C'est rare qu'un directeur de théâtre aille sur scène autrement que pour annoncer qu'il faut éteindre son téléphone portable avant le spectacle. D'ailleurs, Olivier Chapelet l'a fait; il a également annoncé la pièce Ca va bien se passer (J'espère) en précisant qu'elle serait interprétée par Robert Bouvier, ancien élève (diplômé) de l'école supérieure du Théâtre National de Strasbourg. Mais que ce comédien, devenu directeur d'un théâtre se mette en scène et commence par remplacer à lui seul les quelques 35 danseuses du Ballet du Kirov en attendant qu'elles arrivent, c'est plus rare.
Ca va bien se passer (J'espère) - Robert Bouvier - TAPS |
Bon, cela se passe bien parce que ce n'est pas trop long, et qu'en plus c'est drôle. Drôle, en fait cela le restera jusqu'au bout, le temps qu'elles arrivent, mais ça c'est une autre histoire. Une histoire mise en scène par le comédien-directeur de théâtre avec la collaboration de sa cousine Joëlle Bouvier (bien connue comme chorégraphe (sûr qu'elle a mis sa patte au Lac des cygnes du début, entre autres) et à Simon Romang, avec très peu d'accessoires sur la scène mais tous très judicieusement utilisés. Mais, en attendant que les danseuses n'arrivent et que le public, lui va partir, de digression en digression, nous aurons réussi, ou plutôt le directeur aura réussi à nous passer en "revue" sa vie. Qu'elle soit familiale - de sa naissance à ses amitiés - dans sa petite ville au bord du lac, qu'il quitte pour la retrouver en fin de parcours - ou professionnelle - avec cet amour et cette vocation pour le théâtre qu'il attrape très jeune et dont il suit - ou plutôt creuse et creuse sans relâche le chemin.
Ca va bien se passer (J'espère) - Robert Bouvier - TAPS |
Il nous offre quelquefois avec quelques surprises inattendues qui font le suc de la pièce. Ainsi pour son premier rôle - qui lui a ouvert la vocation, quand dans la représentation de la crèche mise en scène par son institutrice, il devait incarner non le "ravi" mais Balthazar et que dans un élan improvisé et pour faire plus "vrai" (anagramme de ravi), il se barbouille le visage en noir et se retrouve rétrogradé à faire le bœuf. Ca fait de l'effet effectivement. J'en connais d'autres qui, ayant, à défaut d'accessoires - par exemple d'un chapeau pour figurer les champignons dans le conte de Blanche Neige, se sont retrouvés à faire des arbrisseaux et ont détesté le théâtre toute leur vie. Notre apprenti comédien lui, ne s'est pas découragé, qui bien plus tard s'est retrouvé Black Face prédestiné chez Matthias Langhof. Il lui en a fallu du courage et de la persévérance, et de la chance. Entre autre de connaître la coiffeuse de la mère d'un comédien local qui a fait carrière à Paris, ou d'essayer de faire partie de la troupe de Patrice Chereau. Rien ne l'a découragé, et grâce à son obstination il a grimpé les échelles des rôles du cinéma, passant de figurant "mort" à figurant "vivant" puis "à onomatopée" puis à figurant "parlant" par la grâce du quota "suisse" sur une coproduction internationale, il a gravi le "Pic Blanc" pour arriver à son rôle idéal "Lorenzaccio".
Ca va bien se passer (J'espère) - Robert Bouvier - TAPS |
Ca ne l'a pas empêché non plus, cet homme toujours en retard avec des "confettis" dans la tête, de postuler à la direction du futur nouveau théâtre de sa ville, et d'être sélectionné... et embauché. Cet entretien d'embauche nous vaut quelques portrait hauts en couleur de quelques personnages typiques, comme l'entrepreneur du bâtiment gestionnaire de cet équipement, et d'autre profils impliqués plus pittoresques les un(e)s que les autres.
Ca va bien se passer (J'espère) - Robert Bouvier - TAPS |
Il y aura quelques situations absurdes ou drolatiques, d'autres surréalistes et également un regard sur les coulisses surprenantes du fonctionnement de ce type de structure. Et encore des notations gratinées sur les lubies, travers et excentricités du milieu artistique. On s'en délasse et on rit de bon coeur. On ne se rend même pas compte de la virtuosité d'adaptation du comédien Robert Bouvier qui arrive à incarner et faire prendre chair à tous ces personnages, passant de l'un à l'autre sans effort, jouant de la voix ou du geste ou de l'attitude pour nous plonger dans cette réalité qu'il nous conte sans faiblir et avec humour. Une belle performance. Cela s'est très bien passé.
La Fleur du Dimanche
Ca va bien se passer (J'espère)
Au TAPS Scala - Strasbourg, le 21 et 22 février 2024
de Robert Bouvier, Joëlle Bouvier, Simon Romang
Mise en scène Joëlle Bouvier, Simon Romang
Compagnie du Passage, Neuchâtel (Suisse)
Avec Robert Bouvier
Lumières Pascal Di Mito Musique et univers sonore Matthias Yannis Babey Musique originale Lucas Warin Costumes Faustine Brenier Décor et accessoires Yvan Schlatter Régie générale Pascal Di Mito Production et diffusion Sandrine Galtier-Gauthey Administration Danielle Junod
Le texte critique à lui seul donne envie d’y aller voir et rend plus cruel le petit nombre de représentations.
RépondreSupprimerMerci pour votre remarque, on ne peut pas toujours tout faire, il faut quelquefois choisir: rire ou pleurer
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