vendredi 28 janvier 2022

The Lulu Projekt au TAPS: Faire le mur avant la chute

La pièce de Magali Mougel The Lulu Projekt pourrait se situer du côté de Wedekind entre L'éveil du Printemps et La boite de Pandore, tout en cherchant du côté de Bertold Brecht et son anarchisme ou son théâtre à vocation sociale. 

The Lulu Projekt - Magali Mougel - TPAS - Photo: Christophe Raynaud de Lage


L'histoire, située de l'autre côté du "mur", de ce jeune garçon entrant dans l'adolescence, et rêvant de partir dans les étoiles avec Youri, Laïka et Valentina (la première femme cosmonaute) parce que sa mère lui dicte comment boire son café (il le préfère fondant le sucre dans sa cuillère...). Cette mère seule (le mari trône en photo sur la commode) qui préfère sa fille et boire du Porto et qui voudrait voir son fils en prison ou mort plutôt que dans sa cuisine parce que les valeurs d'ordre et de discipline qu'elle veut lui inculquer n'ont pas de prise sur lui. Il préfère se réfugier dans la musique rock et même franchement punk, version Nina Hagen, qui lance la pièce, ou Sex Pistols ou encore, idole idéale Kurt Cobain et Nirvana. La pièce est rythmée de quelques-uns de leurs morceaux qui permettent une expression autre que verbale (bravo au travail de Stéphanie Chêne), en tout cas qui font un magnifique contrepoint à la lourdeur du destin qui pèse sur cet antihéros, et qui exprime là toute sa belle et forte liberté corporelle.  Sinon, il s'enfuit également au-dessus de cette cité avec son très grand ami Moritz, qui comme lui refuse de voir le monde - il est d'ailleurs malvoyant et perd la vue - et ils s'évadent ensemble avec les alcools populaires. 


The Lulu Projekt - Magali Mougel - TPAS - Photo: Christophe Raynaud de Lage


La mise en scène de Cécile Arthus balance entre choeurs de narrateurs et moments où notre héros alterne entre essais d'intégration sociale dans une boucherie industrielle (qui nous vaut une drolatique séquence de marionnette) ou chez le paysagiste (où l'on se rend compte que le rythme peut se retrouver aussi ailleurs que dans la musique) pour s'élever vers une envolée amoureuse dans le jaune d'un champ de colza où le blond des cheveux d'une jeune inconnue apporte l'or de l'amour dans le coeur de notre héros. 
Antony Jeanne en Lulu arrive à nous faire croire à la fois à cette fragilité et ce désarroi tout en couvant une énergie débordante. Blanche Giraud-Beauregard incarne une mère très réaliste et Blanche Adilllon-Lonardoni est impeccable en jeune fille bien élevée et arrive à nous bluffer dans son autre rôle.  Laurent Robert a toute la bonhomie sympathique de Moritz et Philippe Lardaud assure avec sérieux les différents rôles "sociaux" (patron ou commissaire) auxquels notre petit monde va être confronté et réalise une superbe prestation chantée digne d'un vrai concert. Tout cela fait une belle fable réinventée pour essayer de voir comment, adolescent, on peut retrouver le chemin des autres, de la société, alors qu'on ne rêve que d'amours adolescentes et d'étoiles....  A suivre ...


The Lulu Projekt - Magali Mougel - TPAS - Photo: Christophe Raynaud de Lage



Il vaut mieux brûler franchement que s’éteindre à petit feu, non ?
– Alors je vais t’embrasser et ce sera comme foutre le feu à tout. Lulu aveugle, ça te dirait d’aller voir les étoiles de plus près ?
– Faut voir.
– T’y verras rien, mais tu t’inventeras ton aurore boréale, avec la voie lactée qui dans le vent…
– Attends, d’abord je laisse un mot. Si jamais on me cherche là-haut, qu’on sache où je suis.


La Fleur du Dimanche


TAPS Scala - du 25 au 28 janvier 2022

Oblique Compagnie

Création 2021

De Magali Mougel

Mise en scène Cécile Arthus

Avec Anthony Jeanne, Blanche Adilon-Lonardoni, Blanche Giraud-Beauregardt, Philippe Lardaud, Laurent Robert

Scénographie Estelle Gautier
Corps et mouvement Stéphanie Chêne
Lumière Maëlle Payonne
Son Valérie Bajcsa
Costumes Séverine Thiébault

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