mardi 11 avril 2023

Tout mon amour au TNS: Disparaître ou ne pas disparaître, That is the question !

 Dans la pièce de Laurent Mauvignier mise en scène par Arnaud Meunier au TNS, Tout mon amour, il est question de disparition et de fantômes, de revenants également. Sous différentes formes d'ailleurs... Cela pourrait être un polar, mais c'est plutôt un "thriller" psychologico-sociologique dont il vaut mieux ne pas révéler la chute, glaçante. Effectivement la pièce se construit comme une énigme dont on découvre au fur et à mesure des indices qui apparaissent, objets ou éléments de discours, une chemin tortueux qui ouvre des perspectives surprenantes. A l'image de ce décor, scénographié par Pierre Nouvel, fait de panneaux qui se voilent ou deviennent transparents ou qui bougent pour modeler l'espace intérieur et extérieur, trajectoires ou recoins pour s'isoler ou fuir, ou espaces de rencontre plus ou moins conflictuelles.


Tout mon amour - Laurent Mauvignier - Arnaud Meunier - Photo: Pascale Cholette



Avec cet ailleurs aussi, relié par un téléphone qui permet de joindre le bout du monde (le Japon, où le frère a pris ses distances) ou plus proches, d'où on peut faire apparaître d'un simple coup de fil le fils dès qu'il est convoqué. L'on apprend donc très vite que le père, campé dans toute sa puissance volontiers éruptive par Philippe Torreton, est revenu dans la maison familiale qu'il vend à l'occasion de l'enterrement du grand-père. Que des imprévus retardent le retour, ce qui déplait à la mère qu'incarne avec une élégance secrète et grise Anne Brochet. La situation aboutit à une belle déflagration verbale, magistral dialogue de sourds, et permet également dans la foulée, l'apparition d'un revenant, en l'occurrence une jeune fille - incroyable Ambre Febvre - qui se dit être Elisa, leur fille disparue dix ans plus tôt, à six ans, au même endroit.


Tout mon amour - Laurent Mauvignier - Arnaud Meunier - Photo: Pascale Cholette


A l'instar de tous les revenants, elle va donc perturber l'équilibre de ce couple et le déroulement de la suite à travers de situations, certaines auxquelles on s'attend et d'autres beaucoup plus improbables et surprenantes, que je vous laisse découvrir par vous-mêmes. Autre revenant, le grand-père, auquel Jean-François Lapalus donne une réalité bien terre-à-terre. Il est rattaché au père (il n'y a que lui qui le voit - et bien sûr les spectateurs), c'est à la fois sa mauvaise conscience et sa soupape de sécurité, l'occasion aussi de ramener du rire, quelquefois gras ou choquant dans le déroulement de la pièce. 


Tout mon amour - Laurent Mauvignier - Arnaud Meunier - Photo: Pascale Cholette


L'intrigue va ainsi avancer, construisant un univers et des caractères, dévoilant des êtres et des fonctionnement dans ce qui pourrait être un espace mental où chacun dialogue avec lui-même ou monologue avec l'autre, nimbé de la lumière irréelle d'Aurélien Guettard et littéralement baigné dans les nappes de musique de Patrick de Oliveira. Les personnages sont bien servis par les grands comédiens dont j'ai déjà parlé, et les jeunes, sortis de l'école de la Comédie de Saint Etienne (qu'Arnaud Meunier avait dirigé) sont aussi remarquables. Romain Fauroux qui joue le fils, a un présence sensible et un caractère bien trempé et Ambre Febvre arrive à incarner toute la douleur de cette fille qui aurait disparu très jeune, par une attitude physique qui montre l'entrave et le déséquilibre avec brio. 


Tout mon amour - Laurent Mauvignier - Arnaud Meunier - Photo: Pascale Cholette


De manière totalement antinomique à son titre, la pièce de Laurent Mauvignier nous emmène dans les dédales des âmes sombres, des fantômes intérieurs et des revenants qui ramènent les personnages à révéler leur vraie nature qui n'a rien d'angélique et qui nous confronte à des situations qui ne nous laissent pas indemne. 


La Fleur du Dimanche


Tout mon amour


Au TNS du 11 au 15 avril 2023


Texte Laurent Mauvignier
Mise en scène Arnaud Meunier
Avec
Anne Brochet - La mère
Romain Fauroux * - Le fils
Ambre Febvre * - Élisa 
Jean-François Lapalus - Le grand-père
Philippe Torreton - Le père
Collaboration artistique Elsa Imbert
Assistanat à la mise en scène Parelle Gervasoni
Scénographie Pierre Nouvel
Lumière Aurélien Guettard
Musique Patrick De Oliveira
Costumes Anne Autran
Coiffures / Maquillages Cécile Kretschmar
Production MC2: Maison de la Culture de Grenoble - Scène nationale
Production à la création La Comédie de Saint-Étienne - Centre dramatique national
Coproduction Espace des Arts - Scène nationale Chalon-sur-Saône

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