du Rwanda. Cedric Mizero, né en 1994, est un artiste autodidacte inclassable qui vient de Gishoma, une province occidentale du Rwanda. Intéressé par les costumes et la mode, il commence à fréquenter les artistes et les stylistes à Kigali et participe au Royaume Uni à l'international Fashion Showcase où un mention spéciale lui est décernée. Le spectacle Umunyana qu'il présente est particulier de par sa mise en œuvre. Effectivement ce n'est pas qu'un spectacle, c'est aussi une déambulation pour le public dans une sorte d'installation* dans laquelle les spectateurs vont circuler de pièces en pièces, dans trois univers différents.




Le premier espace dans lequel on rentre, assez sombre, avec la projection d'un film sur un des murs où l'on voit une paysage de montagne verdoyantes d'où, à un moment descendent deux hommes portant un bâton sur lequel sont attachés des morceaux de viande. Au milieu de la pièce, une femme coud sur une forme qui pourrait ressembler à un morceau de viande ou une cuisse constituée de petites médailles argentées qui représente la déesse Inka, esprit de la vache, aujourd'hui disparue. Elle semble procéder à une cérémonie, versant du lait par terre et chantant et cousant, puis distribuant aux spectateurs de petites mouches en métal, alors que l'on entend des bourdonnement de mouches qui volent autour de la viande. Les spectateurs assis par terre sont totalement impliqués dans la cérémonie puis invités à passer dans le pièce suivante.


Umunyana - Cedric Mizero - Festival d'Automne - Ménagerie de Verre

Ici la vidéo également projetée en grand sur le mur nous montre un rassemblement festif où l'on voit de loin sur un flanc de colline une foule entourant et accompagnant un orchestre. Mais on n'entend pas le son. Et tandis que les gens quittent peu à peu ce lieu de rassemblement, la caméra zoome sur le coeur de la foule, là où l'orchestre continue de jouer, toujours sans le son. Dans la salle, un homme, lui danse une danse rituelle en tapant du pied et, quand il n'y a presque plus personne sur l'écran, il va souffler dans une corne de vache, puis nous mener vers une dernière salle. Celle-ci est installée avec des chaises et un écran derrière lequel quatre danseurs et danseuses, chanteur.euse.s s'affairent derrière l'écran avec percussion et chant. Le film, parlé dans la langue du pays, avec des sous-titres en anglais, mélange le passé et le présent, la tradition et les croyances, essentiellement les rites autour de la vache, et du lien, étroit entre l'homme et elle, avec les croyances, la mémoire et la perte des traditions. L'histoire oscille entre le côté magique et les souvenirs d'enfance, la perte, la peur, la mort. Nous sommes immergés dans des cérémonies chantées, dansées, des défilés, témoignage d'une époque, d'une culture qui s'éteint, même si elle est encore présente, forte, pour combien de temps.


Umunyana - Cedric Mizero - Festival d'Automne - Ménagerie de Verre

 Les chants, les percussions, les instruments traditionnels, comme les cornes de vaches qui émettent des sons inhabituels, surprenant nos oreilles occidentales et civilisées, sont un témoignage vivant dans lequel nous baignons totalement et que nous partageons avec ces quatre interprètes, avec toute la force de leur présence. Leur dernier tour de salle, dans une concentration extrême, d'abord silencieuse et concentré, quand ils se mettent face à nous, positionnant en totem ces grandes cornes. Puis ils nous offrent une dernière cérémonie en nous chantant leurs chants profonds, en particulier l'un d'eux avec une voix forte qui nous ébranle est impressionnante. Et pour clore le cérémonial, marquant d'une certaine manière la fin proche d'une civilisation dont ils nous ont partagé des bribes livrées brutes, tandis que sur l'écran, le feu fait disparaitre un grand tambour que l'on y a jeté, les dernières paroles "Je suis prêt" annoncent le passage à autre chose, une nouvelle histoire peut-être.


La Fleur du Dimanche


*L'installation Umunyana sera visible à Amiens du 6 novembre au 18 décembre 2025



Festival d'Automne - Ménagerie de Verre
Concept et direction artistique : Cedric Mizero
Avec : Alice Ndarurinze, Dawidi, Ismael Nemeyemungu et Sylvia Munyana
Assistant : Claude Nizeyimana
Responsable technique : Yvan King Mukunzi
Production : Alejandro Jiménez Santofimio, Louise Mukamusana Mutabazi

jeudi 23 octobre 2025

Maria Hassabi On Stage au TND Chaillot - la danse comme expérience de perception de la force intérieure de l'artiste-performeuse

 Les titres des spectacles de Maria Hassabi sont clairs et limpides comme de l'eau de roche. On Stage, son spectacle en première française au Théâtre National de la Danse de Chaillot signifie Sur Scène et on peut bien dire que ce qu'elle présente ici, c'est bien cela: Elle "est" sur scène et les spectateurs "sont" bien dans la salle. Et cette situation, cette expérience en quelque sorte "limite" est bien ce qui se joue dans ce spectacle. Expérimenter le statut de spectateur pour nous, assis dans nos fauteuils et la voir, ou plutôt arriver à la voir puis la voir sur scène.... La voir bouger, mais d'une manière extrême, à la limite du mouvement, et également, pour commencer, expérimenter cette vision, cette difficulté à la "voir", même de manière hallucinatoire, c'est une expérience extraordinaire.


Maria Hassabi - On Stage - Photo: Beniamin Boar


L'expérience limite de la danse, aux confins de la performance. Quand le spectacle commence, nous sommes uniquement baignés dans le son, une création sonore de Stavros Gasparatos avec la chorégraphe, constituée de bruits qui pourraient ressembler à du vent, du bruit de vagues, des voix, des respirations, des bruits enveloppés dans des boucles sonores, cette ambiance qui se fond et se répète en se modifiant. Et au niveau visuel, nous expérimentons le noir complet qui peu à peu, avec l'accoutumance de l'oeil, nous permet de discerner le public qui nous entoure et de voir sur scène une silhouette flottante que l'on imagine debout, immobile ou presque mais qui, par les mystères de la vision, sautille devant nous jusqu'à ce que, dans une très lente montée de la lumière d'un projecteur, révèle peu à peu le corps de Maria Hassabi, grâce au travail précis à la lumière d'Aliki Danesi Knutsen. On la distingue dans des habits en jean, pantalon et chemise délavés par endroits, plus bleus à la ceinture et aux épaules, les mains dans les poches, légèrement arquée, ne bougeant pas. 


Maria Hassabi - On Stage - Photo: Beniamin Boar


Elle va ainsi éprouver notre attention et notre perception en bougeant imperceptiblement, d'abord ses mains qui remontent un peu, puis en se cabrant un peu plus, arc-boutant son corps en arrière, puis sur le côté alors que la lumière, très lentement, montant en puissance révèlent son corps, sa tête. La lumière varie, change de côté tandis que le corps se désaxe et la lumière se répand sur elle et la salle avant de baisser à nouveau. Dans un dernier tableau, elle va très lentement avancer sa main offerte puis la lever en flamme vers le ciel pour finalement descendre à terre, à genoux, en imploration. Et c'est plein feux qu'elle va se relever et étendre ses mains en offrande ou en accueil généreux, entre la crucifixion et la générosité. Et dans une montée de la musique qui nous envahit, le noir se fait à nouveau sur le plateau, nous laissant face à ce que nous avons vu, essayant de nous remettre dans la position de spectateur lambda, de digérer cette force et cette présence imperturbable qui a émané de ce corps qui, sans déplacements spectaculaire, nous a dit beaucoup plus que ce qui pourrait l'être par de l'agitation inutile ou vibrionnante.


Maria Hassabi - On Stage - Photo: Beniamin Boar


Et c'est sonné par la force perturbante de ce minimalisme, par la performance extraordinaire et la concentration ultime dont a fait preuve Maria Hassabi pendant ce spectacle d'une heure, que nous applaudissons - pour prouver que nous sommes encore vivants, et que nous avons survécu au choc? - mais surtout pour rendre hommage à l'extraordinaire prouesse de cette danseuse-chorégraphe-performeuse qui pousse les limites de la représentation pour en faire une expérience unique dans laquelle elle nous inclut totalement.


La Fleur du Dimanche 


On Stage


Performance: Maria Hassabi
Création sonore : Stavros Gasparatos, Maria Hassabi 
Création lumière : Aliki Danezi Knutsen
Costumes : Victoria Bartlett, Maria Hassabi
Assistants : Elena Antoniou, Maribeth Nartatez
Production : Vassia Magoula
Management et distribution : Rui Silveira, Something Great
Régisseur général : Hugues Girard
Production : Maria Hassabi en collaboration avec Something Great

Coproduction : Tanzquartier Wien ; Kunstenfestivaldesarts (Bruxelles) ; Festival d’Automne à Paris, Julidans (Amsterdam); Taipei Arts Festival / TPAC – Taipei Performing Arts Centre

mercredi 22 octobre 2025

Entre-Temps de Philippe Decouflé à la Villette: Instants magiques entre cirque et cinéma: On rembobine les souvenirs, on danse la mémoire

Philippe Decouflé et un artiste qui s'est frotté à toutes sortes d'expressions artistiques, que ce soit le mime (qu'il avait travaillé avec Marcel Marceau et Isaac Alvarez), le cirque (avec Annie Fratellini), la danse (avec Alvin Nicolaïs mais aussi avec Merce Cunningham ou Régine Chopinot), le clip, la photo et la pub (avec Jean-Paul Goude). Mais il a également mis en scène, organisé des défilés (dont celui de l'ouverture des J.O. à Albertville en 1992 ou la Danse des sabots pour le bicentenaire de la Révolution en 1989) ou la revue du Crazy Horse Désirs. Il a fait du théâtre et des films et il revient avec sa compagnie DCA (Diversité, Camaraderie, Agilité) qu'il a fondée en 1983 et qui compte plus de 2.000 représentation, avec Entre-Temps, son nouveau spectacle après Shazam, créé en 2022 -nous l'avions vu en 2022 avec Nosfell et Pierre le Bourgeois dans Mémoire des Formes.


Entre-Temps- Philippe Decouflé - Photo: Jean Vermeulen


Le spectacle est composé de différentes pièces de puzzle qui ne s'assemblent pas forcément et le premier tableau est une sorte d'hommage au processus de la photographie à l'envers ou aux spectacles de magie théâtralisée. Cela se passe sous un chapiteau de Cirque à la Villette, mais la scène ressemble plus à une scène de théâtre. Différents rideaux rouges ou dorés cachant plus ou moins la scène et, derrière le dernier rideau, une sorte de défilé à la Muybridge, comme des esprits, se révèle en passant aussi devant, dans une sorte de film muet avec travelling permanent tandis que des personnages - un puis deux puis trois - se mettent en pause-pose sur des tabourets et que de grands panneaux noirs portés par deux personnes traversent la scène et font disparaître ces "poseurs", comme lors d'une "prise de vue" où la personne photographiée serait avalée par l'appareil. C'est d'une certaine manière le procédé de la photo qui transforme le personnage photographié en spectre ou en fantôme, ou, comme le numéro de foire quand le prestidigitateur escamote un comparse ou un volontaire. Cela se répète mais jamais pareil. Un pianiste, le merveilleux Gwendal Giguelay, comme l'accompagnateur de film muet, improvise tout au long du spectacle sur des airs connus et les différents interprètes se remémorent leurs souvenirs de danse sur une bande son qui fait resurgir le passé. 


Entre-Temps- Philippe Decouflé - Photo: Jean Vermeulen


Ce passé qu'ils dansent aussi, proposant en quelque sorte un panorama de l'histoire de la danse contemporaine avec l'esprit, entre autres, de Dominique Bagouet, mais aussi de superbes prestations sur des tubes de Laurie Anderson (O Superman), Madonna ou Gloria Gaynor (I will survive), David Bowie et The Temptation. Ces superbes passages dansés - et chantés - apportent une très belle dynamique, autant qu'une certaine nostalgie au spectacle. Saluons particulièrement les magnifiques numéros de Dominique Boivin, dans une réactivation de Marlène Dietrich avec sa chanson du film l'Ange Bleu Ich bin von Kopf zu Fuss auf Liebe ausfgetellt et dans un tout autre registre mais avec une précision des gestes et une sobriété touchante pour la séquence des chiffres d'Einstein on the Beach de Philip Glass. Une séquence de mime stupéfiante. Catherine Legrand, elle, fait carrément revivre une séquence de la pièce Jours étranges de Dominique Bagouet pleine d'émotion


Entre-Temps- Philippe Decouflé - Photo: Jean Vermeulen


Les mouvements d'ensemble vont autant chercher dans la danse classique ou du côté de Trisha Brown, et l'esprit de Pina Bausch plane également sur des processions en avant ou à revers. D'ailleurs, après un changement de plateau où chaque interprète dispose d'un univers particulier - que ce soit Hitchkock (et sa douche) ou Little Nemo, et qui s'achève dans une danse avec des tutus en akènes, un brusque retournement de perspective nous surprend. Nous nous voyons comme en miroir derrière le fond de scène et devenons nos propres spectateurs. La scène bascule et le spectacle se passe comme à l'envers, l'arrière devient l'avant, nous revoyons le début du spectacle d'un nouveau point de vue. Et nous assistons à un balayage en accéléré du spectacle. Philippe Decouflé en maître du temps réactive pour nous un pan de l'histoire de la danse contemporaine et rajeunit ses interprètes, et nous aussi. Une énergie et une vigueur revitalise nos souvenirs et nos neurones sont boostés, nos corps sont vitaminés grâce à ce magicien du temps et du rythme. Un magnifique et vivifiant spectacle.


La Fleur du Dimanche


Entre-Temps - Philippe Decouflé 


Tournée 

Du 9 au 26 octobre 2025 - Paris (75) - La Villette

Du 7 au 9 janvier 2026 - Grenoble (38) - MC2:

Du 15 au 17 janvier 2026 - Annecy (74) - Bonlieu, scène nationale

Du 29 au 31 janvier 2026 - Antibes (06) - anthéa, Antipolis Théâtre d'Antibes

Du 25 au 28 février 2026 Clermont-Ferrand (63) - La Comédie de Clermont-Ferrand, scène nationale

Du 4 au 6 mars 2026 - Amiens (80) - Maison de la Culture d'Amiens

Du 25 au 29 mars 2026 - Caen (14) - Théâtre de Caen

Du 16 au 17 avril 2026 - Luxembourg - Les Théâtres de la Ville de Luxembourg


Conception et mise en scène Philippe Decouflé 
Assistante Violette Wanty 
De et avec Dominique Boivin, Meritxell Checa Esteban, Catherine Legrand, Eric Martin, Alexandra Naudet, Michèle Prélonge, Lisa Robert, Christophe Waksmann, Yan Raballand Au piano Gwendal Giguelay 
Et la participation d’un groupe de volontaires amateur·ices. 
Lumières et régie générale Begoña Garcia Navas 
Décor Jean Rabasse, assisté d'Aurélia Michelin 
Costumes Anatole Badiali 
Musiques Gwendal Giguelay, XtroniK, Sébastien Lagrange 
Montage des voix Alice Roland Régie plateau Léon Bony 
Régie lumière Grégory Vanheulle 
Régie son et bruitages Guillaume Duguet 
Accessoires Lahlou Benamirouche 
Construction Guillaume Troublé, Léon Bony, Matthieu Bony 
Costumiers Jean Malo, Jean Baptiste Arnaud-Coeuff, Aurélie Conti 
Accessoires costumes Eugénie Delorme, Prisca Razafindrakoto 
Peinture Katia Siebert, David Nouyrit, Sylvie Mitault, Margot Gillot, Jean Lynch 
Chauffeur Gilles Maron 
Direction de production et coordination Frank Piquard 
Production Sarah Bosquillon, Jérémy Kaeser, Julie Viala 
Régie générale Chaufferie Antoine Cherix 
Relations presse Agence Plan Bey

C'est la Grande Foire de l'Art à Paris avec Art Basel Paris et tout le reste

 Cette semaine, c'est la fête de l'Art à Paris. Nous seulement le Grand salon au Grand Palais qui dépasse tous les superlatifs - rien que le premier premier jour en avant-avant première qui, dès le lundi a permis à très peu de happy few (douze invités triés sur le volet pour chaque stand - cela ne devait pas se bousculer dans les couloirs) de craquer leur portefeuille - des oeuvres entre 1 million et 6 millions (et sûrement plus) se sont vendues aux heureux "clients" sélectionnés. Le mardi c'était pas mal et le mercredi il y avait déjà foule. J'imagine le week-end....

Je vais essayer de vous montrer quelques pièces qui étaient encore accrochées le mercredi.

Par exemple chez Neugerriemscheider - Le dernier souper en vert (en briques de Lego (c)) de Ai Wei-Wei


Art Basel Paris - Ai Wei Wei - Photo: Robert Becker


Ou une sculpture d'Olafur Eliason:

  

Art Basel Paris - Olafur Eliason - Photo: Robert Becker


Chez Sprüth Magers, Oh, Hello de David Salle:


Art Basel Paris - David Salle - Photo: Robert Becker


En écho (?), la sculpture de Robert Gober chez Mathew Marx Gallery:


Art Basel Paris - Robert Gober - Photo: Robert Becker


Et un face à face avec Anish Kapoor:

Art Basel Paris - Anish Kapoor - Photo: Robert Becker

Art Basel Paris - Anish Kapoor - Photo: Robert Becker


Autre face à face avec ou sans miroir - Pistoletto - David Schrigley - Galerie Continua:

Art Basel Paris - Galerie Continua - Pistoletto - Photo: Robert Becker

Art Basel Paris - Galerie Continua - David Shrigley - Photo: Robert Becker

Art Basel Paris - Galerie Continua - Photo: Robert Becker


Autre face à face:

Art Basel Paris - face à face - Photo: Robert Becker

Art Basel Paris - face à face - Photo: Robert Becker


Anton Kern a la #Banane avec Anne Collier à 45.000 $

Art Basel Paris - Galerie Anton Kern - Anne Collier - Photo: Robert Becker

Art Basel Paris - Galerie Anton Kern - Anne Collier - Banane - Photo: Robert Becker


Chez Paula Cooper, un tableau (sans ronds) de Yaioi Kusama  

Art Basel Paris - Yaio Kusama - Photo: Robert Becker


Et un James Turell qui intrigue les visiteurs (mais il est déjà vendu):


Art Basel Paris - James Turell - Photo: Robert Becker

Art Basel Paris - James Turell - Photo: Robert Becker

Art Basel Paris - James Turell - Photo: Robert Becker

Art Basel Paris - James Turell - Photo: Robert Becker


Et les fleurs d'Ewa Juszkiewicz chez Almine Rech:

Art Basel Paris - Ewa Juszkiewicz - Photo: Robert Becker



Chez Miguel Abreu à New York, le dernier scénario de Jean-Luc Godard, un film intitulé Scénario:

Art Basel Paris - Miguel Abreu - Jean-Luc Godard - Scénario - Photo: Robert Becker

Art Basel Paris - Miguel Abreu - Jean-Luc Godard - Scénario - Photo: Robert Becker


Allez, quelques artistes "historiques" - Marcel Brodthaers - Palette Cacao chez Fischer, Pierre Buraglio et Louis Cane chez Cesson & Bénétiere et Robert Filliou chez ??

Art Basel Paris - Marcel Broodthaers - Palette Cacao - Photo: Robert Becker

Art Basel Paris - Pierre Buraglio - Cesson & Bénétiere - Photo: Robert Becker

Art Basel Paris - Robert Filliou - Photo: Robert Becker

Art Basel Paris - Louis Cane - Cesson & Bénétiere - Photo: Robert Becker



Plus jeune, l'artiste française Gaëlle Choisne, née en 1985, Prix Marcel Duchamp 2024 à la Galerie Air de Paris :

Art Basel Paris - Gaëlle Choisne - Air de Paris - Photo: Robert Becker


A la même galerie, Dorothy Iannone (1933-2022)

Art Basel Paris - Dorothy Iannone - Air de Paris - Photo: Robert Becker



Elisabetta Benassi - La main de dieu chez  Peter Freeman:

Art Basel Paris - Elisabetta Benassi - Peter Freeman - Photo: Robert Becker


Une sculpture d'Erwin Wurm recto - verso: 

Art Basel Paris - Erwin Wurm - Photo: Robert Becker

Art Basel Paris - Erwin Wurm - Photo: Robert Becker




A Suivre....


La Fleur du Dimanche

dimanche 19 octobre 2025

Contrepoint à la Case à Preuschdorf : Art scénique et vieilles dentelles – Dans la solitude des champs de coton

 Il faut saluer l’engagement et la pugnacité de l’artiste Miriam Schwamm qui s’est installée il y a cinq ans déjà à Preuschdorf pour y ouvrir un espace d’exposition en Outre-Forêt, près de Wissembourg, qui offre quelques lieux d’expositions, et du Palatinat dont nous aurons peut-être l’occasion de parler un de ces jours. Non loin, il y a aussi la Villa-Eda où Eva Linder et Dominique Singer avec leur association font également un très beau travail d’irrigation du territoire. En ce qui concerne Miriam Schwamm, en cinq ans elle a non seulement transformé un bâtisse alsacienne en aménageant au fur et à mesure cinq espaces d’exposions en plus du bel et grand espace couvert de la grange, dont une salle de cinéma où elle organise régulièrement des projections. Mais elle a aussi mené le chantier de réhabilitation de l’ancienne mine de pétrole du Puit I de Peschelbronn pour en faire un espace d’exposition visible depuis le bord de la route dans l’ancienne maison du gardien. Et le couloir est ouvert lors des vernissages pour un accrochage spécifique. L’exposition actuelle est consacrée à l’artiste néocalédonienne Maeva Bochin qui est en résidence à la Case. Parce Miriam Schwamm a non seulement aménagé des espaces d’exposition, mais elle a aussi aménagé la maison pour permettre des résidences d’artiste - logements qui peuvent aussi être loués pour profiter du calme de l’environnement de cette magnifique région à découvrir si vous ne la connaissez pas encore. 


Galerie du Puit I à Preuschdorf - Maeva Bochin - Photo: Robert Becker


Dans la galerie du Puit I vous pouvez, avec Jean-Marc, découvrir une partie du travail de Maeva Bochin, un regard sur la nature et les esprits qui l’habitent, des photos d’installation éphémères in situ dans la nature avec des créatures-sculptures, des photos pleines de malice, de poésie et de fantaisie avec un regard tendre et naïf sur notre environnement. 


Galerie du Puit I à Preuschdorf - Maeva Bochin - Photo: Robert Becker


Un art écologique et respectueux qui en récoltant et en utilisant ce que nous offre l’environnement, la forêt, les plantes et les fleurs, le sublime et le célèbre. Et nous incite à découvrir nous aussi les beautés qui nous environnent. 


Galerie du Puit I à Preuschdorf - Maeva Bochin - Photo: Robert Becker


Un autre partie de son travail est exposé à la Case à Preuschdorf et l’on y découvre encore une fois cette capacité à marier des emprunts avec sa propre touche et les sublimer avec ses dessins et ses gravures. Un bel univers à voir jusqu'au 14 décembre. 


La Case à Preuschdorf - Contrepoint - Isabelle Thelen - Photo: Robert Becker


L’exposition Contrepoint s’inscrit en écho au Festival Point de Croix en partenariat avec La Maison rurale de l'Outre-Forêt à Kutzenhausen et la démarche d’Isabelle Thelen est tout naturellement bienvenue dans ce cadre. Son matériau, les vieux tissus et draps, ses bandelettes sur lesquelles elle brode des mots, des phrases et des citations originales apportent une lecture moderne et libératrice de la broderie. 

La Case à Preuschdorf - Contrepoint - Isabelle Thelen - Photo: Robert Becker


La Case à Preuschdorf - Contrepoint - Isabelle Thelen - Photo: Robert Becker


Entre réflexions et questionnements, elle stimule l’imagination et la mémoire et la perturbe ou la dynamite. Par ses installations qui lorgnent du côté des surréalistes, elle réinterprète le passé et nous convoque dans un temps parallèle onirique et ironique. Son installation dans la "Stub" fait resurgir un passé fantasmé.

La Case à Preuschdorf - Contrepoint - Françoise Maillet - Photo: Robert Becker


Françoise Maillet dont on a déjà vu ici le travail plastique avec des matériaux textile, dans sa dernière recherche creuse une piste à la fois oulipienne et mathématique avec ses Exponentielles pour créer des personnages, créatures avec différentes techniques: dessin, gravure et ses derniers travaux, des broderies sur tissus ou broderies existantes nous révèlent un petit monde, déclinaisons, entre sculptures et formes de robots, bien sympathiques. Et vous ne risquez pas de rater son Minotaure géant

Eva Linder, venue en voisine, expose de son côté non pas des peintures mais de très intéressantes petites sculptures dans une variété de bois originales. Et la maîtresse des lieux présente également un beau panorama de ses création où les découpages collages, impressions sur papier récupéré et monotypes de tous formats sont à découvrir. Jetez un coup d'oeil sur ses "bretzels volants" plein d'humour ou sa relecture des images pédagogiques et folkloriques qui décoiffent les cigognes et aussi sur son interprétation des objets touristiques traditionnels où elle se crée un panthéon automémoriel. Quelques autres œuvres d’artistes qui ont déjà été exposées ici (Pierre Gangloff, Jean-Marie Ganeval,  Stéphane Hammon,...) invités à complètent l’accrochage. 


Dans la solitude des champs de coton


En complément des expositions, il arrive que des performances soient organisées lors de vernissages (par exemple Geneviève Charras lors de son exposition personnelle des "Pétroleuses" ou lors d’autres expositions, ou celle d'Andrée Weschler pour la dernière exposition de Pierre Gangloff. 


La Case à Preuschdorf - Dans la solitude... Koltès - Jack Reinhardt - Michel Vollmer - Photo: Robert Becker


L’événement autour du Point de Croix, par métonymie a fait germer l’idée d’un lecture du texte de Bernard-Marie Koltès, Dans la solitude des champs de coton. Cette pièce, un des chef-d’oeuvre de Koltès qui date de 1985, raconte la rencontre de deux personnages, la nuit dans une endroit désert. L’un désigné par le "dealer", l’autre par le "client". C’est en fait la rencontre de deux solitudes et une sorte de combat, combat rhétorique et essai de prise de pouvoir de l’un sur l’autre. C’est à la fois un anti En attendant Godot, Godot serait arrivé, mais on ne sait pas pourquoi il est là. Et l'objectif pour le dealer est de connaître ce pourquoi, cette motivation – ou ce hasard – qui a occasionné cette rencontre. 


La Case à Preuschdorf - Dans la solitude... Koltès - Jack Reinhardt - Michel Vollmer - Photo: Robert Becker


La rencontre de deux solitudes, ces deux hommes qui n’arrivent pas à s’accorder mais qui, non plus, n'arrivent à de parler. On y assiste avec jubilation, dans la langue poétique et riche de Koltès, loin de ce théâtre du quotidien que l’on voit fleurir sur scène où le vocabulaire est dépouillé jusqu’à l’os. C’est dire le plaisir que nous procure cette lecture d'un peu plus d’une heure qui nous permet de goûter, savourer cette belle et riche langue. De suivre ces manoeuvres d’approche et ces rebondissements, ces attaques et ces esquives, cette mise sur le grill et ces exercices d’amadouement. On y découvre la pensée en mouvement, les circonvolutions d’une réflexion en même temps que les multiples techniques de négociation et d’essais de rapprochement, tout en se rendant compte qu’aucun des deux protagoniste ne veut céder ni faire un pas, ni se dévoiler. 


La Case à Preuschdorf - Dans la solitude... Koltès - Jack Reinhardt - Michel Vollmer - Photo: Robert Becker


Chacun défend son territoire, sa position, son intégrité ou son indépendance et ce pas-de-deux où tout rapprochement se conclut par une fin de non-recevoir. Et les essais de définir l’autre et ses motivations aboutissent tous à des dénégations pour finir par constater cette non-relation alors que pendant tout une heure ces deux solitudes ont échangé abondamment sur leur incapacité à s’accorder. Les phrases, amples et imagées, riches, inventives et somptueuses nous font jubiler à leur écoute et les deux comédiens qui nous en font une simple lecture nous plongent cependant totalement dans cet univers que nous visualisons sans peine. Michel Vollmer pour le "dealer" de sa voix profonde et puissante incarne avec force le puissant, le maître, presque propriétaire de son bout de rue et en droit de questionner, de dépouiller le "passant", le client supposé. 


La Case à Preuschdorf - Dans la solitude... Koltès - Jack Reinhardt - Michel Vollmer - Photo: Robert Becker


Jacky Reinhard, jongle entre le "maître de cérémonie", chef d’orchestre des pauses musicales et le "client" qui ne se laisse ni amadouer, ni se dévoiler, ni se soumettre. Il incarne, lui, ce personnage que nous pourrions nous retrouver à devoir défendre si, d’aventure nous étions dans la même situation. A avoir à nous justifier si, par hasard nous nous trouvions, un jour, à un endroit où nous ne serions pas le bienvenu, dans un quartier inconnu ou hostile, ou peut-être même à côté de chez nous, à un moment inopportun, non désirés. Et il en devient sympathique et nous inspire de l’empathie, comme pour un frère. 


La Case à Preuschdorf - Dans la solitude... Koltès - Jack Reinhardt - Michel Vollmer - Photo: Robert Becker


Cette lecture, avec une sobriété de mise en scène réduite au maximum nous transporte pourtant par l’imaginaire dans un étrange voyage, dans un coin obscur de notre monde et des sentiments, dans une situation limite dont nous essayons de comprendre les enjeux et les règles. Cet exercice est non seulement stimulant, mais y assister est un vrai plaisir. Il faut espérer que cette performance, pour laquelle on devine l’immense travail de préparation que les deux comédiens ont réalisé, puisse trouver d’autres moments et d’autres lieux pour rencontrer un public plus large avec lequel il puisse être partagé.


La Fleur du Dimanche