jeudi 23 octobre 2025

Maria Hassabi On Stage au TND Chaillot - la danse comme expérience de perception de la force intérieure de l'artiste-performeuse

 Les titres des spectacles de Maria Hassabi sont clairs et limpides comme de l'eau de roche. On Stage, son spectacle en première française au Théâtre National de la Danse de Chaillot signifie Sur Scène et on peut bien dire que ce qu'elle présente ici, c'est bien cela: Elle "est" sur scène et les spectateurs "sont" bien dans la salle. Et cette situation, cette expérience en quelque sorte "limite" est bien ce qui se joue dans ce spectacle. Expérimenter le statut de spectateur pour nous, assis dans nos fauteuils et la voir, ou plutôt arriver à la voir puis la voir sur scène.... La voir bouger, mais d'une manière extrême, à la limite du mouvement, et également, pour commencer, expérimenter cette vision, cette difficulté à la "voir", même de manière hallucinatoire, c'est une expérience extraordinaire.


Maria Hassabi - On Stage - Photo: Beniamin Boar


L'expérience limite de la danse, aux confins de la performance. Quand le spectacle commence, nous sommes uniquement baignés dans le son, une création sonore de Stavros Gasparatos avec la chorégraphe, constituée de bruits qui pourraient ressembler à du vent, du bruit de vagues, des voix, des respirations, des bruits enveloppés dans des boucles sonores, cette ambiance qui se fond et se répète en se modifiant. Et au niveau visuel, nous expérimentons le noir complet qui peu à peu, avec l'accoutumance de l'oeil, nous permet de discerner le public qui nous entoure et de voir sur scène une silhouette flottante que l'on imagine debout, immobile ou presque mais qui, par les mystères de la vision, sautille devant nous jusqu'à ce que, dans une très lente montée de la lumière d'un projecteur, révèle peu à peu le corps de Maria Hassabi, grâce au travail précis à la lumière d'Aliki Danesi Knutsen. On la distingue dans des habits en jean, pantalon et chemise délavés par endroits, plus bleus à la ceinture et aux épaules, les mains dans les poches, légèrement arquée, ne bougeant pas. 


Maria Hassabi - On Stage - Photo: Beniamin Boar


Elle va ainsi éprouver notre attention et notre perception en bougeant imperceptiblement, d'abord ses mains qui remontent un peu, puis en se cabrant un peu plus, arc-boutant son corps en arrière, puis sur le côté alors que la lumière, très lentement, montant en puissance révèlent son corps, sa tête. La lumière varie, change de côté tandis que le corps se désaxe et la lumière se répand sur elle et la salle avant de baisser à nouveau. Dans un dernier tableau, elle va très lentement avancer sa main offerte puis la lever en flamme vers le ciel pour finalement descendre à terre, à genoux, en imploration. Et c'est plein feux qu'elle va se relever et étendre ses mains en offrande ou en accueil généreux, entre la crucifixion et la générosité. Et dans une montée de la musique qui nous envahit, le noir se fait à nouveau sur le plateau, nous laissant face à ce que nous avons vu, essayant de nous remettre dans la position de spectateur lambda, de digérer cette force et cette présence imperturbable qui a émané de ce corps qui, sans déplacements spectaculaire, nous a dit beaucoup plus que ce qui pourrait l'être par de l'agitation inutile ou vibrionnante.


Maria Hassabi - On Stage - Photo: Beniamin Boar


Et c'est sonné par la force perturbante de ce minimalisme, par la performance extraordinaire et la concentration ultime dont a fait preuve Maria Hassabi pendant ce spectacle d'une heure, que nous applaudissons - pour prouver que nous sommes encore vivants, et que nous avons survécu au choc? - mais surtout pour rendre hommage à l'extraordinaire prouesse de cette danseuse-chorégraphe-performeuse qui pousse les limites de la représentation pour en faire une expérience unique dans laquelle elle nous inclut totalement.


La Fleur du Dimanche 


On Stage


Performance: Maria Hassabi
Création sonore : Stavros Gasparatos, Maria Hassabi 
Création lumière : Aliki Danezi Knutsen
Costumes : Victoria Bartlett, Maria Hassabi
Assistants : Elena Antoniou, Maribeth Nartatez
Production : Vassia Magoula
Management et distribution : Rui Silveira, Something Great
Régisseur général : Hugues Girard
Production : Maria Hassabi en collaboration avec Something Great

Coproduction : Tanzquartier Wien ; Kunstenfestivaldesarts (Bruxelles) ; Festival d’Automne à Paris, Julidans (Amsterdam); Taipei Arts Festival / TPAC – Taipei Performing Arts Centre

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