vendredi 14 mars 2025

Actuelles au TAPS - 27ème avec Gosses du béton: En des rives jusqu'à la mer (mère)

 Cela fait 27 ans que le "Festival" des Actuelles fait office de "découvreur" de textes dans l'air du temps, des textes vraiment actuels, récents, écrits par de jeunes (en général) auteurs et portés par une formidable équipe à tous les étages. Une centaine de textes ont été lus et sélectionnés par un comité de lecture composé de quatorze membres animé par Houaria Kaidari et Logan Person d'où sont sortis cinq textes proposés à des directeur.trice.s de lecture qui ont supervisé le travail d'acteur.trice.s qui lisent ces textes sur scène. 


TAPS - Actuelles - Gosses du béton - Photo: Robert Becker


Et un.e musicien.ne compose et joue la musique relative au spectacle.  Et ce n'est pas tout ! Pour la scénographie, une équipe d'étudiants de la HEAR sous la direction de François Duconseille crée le décor (différent pour chaque spectacle) et des étudiants du département Arts du spectacle de l'Université, encadrés par Sylvain Diaz, maître de conférence s'occupent de produire un livret de présentation de A à Z avec les illustrations et tous les textes jusqu'à l'impression. Une affiche est aussi créée par l'atelier de communication graphique de la HEAR. Pour le spectacle A bon port, les élèves de 5ème du collège Erasme avec leur professeur Mme Sarah Bardot ont travaillé avec la comédienne Juliette Petitjean et pour L'esprit de sel, ce sont les élèves du lycée Louis Marchal avec leur professeur Mélissa Reymann qui ont travaillé avec Eva Courget. La cuisinière Léonie Durr adapte un met surprise chaque soir selon la pièce et pour clore, ne pas oublier l'équipe technique du TAPS sous la direction de Barthélémy Small qui s'occupe de toute la technique et du démontage-remontage chaque jour. La production déléguée de ce festival est assurée par Joël Beyler et Marine Lambert. En plus des deux titres déjà cités, le programme est composé de la pièce Les Glaces de Rébecca Déraspe, de Chevaleresses de Nolwenn Le Doth et de Gosses du béton de Thibaut Galis.


TAPS - Actuelles - Gosses du béton - Photo: Robert Becker


Gosses du béton

Pour nous mettre dans l'ambiance de la pièce de Thibaut Galis, un parcours insolite, jamais exploré en général pour aller au théâtre dans ces anciens bâtiments de la laiterie de Strasbourg, nous mêne par un étroit couloir vers une place bitumée et close, puis à travers une porte de secours dérobée, nous débouchons dans la salle où nous découvrons un genre de podium entre deux rangées de gradins sur lesquels nous nous installons. Un comédien, Quentin Brucker, nous y attend. Et nous apercevons au fond de la salle, sous une boule à facette, derrière sa console, le musicien Nils Boyny qui nous enveloppe dans quelques nappes de musique et de beat de techno. La musique baisse pour laisser la parole à Nathan qui dans une forme d'anaphore nous plonge au plus profond dans une poésie crue, toute en répétition, allers et retours, montée de tension et recommencements et nous faire vivre jusqu'à l'os un acte sexuel avec un autre homme. 


TAPS - Actuelles - Gosses du béton - Photo: Robert Becker


Sur le plateau éclairé en vert se dresse un mât que couronne un slip en dentelle rouge, entre la barre de pole dance et le mât d'un radeau à la dérive. On nous dit "quelques années plus tard" et  arrivent les deux autres comédien.ne.s, Noé Laussedat (Vincent, Paolo) et Mécistée Rhea (Olga) qui se retrouvent dans un club. C'est là que Vincent, Paolo a donné rendez-vous à Nathan pour une première rencontre. On devine Vincent hésitant, frileux, inquiet mais l'ambiance du Club, le couple Vincent et Olga et les chemsex vont faire leur effet. 


TAPS - Actuelles - Gosses du béton - Photo: Robert Becker


Nous assistons alors à la construction hésitante, difficile, erratique d'une communauté à trois en même que la révélation de l'identité et l'introduction dans la "vie professionnelle" de Vincent comme travailleur du sexe. Passant dans différents lieux symboliques, éclairant des moments de vie où chacun essaie de se trouver, se retrouver, de s'oublier, de partir ailleurs, de fusionner - le club, le studio de Vincent, une chambre du Formule 1 Sud, une Love Room, un appartement de PDG, des toilettes - un portrait en creux, de l'intérieur, se dessine. Avec les failles, le désespoir qui s'instille, la recherche du plaisir ou la soumission acceptée, une écriture au couteau, un vocabulaire cru et coupant, une oralité très branchée nous dévoile le décalage, la fêlure et le mal-être de ces personnages. Et l'on doute que le bain final dans le milieu aquatique de la mer soit la rédemption. On leur souhaite en tout cas qu'il les apaise et les réconcilie avec eux-mêmes, qu'il les amène en adelphie et en harmonie.


TAPS - Actuelles - Gosses du béton - Photo: Robert Becker


La langue de Thibaut Galis est brute, imagée, forte, sentie de l'intérieur, d'une poésie âpre et vive. Et même si ce n'est qu'une lecture, sans mise en scène, les comédiens ont le texte en bouche et l'incarnent pleinement. Quentin Brucker y met toute la force et la puissance d'un maître de cérémonie, Noé Laussedat fait passer la virginité et l'indécision du personnage de Vincent/Paolo et Mécistée Rhea, navigue entre les deux et fait le lien de communauté avec maîtrise et autorité. Thibaut Galis en maître des consoles assume aussi les voix de différents "clients" avec des effets spéciaux qui accentue le côté ludique de ces personnages. Mais malgré toutes ces failles et ces doutes, une douceur et sensibilité sourd de ces gosses du béton et de leurs rêves. Merci à toute cette équipe de rendre une certaine visibilité à ce monde "à la fois beau et violent" à travers cette langue presqu'étrangère.


La Fleur du Dimanche


P.S. On aura bien noté que c'est la mort de la mère qui leur permet d'aller faire leur voyage du béton à la mer....




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