mardi 6 février 2024

Sans tambour de Samuel Achache au TNS: Rembobiner l'Amour sans se tromper

 Samuel Achache est connu pour avoir une approche assez iconoclaste de la musique. Les fidèles du Festival Musica ont pu l'expérimenter en 2017 avec Orfeo, Chewing-gum silence (Mini Musica) en 2020 et en 2022 avec le Concerto pour clavier en ut mineur de Carl Philipp Emanuel Bach re-mis en musique et avec, entre autres Eve Risser. C'est d'ailleurs la même Eve Risser qui a composé le début du spectacle. D'ailleurs, Samuel Achache n'est pas seulement iconoclaste, il casse tout ! 


Sans tambour - Samuel Achache - Photo: Jean-Louis Fernandez


Sur scène, au début de Sans Tambour, nous voyons une maison "écorchée" la structure visible, le premier étage à vue. Mais il ne se contente pas de briser les icones, ou les traditions en général, il va prendre un malin plaisir à démolir au fur et à mesure les murs de cette maison, d'abord méthodiquement en bas, les grosses briques en parpaing qui constituent les murs de la cuisine, et on va se trouver tout à la fin avec une maisons "transparente" dont on ne voit plus que la structure. Son personnage principal (son double pour ainsi dire, interprété par Lionel Dray) va aussi dans un geste symbolique, "casser le monde", en l'occurrence une grande table de chevet sur laquelle il est perché, un bon moment, et qu'il massacre avec une massue.


Sans tambour - Samuel Achache - Photo: Jean-Louis Fernandez


Est-ce parce que symboliquement le monde s'effondre et qu'une séparation se trame. Qu'il faut essayer de reconstruire quelque chose? En tout cas cela donne lieu à de des dialogues et des situations à la fois drôles et inventifs, entre un comique absurde et du burlesque de la meilleure veine des films muets.  Mais on n'arrivera pas à faire marche arrière et à tout reconstruire, comme lors de l'introduction, où l'on assiste de manière magique à des essais de rembobinage du premier tour de chant d'Agathe Peyrat, quand dans une incroyable performance elle chante à l'envers - ainsi que tous les cinq musiciens - comme si on faisait défiler en marche arrière un film. Elle parvient également avec un naturel impeccable à nous faire croire qu'elle chante comme sur un disque gondolé. Disque que Samuel Achache nous présente en introduction avec quelques variations de gags visuels. 


Sans tambour - Samuel Achache - Photo: Jean-Louis Fernandez


On ne peut pas reconstruire une histoire qui s'effondre, mais on peut prendre des chemins de traverses, et c'est ce que la pièce nous invite à faire, changeant de cap de temps en temps, passant de séquences plus de l'ordre du visuel à des passages musicaux, ou à des joutes verbales ou des monologues délirants. Nous allons donc successivement assister à de drolatiques scènes de ménage puis des airs de Schuman romantiques arrangés pour nous retrouver dans une version bien raccourcie de la sage Tristan et Yseult wagnérienne où ne manquent pas les épisodes du Philtre d'amour et d'Yseult la Blanche. Il y a bien d'autres rebondissements que je vous laisse découvrir dans cette pièce qui ne manque pas de vous réserver des surprises et des frayeurs, et du plaisir. 


Sans tambour - Samuel Achache - Photo: Jean-Louis Fernandez


Sans oublier que sous ces sourires et ces rires, des questions existentielles point le bout du nez. Mais la pièce n'est pas là pour vous guider sur le chemin mais plutôt vous ouvrir l'horizon, ce qui est le cas avec cette maison dont on voir la structure mais qui laisse aussi voir  ce qui se passe à l'arrière, mais pas trop. Un peu de mystère subsiste et c'est ça la magie du spectacle. Et ça marche.


La Fleur du Dimanche


Sans Tambour


Au TNS du 6 au 14 février 2024

De et avec
Samuel Achache
Lionel Dray
Myrtille Hetzel
Antonin-Tri Hoang
Florent Hubert
Sébastien Innocenti
Sarah Le Picard
Léo-Antonin Lutinier
Agathe Peyrat
Mise en scène
Samuel Achache
Direction musicale
Florent Hubert
Arrangements collectifs à partir de lieder de Schumann tirés de Liederkreis op.39, Frauenliebe und Leben op.42, Myrthen op. 25, Dichterliebe op.48, Liederkreis op.24
Compositions
Antonin-Tri Hoang
Florent Hubert
Eve Risser
Collaboration à la dramaturgie
Sarah Le Picard
Lucile Rose
Scénographie
Lisa Navarro
Lumière
César Godefroy
Costumes
Pauline Kieffer
Assistanat aux costumes et accessoires
Eloïse Simonis
Production Centre International de Créations Théâtrales / Théâtre des Bouffes du Nord & La Sourde
Coproduction Théâtre de Lorient - Centre dramatique national ; Théâtre national de Nice ; Les Théâtres de la ville de Luxembourg ; Théâtre de Caen ; Le Quartz, Scène nationale de Brest ; Festival d’Avignon ; Points communs nouvelle scène nationale Cergy-Pontoise / Val d’Oise ; Festival Dei Due Mondi – Spoleto ; Opera national de Lorraine ; Festival d'Automne à Paris ; Le Parvis – Scène nationale Tarbes Pyrénées ; Théâtre + Cinéma - Scène nationale Grand Narbonne ; Le Grand R – Scène Nationale de La Roche-sur-Yon ; Cercle des partenaires
Avec le soutien du Centre national de la musique
Avec le soutien en résidence de création de la vie brève – Théâtre de
l’Aquarium, de la Fondation Royaumont et du Centre d’Art et de Culture de
Meudon
À Gérard Lutinier
Spectacle créé le 1er juin 2022 au Théâtre national de Nice.

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