Quand on dit Carmen, on est sûr que la plupart des interlocuteurs connaissent au moins un des airs de cet opéra. Il est classé parmi les premiers, sinon le premier en termes de popularité. Et la musique de Bizet, sur un livret des réputés librettistes Henri Meilhac et Ludovic Halévy, adapté de la nouvelle Carmen de Prosper Mérimée contient plus d'un air qui a vocation à devenir un "tube". Certains sont connus dans le monde entier, la preuve, un souvenir de voyage d'il y a plus de quarante ans, en Chine où, sur un sentier dans des montagnes reculées, un groupe de Chinois chantait plein d'allant la marche "Avec la garde montante" . Sinon, qui ne connait la célèbre habanera L'amour est un oiseau rebelle, le duo Parle-moi de ma mère, la séguedille Près des remparts de Séville, les célèbres couplets du toréador et Si tu m'aimes Carmen et d'autres airs solos, duos ou d'ensembles dont l'air Écoute, compagnon, écoute introduit par l'air de flûte bien connu. L'Opéra-comique, composé par Georges Bizet n'eut pas, lors des premières représentations le succès qu'il a aujourd'hui, il fut d'ailleurs très mal accueilli à sa création en 1875 du fait de son sujet et de sa fin inhabituelle (le meurtre d'une femme "libre") et Bizet qui est mort jeune (à 37 ans), juste trois mois après la première n'en a pas goûté le succès. Succès qui s'est installé mondialement dans les dix années qui suivirent.
Carmen - Bizet - OPS- Aziz Shokhakimov - Photo: Nicolas Rosès
C'est donc un plaisir immense de pouvoir assister à la version concertante de cet opéra à Strasbourg, avec l'Orchestre Philharmonique de Strasbourg car, même si nous n'avons pas le décor et la mise en scène de ce remarquable opéra, nous en avons une représentation de qualité. Le chef John Nelson qui se faisait un grand plaisir de diriger cette production a du, pour des raisons de santé y renoncer et la diva Joyce DiDonato qui voulait chanter Carmen avec lui a également fait défaut. C'est le directeur artistique de l'OPS Aziz Shokhakimov qui dirige le concert et démarre le prélude avec un train d'enfer. Sur un rythme bondissant, les motifs militaires et de la corrida gais et sautillants nous emportent dans l'aventure avant un thème plus grave, suivi par les airs de la garde montante chantés par les jeunes enfants de la Maîtrise de l'opéra National du Rhin sous la houlette du chef de choeur Luciano Bibiloni.
Carmen - Bizet - OPS- Aziz Shokhakimov - Photo: Nicolas Rosès
Le soldat Morales, Thomas Dolié et sa belle voix de baryton donne le ton de la pièce en campant le sujet - et l'esprit de la pièce en décrivant un triangle amoureux parmi les passants qu'il aperçoit et arrive Micaëla, la soprano Elsa Dreisig et sa voix claire et lumineuse avec une très belle tenue dans les aigus à la recherche de Don José, notre héros. C'est le remarquable Michael Spyre qui habite bien son rôle et qui est très à l'aise vocalement, autant en amplitude qu'en puissance, qu'il dose savamment. Il rencontre Carmen, dont la mezzo-soprano Elena Maximova reprend le rôle. Elle l'a interprété de nombreuses fois sur les scènes européennes et elle incarne une Carmen forte et puissante, volontiers charmante et ce n'est pas une surprise si Don José tombe sous son charme. Le retour de Micaëla donne un beau duo avec Don José, plein d'émotion et de nostalgie avec des baisers timides échangés. Puis nous assistons à la rixe de Carmen, son arrestation et le dilemme de Don José.
Carmen - Bizet - OPS- Aziz Shokhakimov - Photo: Nicolas Rosès
Dans l'acte II nous avons droit aux mauvaises fréquentations dans l'auberge de Lillas Pastia, les bohémiennes Frasquita, la soprano Florie Valiquette et Mercédès, la mezzo-soprano Adèle Charvet, bien hispanisantes, et les contrebandiers le Dancaïre, le baryton Philippe Estèphe et le Remendado, le ténor Cyrille Dubois qui manigancent une traversée d'un col avec l'aide des filles. L'arrivée du torero Escamillo donne l'occasion au baryton Alexandre Duhamel de montrer sa puissance dans le célèbre Votre toast je peux vous le rendre, "Toréador" repris par tous avec entrain et lui fait rencontrer (et remarquer Carmen). Les clairons qui sonnent "dehors" et qui rappellent Don José et sont l'objet du premier accroc dans la relation Carmen Don José qui lui fait chanter son poignant et transperçant La fleur que tu m'avais jetée... suivi de la rixe entre Don José et son officier Zuniga, Nicolas Courjal et sa belle voix de basse Et pour finir l'acte II, après avoir loué le pouvoir des femmes, tous ensemble convainquent Don José d'opter pour La Liberté, dans la montagne.
Carmen - Bizet - OPS- Aziz Shokhakimov - Photo: Nicolas Rosès
Dans l'acte III nous avons droit au mauvais présage des cartes tirées par les bohémiennes Frasquita et Mercédès qui annoncent "la mort" sans relâche à Carmen, qui a troqué sa robe rouge contre une robe noire couverte de fleurs. Nous avons droit au duel de Don José avec Escamillo, le toréador, son rival, qui se termine heureusement par les contrebandiers qui s'interposent. Le retour de Micaëla nous offre un magnifique passage poignant et émouvant sur la peur, avant qu'elle annonce la mort prochaine de sa mère de Don José, et qui vaut à Elsa Dreisig une longue ovation du public transporté:
je dis, hélas! que je réponds de moi;
mais j'ai beau faire la vaillante,
au fond du coeur je meurs d'effroi!
Seule en ce lieu sauvage,
toute seule j'ai peur,
mais j'ai tort d'avoir peur;
vous me donnerez du courage,
vous me protégerez, Seigneur!
Carmen - Bizet - OPS- Aziz Shokhakimov - Photo: lfdd |
Carmen - Bizet - OPS- Aziz Shokhakimov - Photo: lfdd |
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