mardi 14 octobre 2025

Astéroïde de Marco d'Agostin à Pôle Sud: De T-Rex à Brodway ou la collision de l'amour avec la leçon de paléonthologie

Il arrive en tenue classique, pantalon gris et blouson bleu, un énorme sac à dos kaki sur le dos et se pose sur l’avant de la scène en explorant du regard le public. Le regard est précis, sérieux. Il demande s’il y a un paléontologue dans la salle et, rassuré nous annonce un exposé scientifique en seize point dont le premier nous rend attentif à la proportion d’eau sur la terre, un autre au nombre de levers et de couchers de soleils auxquels un astronaute dans une station orbitale peut assister en une journée (16) ou encore l’histoire d’un énorme astéroïde qui a chuté dans le golfe du Yucatan il y a très longtemps, il y a 66 millions d’années. 


Pôle Sud - Marco D'Agostin - Astéroïde - Photo: Alice Brazzit


Astéroïde est le titre du spectacle que nous présente Marco d’Agostin ce soir à Pôle Sud. Marco d’Agostin est danseur, chorégraphe, mais aussi performeur, et - on pourra le constater au fur et à mesure du spectacle - chanteur et beaucoup plus que cela. Parce qu’il est aussi manipulateur, comédien et perturbateur. Et donc, alors que l’on s’attendait à assister à une très intéressante et passionnante conférence (mais nous sommes venus voir un spectacle de danse), il va subrepticement miter sa présentation de gestes, au départ presqu’imperceptible, qui ressemblent à des positions de danse, ou encore des dérapages textuels. Et tout cela dans un sérieux imperturbable. Et, à partir du point 5 qui nous révèle que le prix Nobel de physique de 1968, Luis Walter Alvarez, est le père de Walter Alvarez qui a conçu la théorie de l’extinction de masse des dinosaures, il va intégrer dans son récit les relations amoureuses entre ce dernier et Hélène Michel qui vont conforter cette hypothèse en explorant la faille de Bottaccio près de Gubbio en Italie. 


Pôle Sud - Marco D'Agostin - Astéroïde - Photo: Alice Brazzit


Ainsi, tel un millefeuille varié - comme les roches sédimentées du limite Crétacé-Paléogène, prises entre les couches du quaternaire et celles du tertiaire contenant un forte concentration d’ammonites, cette mince couche d'argile contenant d'iridium (métal qui n’est pas présent sur la terre mais qui nous est arrivé via cet astéroïde de l’espace) - le récit invraisemblable qu’il fait de l’extinction de masse des dinosaures non aviens, confronté à une histoire d’amour, bien sûr en relation avec cette découverte et avec, évidemment, un voyage en Italie, en passant par un musée de paléontologie aux Etats-Unis, voit poindre en sandwich des apparitions de poses figées, puis de danses, puis de chansons en relation avec la comédie musicale, en flashs brefs puis de plus en plus conséquents, pour aboutir in fine à de véritables compositions de chansons écrites avec Luca Scapolleto que Marco d’Agostino nous interprète avec brio et une voix de stentor. 


Pôle Sud - Marco D'Agostin - Astéroïde - Photo: Alice Brazzit


Ces séquences s’épaississent, enflent, alors que la question de l’amour et de sa fin tout comme celle de la fin des dinosaures interroge le temps profond. Et que l’artiste interroge sa réalité et ses sentiments, jusqu’à s’interroger sur son récit et ses divagations, au point que l'on se demande de qui est la femme, Hélène Michel, la collègue scientifique, un une invention de son esprit. Et tout cela finit dans une explosion de paillettes et un éblouissement équivalent à l'éclair d'un coup de foudre. Et une apocalypse dont le dernier survivant ne nous ressemble pas vraiment – ni à un dinosaure – mais dont la démarche hésitante nous rappelle nos propres origines et nous laisse nous questionner sur notre destinée. 


Pôle Sud - Marco D'Agostin - Astéroïde - Photo: Alice Brazzit


Ce spectacle, tiré au cordeau et impeccable à tous les points de vues, nous emporte dans un extraordinaire voyage, à la fois dans les mystères de l’évolution et les méandres et circonvolutions de la pensée que des tours et détours de l’amour. Tout cela dans une mise en scène aussi précise que surprenante et un jeu d’acteur, de danseur et de chanteur dont rien ne laissait présager l’extraordinaire capacité de l’artiste Marco d’Agostin. Non seulement il cache bien son jeu mais en plus il sait ménager ses effets pour nous surprendre, nous convaincre, nous séduire et nous dérouter (du droit chemin). Un magnifique performance dans tous les sens du terme. 


La Fleur du Dimanche



A Pôle Sud du 14 au 15 octobre 2025

DISTRIBUTION
De et avec : Marco D’Agostin
Son : Luca Scapellato
Chansons : Marco D’Agostin, Luca Scapellato
Scénographie : Paola Villani
Lumières : Paolo Tizianel
Costumes : Gianluca Sbicca
Avec une incursion textuelle de : Pier Animatronic : Lorenzo Pisano
Processus de recherche partagé avec : Chiara Bersani, Sara Bonaventura, Nicola Borghesi, Damien Modolo, Lisa Ferlazzo Natoli
Coach de mouvement : Marta Ciappina
Danses de répertoire : Giulio Santolini, Stefano Bontempi
Coach vocale : Francesca Della Monica
Consultation scientifique : Enrico Sortino
Construction décor : Piccolo Teatro di Milano – Teatro d’Europa
Promotion, diffusion : Damien Modolo
Organisation, administration : Eleonora Cavallo, Federica Giuliano, Irene Maiolin, Paola Miolano
Communication digitale : Alessandro Leva 


Production : VAN
Coproduction : Piccolo Teatro di Milano – Teatro d’Europa; Théâtre de la Ville, Paris ; Fondazione Teatri di Pistoia ; POLE-SUD CDCN Strasbourg ; Festival Aperto / Fondazione I Teatri – Reggio Emilia ; Baerum Kulturhus – Dance Southeast-Norway ; Snaporazverein Avec le soutien de CCN Ballet de l’Opéra national du Rhin ; Centro Nazionale di Produzione della Danza Virgilio Sieni Firenze ; AMAT e Civitanova Danza per RAM_Residenze Artistiche Marchigiane; La Contrada, teatro stabile di Trieste ; Istituto Italiano di Cultura di Oslo/MiC-Direzione Generale Spettacolo et Sprang / Ål kulturhus, regional dance scene and performing arts center, dans le cadre de NID international residencies programme ; Grand Studio, Bruxelles; Scenario Pubblico, Catania ; CSC/Centro per la Scena Contemporanea (Bassano del Grappa) ; Atcl/Spazio Rossellini: Fondazione Teatro Comunale Città di Vicenza ; Centrale Fies ; Teatro Stabile dell’Umbria

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