mercredi 22 mai 2024

De François Gremaud, une mise au point de CARMEN. Point de voix par Rosemary Standley qui ponctue les histoires

Ne confondez pas Carmen de Bizet et Carmen. (avec un point) de François Gremaud. Ni Carmen et Rosemary Standley, qui, elle, va à la fois interpréter ses airs (ceux de Carmen) et même ceux des autres personnages de l'opéra-comique de Georges Bizet, et même son personnage à elle: "Rosemary, façon de comédienne-chanteuse". 

Carmen. - François Gremaud - Rosemary Standley - Photo: Dorothée Thébert Filliger


Car, hasard ou choix judicieux du metteur en scène et auteur François Gremaud, le prénom de la chanteuse, qu'elle garde sur scène permet à l'auteur un parallèle, en introduction, entre l'Amour et la Mort, symboles que d'un côté les Grecs (l'Amour) et d'autre côté les Romains (la Mort) associaient à la plante - le romarin - qui en Anglais se dit Rosemary et le sujet de Carmen (l'Opéra). Comme nous en sommes aux digressions (il y en a quelques-unes dans le spectacle) notons que Rosemary Standley, chante aussi dans le groupe Moriarty. Et que François Gremaud est Suisse, ce qui nous vaut (Vaud) une ou deux blagues helvètes (et le septante-trois de la fin). Il faut quand même dire que François Gremaud s'est précédemment frotté au Chef-d'oeuvre du Ballet Giselle (qui est devenu Giselle... - trois petits points, de suspension - vu au Maillon en 2022) après s'être occupé dans le domaine du théâtre de Phèdre qui a gagné un point d'exclamation: !


Carmen. - François Gremaud - Rosemary Standley - Photo: Dorothée Thébert Filliger


Carmen. est donc le point final d'une trilogie. Et le spectacle, après avoir fait un détour par l'histoire du théâtre ou plutôt du "genre" (et du lieu) Opéra-Comique (le comique des Italiens chassé par les "Français" qui revient au galop via les "forains" et les multiples péripéties qui mènent à la pantomime et au "stand-up" - ce dont le spectacle même est une version déclinée), nous emmène dans les secrets de fabrication de ce chef-d'oeuvre de Bizet. Avec, par exemple, une première version du fameux air que la première interprète de Carmen, Célestine Galli-Marié a refusé de chanter, obligeant Bizet à réécrire la musique et les paroles aussi - rappelez vous que le livret, tiré de la nouvelle de Prosper Mérimée a été écrit par Henri Meilhac et Ludovic Halévy qui ont écrit les plus célèbres opérettes d'Offenbach. 


Carmen. - François Gremaud - Rosemary Standley - Photo: Dorothée Thébert Filliger


Et, par la magie du théâtre nous allons assister, décrit, mimé et chanté par Rosemary Standley, qui nous plonge via un fabuleux voyage dans le temps, à la première représentation de Carmen le 3 mars 1875 à l'Opéra-Comique (Salle Favart) devant un public parmi lesquels Offenbach, Massenet, Dumas fils et Daudet. Le décor est décrit et reconstitué avec précision devant nos yeux par Rosemary Standley. Elle interprète, de sa voix qui arrive à passer dans tous les registre tout en étant claire, du plus grave au plus aigu, tour à tour tous les protagonistes de la pièce, du brigadier Don José à la jeune (17 ans) Micaëla, à Zunica ou Moralès, Carmen, bien sûr ou Frasquita et Mercedes, les bohémiennes, Escamillo le torero ou les contrebandiers Le Dancaïre et Le Remendado (eux avec une caractéristique physique en plus). Elle les interprète bien sûr par la voix, parlée ou chantée, c'est selon (on ne va pas assister à l'opéra en entier), mais aussi tout à fait crédible et "incarné(e)s" comme actrice capable de différencier les multiples personnages qu'elle représente dans les dialogues (et même plus) ou les airs. 


Carmen. - François Gremaud - Rosemary Standley - Photo: Dorothée Thébert Filliger


Ne se contentant pas de mimer, interpréter et chanter l'histoire, elle va bien tout autant nous donner quelques clés de lecture et des commentaires sur l'oeuvre. Ainsi pour Don José, sa propension aux liens et à l'attachement (entre autres sa médaille et son épinglette qui lui valent d'être traité par Carmen d' "épinglier de mon âme" et ce lien (ce cordon) avec sa mère qu'il n'arrive pas à couper. Et pour Carmen, sa nature violente. Elle nous dévoile aussi quelques notes sur la musique et les airs et motifs de l'Opéra, comme le "motif funeste" qui "gangrène" le "Je t'aime" de Don José du deuxième Acte et annonce le destin de Carmen. Pour parler de la musique, car que serait Carmen sans la musique, c'est un orchestre réduit à cinq instrumentistes: la flûte avec Héléna Macherel, le violon avec Sandra Borges Ariose, l'accordéon (et les percussions) avec Christel Sautaux, la harpe avec Célia Perrard et le saxophone avec Bera Romairone qui remplacent avec brio et entrain le grand orchestre dans un adaptation très réussie de Luca Atignani. On entend ainsi fort bien tournés les interludes et les airs, de même les accompagnements qui laissent une belle place à la voix, vraiment magnifique de Rosemary Standley. 


Carmen. - François Gremaud - Rosemary Standley - Photo: Dorothée Thébert Filliger


Nous avons bien sûr droit aux "tubes" "L'amour est enfant de Bohème", la "Chanson de la mère" - à deux voix ! - "Les remparts de Séville" et "Toréador" mais aussi les tralalas pleins d'humour de "Je ne te dirais rien". De beau moments de plaisir qui nous font revivre tous nos souvenirs, même du bout du Monde - en Chine par exemple quand nous entendions, en marchant dans les montagnes sacrées ces airs entraînants. Où va se nicher la culture française? Et c'est l'occasion d'arriver à ce point, ce point final qui, via la critique de l'époque, a condamné la pièce, non pas comme on le ferait aujourd'hui, à l'ère du #metoo, en blâmant le "féminicide" de Don José, mais la liberté de Carmen, liberté qu'elle avait et revendiquait:

"Libre elle est née 
Et libre elle mourra" 

Carmen. - François Gremaud - Rosemary Standley - Photo: Dorothée Thébert Filliger


Et ainsi, le succès n'étant pas au rendez-vous attendu par Bizet, cela lui causa "un gros chagrin" et il mourut trois mois après, ne pouvant plus constater le succès à venir, lorsque trois ans plus tard, grâce à la soprano américaine Minnie Hauk, à Bruxelles, qui, par son interprétation, ouvrit la porte du triomphe à cet opéra qui est devenu le plus célèbre dans le monde, mais ça c'est une autre histoire. Peut-être est-ce cette union de l'Amour et de la Mort qui en est la cause (que dirait Freud?).


La Fleur du Dimanche


Remarque: Pour celles et ceux qui se demandent pourquoi j'ai mis dans le titre "point de voix pour Rosemary Standley", c'est bien parce qu'elle pointe de sa voix (superbe) les différents personnages et leurs caractéristiques et non comme vous l'aurez compris dans le texte pas parce qu'elle n'a "pas de voix" ! (point d'exclamation ;-) ) 

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