mercredi 29 mai 2024

Through the Grapevine d'Alexander Vantournhout au Maillon: Une danse à la (dé)mesure du corps

 Le Maillon à Strasbourg, dans sa programmation annuelle offre des points de passage, des voyages, des  étapes. Avec la ponctuation "Paysage", le Maillon nous offre une pause de dix jours avec et autour du chorégraphe - ou devrait-on dire le circassien, mais non il est un peu partout - belge Alexander Vantournhout. Il aura une "Carte Blanche" qui promet ce week-end et deux autres spectacles en juin et il démarre en beauté et en force avec Through the grapevine.

Le ton est donné avant d'entrer dans la salle avec un espace entre le gymnase et le cabinet de curiosités scientifiques, où le spectateur ou la spectatrice peut mesurer son équilibre, interroger son amplitude ou son élévation. On peut ainsi comparer les différentes dimensions et mesures de son corps et les comparer entre elles ou avec ses compères ou commères. Un exercice plaisant qui renvoie directement au début du spectacle où les deux comédiens-danseurs Alexander Vantournhout et Axel Guérin se toisent littéralement. D'une part des yeux, mais immédiatement après dans des exercices très concrets de comparaison de la taille des os, membres, proportions du corps. Et ceci dans une poésie presque surréaliste. 


Through the Grapevine - Alexander Vantournhout - Axel Guérin - Photo: Bart Grietens


Il nous font toucher du doigt la diversité dans l'individualité. Alors que devant nous nous voyons deux hommes visiblement de la même taille, à un cheveux (ou plutôt une boule de cheveux pour Axel Guérin) près, nous nous rendons compte de manière très pragmatique et visible que les deux corps qui s'offrent à notre vue sont totalement dissemblables. Ainsi, dans la comparaison appliquée partie du corps par partie du corps: bras, avant-bras, mains, jambes, torse, tête, corps assis ou couché, ou courbé, nous assistons à un ballet de la dissemblance appliquée dans une chorégraphie inventive où chaque différence anatomique est prétexte à une mise en scène ou en espace différente dans des enchainements d'une fluidité extraordinaire. 


Through the Grapevine - Alexander Vantournhout - Axel Guérin - Photo: Bart Grietens


Il n'y a aucune répétition, sauf celles qui permettent de temps en temps de déployer des gestes qui en deviennent esthétiques, presque des canons de la danse classique ou mieux de la Modern Dance. Ce catalogue de base constitué et démontré, ils en arrivent à construire des syntagmes de mouvements plus complexes en assemblant ces éléments et en les transformant en mouvements tout aussi surprenants. Ainsi, après une confrontation en miroir "déformé" nous en arrivons à une "fusion" des deux danseurs intriqués et mélangés. 


Through the Grapevine - Alexander Vantournhout - Axel Guérin - Photo: Bart Grietens


Ce sera toute une variation de bêtes bizarres et étranges, comme d'étranges créatures à quatre pieds, une pieuvre ou une engeance à deux corps et une seule tête, ou une poitrine à deux têtes. Mais tout cela bouge, se transforme à l'infini et ce processus de mutation en lui-même est également fascinant, tout comme les différents modes de déplacements des ces ectoplasmes ou les figures acrobatiques tout autant qu'esthétiques qui en découlent. Elles sont toutes plus improbables et surprenantes les unes que les autres, franchement inimaginables - mais ils les réalisent devant nos yeux, ainsi de la culbute entre les jambes, de la roulade à deux, des jambes - ou des bras - qui changent de propriétaires. 


Through the Grapevine - Alexander Vantournhout - Axel Guérin - Photo: Bart Grietens


Ces acrobaties insolites dégagent une esthétique et une grâce dans une fluidité parfaite. Au total une performance sans accroc et impressionnante, tenue et développée dans une maîtrise totale de corps et une écoute de l'autre avec des gestes impeccables, synchronisés et précis pendant une belle heure de bonheur.


La Fleur du Dimanche

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