Il faut saluer l’engagement et la pugnacité de l’artiste Miriam Schwamm qui s’est installée il y a cinq ans déjà à Preuschdorf pour y ouvrir un espace d’exposition en Outre-Forêt, près de Wissembourg, qui offre quelques lieux d’expositions, et du Palatinat dont nous aurons peut-être l’occasion de parler un de ces jours. Non loin, il y a aussi la Villa-Eda où Eva Linder et Dominique Singer avec leur association font également un très beau travail d’irrigation du territoire. En ce qui concerne Miriam Schwamm, en cinq ans elle a non seulement transformé un bâtisse alsacienne en aménageant au fur et à mesure cinq espaces d’exposions en plus du bel et grand espace couvert de la grange, dont une salle de cinéma où elle organise régulièrement des projections. Mais elle a aussi mené le chantier de réhabilitation de l’ancienne mine de pétrole du Puit I de Peschelbronn pour en faire un espace d’exposition visible depuis le bord de la route dans l’ancienne maison du gardien. Et le couloir est ouvert lors des vernissages pour un accrochage spécifique. L’exposition actuelle est consacrée à l’artiste néocalédonienne Maeva Bochin qui est en résidence à la Case. Parce Miriam Schwamm a non seulement aménagé des espaces d’exposition, mais elle a aussi aménagé la maison pour permettre des résidences d’artiste - logements qui peuvent aussi être loués pour profiter du calme de l’environnement de cette magnifique région à découvrir si vous ne la connaissez pas encore.
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| Galerie du Puit I à Preuschdorf - Maeva Bochin - Photo: Robert Becker |
Dans la galerie du Puit I vous pouvez, avec Jean-Marc, découvrir une partie du travail de Maeva Bochin, un regard sur la nature et les esprits qui l’habitent, des photos d’installation éphémères in situ dans la nature avec des créatures-sculptures, des photos pleines de malice, de poésie et de fantaisie avec un regard tendre et naïf sur notre environnement.
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| Galerie du Puit I à Preuschdorf - Maeva Bochin - Photo: Robert Becker |
Un art écologique et respectueux qui en récoltant et en utilisant ce que nous offre l’environnement, la forêt, les plantes et les fleurs, le sublime et le célèbre. Et nous incite à découvrir nous aussi les beautés qui nous environnent.
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| Galerie du Puit I à Preuschdorf - Maeva Bochin - Photo: Robert Becker |
Un autre partie de son travail est exposé à la Case à Preuschdorf et l’on y découvre encore une fois cette capacité à marier des emprunts avec sa propre touche et les sublimer avec ses dessins et ses gravures. Un bel univers à voir jusqu'au 14 décembre.
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| La Case à Preuschdorf - Contrepoint - Isabelle Thelen - Photo: Robert Becker |
L’exposition Contrepoint s’inscrit en écho au Festival Point de Croix en partenariat avec La Maison rurale de l'Outre-Forêt à Kutzenhausen et la démarche d’Isabelle Thelen est tout naturellement bienvenue dans ce cadre. Son matériau, les vieux tissus et draps, ses bandelettes sur lesquelles elle brode des mots, des phrases et des citations originales apportent une lecture moderne et libératrice de la broderie.
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| La Case à Preuschdorf - Contrepoint - Isabelle Thelen - Photo: Robert Becker |
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| La Case à Preuschdorf - Contrepoint - Isabelle Thelen - Photo: Robert Becker |
Entre réflexions et questionnements, elle stimule l’imagination et la mémoire et la perturbe ou la dynamite. Par ses installations qui lorgnent du côté des surréalistes, elle réinterprète le passé et nous convoque dans un temps parallèle onirique et ironique. Son installation dans la "Stub" fait resurgir un passé fantasmé.
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| La Case à Preuschdorf - Contrepoint - Françoise Maillet - Photo: Robert Becker |
Françoise Maillet dont on a déjà vu ici le travail plastique avec des matériaux textile, dans sa dernière recherche creuse une piste à la fois oulipienne et mathématique avec ses Exponentielles pour créer des personnages, créatures avec différentes techniques: dessin, gravure et ses derniers travaux, des broderies sur tissus ou broderies existantes nous révèlent un petit monde, déclinaisons, entre sculptures et formes de robots, bien sympathiques. Et vous ne risquez pas de rater son Minotaure géant
Eva Linder, venue en voisine, expose de son côté non pas des peintures mais de très intéressantes petites sculptures dans une variété de bois originales. Et la maîtresse des lieux présente également un beau panorama de ses création où les découpages collages, impressions sur papier récupéré et monotypes de tous formats sont à découvrir. Jetez un coup d'oeil sur ses "bretzels volants" plein d'humour ou sa relecture des images pédagogiques et folkloriques qui décoiffent les cigognes et aussi sur son interprétation des objets touristiques traditionnels où elle se crée un panthéon automémoriel. Quelques autres œuvres d’artistes qui ont déjà été exposées ici (Pierre Gangloff, Jean-Marie Ganeval, Stéphane Hammon,...) invités à complètent l’accrochage.
Dans la solitude des champs de coton
En complément des expositions, il arrive que des performances soient organisées lors de vernissages (par exemple Geneviève Charras lors de son exposition personnelle des "Pétroleuses" ou lors d’autres expositions, ou celle d'Andrée Weschler pour la dernière exposition de Pierre Gangloff.
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| La Case à Preuschdorf - Dans la solitude... Koltès - Jack Reinhardt - Michel Vollmer - Photo: Robert Becker |
L’événement autour du Point de Croix, par métonymie a fait germer l’idée d’un lecture du texte de Bernard-Marie Koltès, Dans la solitude des champs de coton. Cette pièce, un des chef-d’oeuvre de Koltès qui date de 1985, raconte la rencontre de deux personnages, la nuit dans une endroit désert. L’un désigné par le "dealer", l’autre par le "client". C’est en fait la rencontre de deux solitudes et une sorte de combat, combat rhétorique et essai de prise de pouvoir de l’un sur l’autre. C’est à la fois un anti En attendant Godot, Godot serait arrivé, mais on ne sait pas pourquoi il est là. Et l'objectif pour le dealer est de connaître ce pourquoi, cette motivation – ou ce hasard – qui a occasionné cette rencontre.
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| La Case à Preuschdorf - Dans la solitude... Koltès - Jack Reinhardt - Michel Vollmer - Photo: Robert Becker |
La rencontre de deux solitudes, ces deux hommes qui n’arrivent pas à s’accorder mais qui, non plus, n'arrivent à de parler. On y assiste avec jubilation, dans la langue poétique et riche de Koltès, loin de ce théâtre du quotidien que l’on voit fleurir sur scène où le vocabulaire est dépouillé jusqu’à l’os. C’est dire le plaisir que nous procure cette lecture d'un peu plus d’une heure qui nous permet de goûter, savourer cette belle et riche langue. De suivre ces manoeuvres d’approche et ces rebondissements, ces attaques et ces esquives, cette mise sur le grill et ces exercices d’amadouement. On y découvre la pensée en mouvement, les circonvolutions d’une réflexion en même temps que les multiples techniques de négociation et d’essais de rapprochement, tout en se rendant compte qu’aucun des deux protagoniste ne veut céder ni faire un pas, ni se dévoiler.
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| La Case à Preuschdorf - Dans la solitude... Koltès - Jack Reinhardt - Michel Vollmer - Photo: Robert Becker |
Chacun défend son territoire, sa position, son intégrité ou son indépendance et ce pas-de-deux où tout rapprochement se conclut par une fin de non-recevoir. Et les essais de définir l’autre et ses motivations aboutissent tous à des dénégations pour finir par constater cette non-relation alors que pendant tout une heure ces deux solitudes ont échangé abondamment sur leur incapacité à s’accorder. Les phrases, amples et imagées, riches, inventives et somptueuses nous font jubiler à leur écoute et les deux comédiens qui nous en font une simple lecture nous plongent cependant totalement dans cet univers que nous visualisons sans peine. Michel Vollmer pour le "dealer" de sa voix profonde et puissante incarne avec force le puissant, le maître, presque propriétaire de son bout de rue et en droit de questionner, de dépouiller le "passant", le client supposé.
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| La Case à Preuschdorf - Dans la solitude... Koltès - Jack Reinhardt - Michel Vollmer - Photo: Robert Becker |
Jacky Reinhard, jongle entre le "maître de cérémonie", chef d’orchestre des pauses musicales et le "client" qui ne se laisse ni amadouer, ni se dévoiler, ni se soumettre. Il incarne, lui, ce personnage que nous pourrions nous retrouver à devoir défendre si, d’aventure nous étions dans la même situation. A avoir à nous justifier si, par hasard nous nous trouvions, un jour, à un endroit où nous ne serions pas le bienvenu, dans un quartier inconnu ou hostile, ou peut-être même à côté de chez nous, à un moment inopportun, non désirés. Et il en devient sympathique et nous inspire de l’empathie, comme pour un frère.
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| La Case à Preuschdorf - Dans la solitude... Koltès - Jack Reinhardt - Michel Vollmer - Photo: Robert Becker |
Cette lecture, avec une sobriété de mise en scène réduite au maximum nous transporte pourtant par l’imaginaire dans un étrange voyage, dans un coin obscur de notre monde et des sentiments, dans une situation limite dont nous essayons de comprendre les enjeux et les règles. Cet exercice est non seulement stimulant, mais y assister est un vrai plaisir. Il faut espérer que cette performance, pour laquelle on devine l’immense travail de préparation que les deux comédiens ont réalisé, puisse trouver d’autres moments et d’autres lieux pour rencontrer un public plus large avec lequel il puisse être partagé.
La Fleur du Dimanche













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