En allant voir à Pôle Sud le spectacle de Clément et Guillaume Papachristou, Une tentative presque comme une autre, nous étions prévenus, ce serait un spectacle avec des jumeaux, mais qui, à priori ne se ressemblent pas. Et pourtant, l'ensemble du spectacle tente de nous montrer les ressemblances entre ces deux frères. Bien sûr, ils sont habillés pareils, des chaussures de sport, un collant noir et un tee-shirt argenté scintillant. Mais on n'arrive pas à y croire même si on a l'impression que tout est fait pour.
![]() |
C. et G. Papachristou - Une tentative presque comme une autre - Ph.: Noémie de la Faille |
Avec les deux entrées et parcours sur la scène - un petit tour et puis s'en vont - on voit bien que Clément est sur son fauteuil roulant électrique et que sa mobilité c'est cette machine qui la lui permet alors que Guillaume qui termine le travail de déroulement du tapis en fond de scène, le fait sans machine ni effort et il part avec le rouleau. Et pour compléter le tableau et définitivement casser le cliché du "L'ai-je bien descendu", ces marches que les deux frères descendent ensuite, c'est bien pour nous interroger avec anxiété s'il n'arrivera pas une catastrophe au fauteuil roulant et pour admirer la performance de Clément qui porte - retient - tout le poids de tout cela, que nous y assistons. Tout en prenant conscience des difficultés quotidiennes auxquelles les personnes en fauteuil roulant sont constamment en butte. Et c'est bien sur ces questionnements et l'empathie que peuvent susciter ces situations que le spectacle est bâti. C'est aussi, justement, lorsque descendant de son "trône" et étant confronté à la fois à la pesanteur et à la difficulté de se mouvoir qui handicape Clément que nous allons pleinement nous projeter dans les séquences de "danse" auxquelles assiste dans la foulée. C'est un vrai combat, pas celui auquel nous venons d'assister, qui est plus de l'ordre du jeu entre frères et qui les rapproche, montre leurs liens, leur proximité et les complicités, presque de l'ordre de l'amour (mais on va en parler plus tard).
![]() |
Clément et Guillaume Papachristou - Une tentative presque comme une autre - Photo: Baptiste le Quiniou |
Pour commencer avec le coeur - ou le corps - du sujet, ce qui se passe entre les deux corps nous emmène, nous transporte littéralement en eux, nous les fait presque "incarner". Et nous prouve aussi que ce n'est pas forcément un corps athlétique ou esthétique qui va faire passer l'émotion dans un spectacle. Cette proximité, ces mouvements dont on ne se rend même plus compte qu'ils sont bornés limités, deviennent spectacle, émotion, expression. Jusqu'à ce que l'on constate que même avec du Mozart, ils n'arrivent pas au bout du disque mais juste de l'autre côté, fatigués, assoiffés et qu'ils doivent se reposer.
![]() |
Clément et Guillaume Papachristou - Une tentative presque comme une autre - Photo: Noémie de la Faille |
Mais c'est aussi l'occasion de devenir proche du public, même s'il n'est pas habitué, même s'il ne comprend pas la langue - et pas seulement la langue, mais l'expression d'une personne qui souffre d'une IMC - Infirmité Motrice Cérébrale - pour laquelle il faut "installer un décodeur". Et c'est là toute la qualité de ce spectacle. Nous ne sommes pas au théâtre où nous regardons quelqu'un comme une bête curieuse. Le dispositif scénique, trifrontal nous intègre nous, spectateurs, nous inclus. La proximité nous apprivoise, un peu comme le Petit Prince et le renard. Et au fur et à mesure ce que nous dit ou raconte Clément nous rend proche de lui. Et c'est lui qui devient le maître de cérémonie, c'est lui qui oriente le jeu, c'est lui qui, par ses constatations, va porter un regard critique sur sa propre vie mais aussi sur celle de son frère "intermittent du spectacle". Avec le recul et la distance, il va nous faire constater les déplorables conditions matérielles, morales, sentimentales et sexuelles auxquelles les personnes en situations de handicap sont confrontées. Tout cela sans apitoiement ou lamentation, mais avec lucidité et humour, que nous ne pouvons que découvrir, pour quelquefois en rire, tout en nous sentant solidaire. Cette solidarité qui, nous après nous avoir presque permis de fusionner avec les deux frères dans une dernière danse qui le rapproche et les mets debout, nous amène à nous unir avec Clément dans un dernier slow où les corps se fondent.
![]() |
Clément et Guillaume Papachristou - Une tentative presque comme une autre - Photo: Baptiste le Quiniou |
Le spectacle interroge à la fois la gémellité et le handicap mais aussi le rapport au corps et à la différence. Le chemin que fait Clément Papachristou pour se rapprocher et renouer avec son frère Guillaume en montant ce spectacle, il le partage intelligemment avec une grande sensibilité et lucidité. Sa tentative touche autant notre coeur que notre conscience. Un spectacle qui fait grandir.
La Fleur du Dimanche
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire