vendredi 31 mai 2024

Christophe Feltz et Apollinaire: Lettres à Lou, un amour fou, un amour F. Lou - mise au point

 Qui n'a en son adolescence lu les Poèmes à Lou en rêvant de grand amour. Christophe Feltz aussi sûrement, mais c'est une lecture émouvante des Lettres à Lou par Jean-Louis Trintignant au Festival d'Avignon en 2005 qui a poussé notre comédien amoureux des poètes à garnir sa palette de ces lettres d'amour fou et insensé. Pour les replacer dans l'histoire, Guillaume Apollinaire dont la relation amoureuse agitée avec Marie Laurencin avait pris fin tombe amoureux au premier coup d'oeil de Lou - Louise de Coligny-Châtillon - près de Nice, il lui écrit le 28  septembre 1914 une lettre où il lui dit "vos grands et beaux yeux de biche m'avaient tant troublé que je m'en étais allé aussi tôt que possible afin d'éviter le vertige qu'ils me donnaient" - C'est vrai que ses yeux sont troublants. 


Lettres à Lou - Christophe Feltz - Marcel Loeffler -  Photo: Robert Becker


Et c'est le début d'une longue relations où ils jouent au chat et à la souris - Lou se refuse puis s'offre généreusement puis reprend du recul tandis que Guillaume, ayant demandé à s'engager dans l'armée et à se faire naturaliser, après des classes à Nîmes, part sur le front en mars 1914. Il lui écrit toute une série de lettres qu'il lui demande de garder (pour publication). Leurs échanges se raréfient à partir de 1915, quand il rencontre Madeleine Pagès (avec qui il échange le 2 janvier 1915 lors d'un déplacement pour aller voir Lou et va même jusqu'à demander sa main - sans suite - à sa mère le 10 août 1915) et s'achèvent avec une dernière lettre le 18 janvier 1916.


Lettres à Lou - Christophe Feltz - Marcel Loeffler -  Photo: Robert Becker


Ces lettres, superbes missives d'amour, mais aussi remémorations des exubérants moment passés ensemble, entre nostalgie et plaisirs partagés, atmosphères brumeuses ou moments intimes, mêmes des moment doux, d'autres érotiques, et il y est même question de schlague et de domination. Et puis encore de mort et de séparation, de la guerre et de l'oubli. Il est aussi question d'amour et de corps, de coeur et de regrets, de séparation et d'abandon. Tout cela, Christophe Feltz nous les offre dans ce nouveau spectacle qu'il présente dans la Salle Mozart du Munsterhof à Strasbourg. 


Lettres à Lou - Christophe Feltz - Marcel Loeffler -  Photo: Robert Becker


Pour ce voyage, fait en commun, en plaisir partagé, puis qui sent la distance, l'angoisse de l'abandon, cette traversée d'une formidable histoire d'amour comme on peut les fantasmer - ou les vivre, au moins par procuration ou par délégation, Christophe Feltz nous emmène avec lui avec toute la sensibilité avec laquelle il arrive à nous transmettre ces lettres. Il nous les dit à fleur de peau, à fleur de sentiment, il nous dit l'amour, le plaisir, le manque, la souffrance, la nostalgie, la perte. Il nous dit le plaisir, les étreintes, les moments intimes, dans le langage imagé d'Apollinaire que l'on arrive à imaginer, un peu comme lui brossait des poèmes en calligrammes. Et dans ces paysages intimes ou ces élans fougueux, ces moment de répit, ces tableaux des tranchées, pas tristes cependant parce que "le lilas va fleurir" et les obus deviennent bague de fiançailles et "malgré tout, malgré toi, ;... je vois la vie en rose", l'amour est une consolation.


Lettres à Lou - Christophe Feltz - Marcel Loeffler -  Photo: Robert Becker


Pour contribuer avec bonheur à la joie de ce voyage, c'est aussi l'accordéon de Marcel Loeffler qui ponctue, soir entre les textes soit en les accompagnant en douceur quelquefois avec des airs de Satie en variation gymnopédiques et serpentines, les doigts dansant allègrement sur son clavier. Et avec Satie, Ravel et autres mélodies de cette époque comme base d'improvisation, de magnifiques mélodies ponctuent et amènent respirations, échappées ou soutien à ces merveilleux textes. Pour conclure, en anaphores incantatoires qui s'éteignent au lointain, le souvenir de cet amour s'envole dans la nuit et une dernière improvisation du virtuose du piano à bretelle, Marcel chauffe la salle pour nous guérir de ces amours qui bien qu'heureux finissent mal, mais cela on le savait. On en a bien profité avant.


Lettres à Lou - Christophe Feltz - Marcel Loeffler -  Photo: Robert Becker


La Fleur du Dimanche, 


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