vendredi 10 février 2023

Starmania en tournée: Sous la nostalgie, l'éclat du noir et le tranchant de la lumière

 Starmania était le premier Opéra Rock français, créé par Michel Berger et le canadien Luc Plamodon en 1979. La musique et de nombreuses chansons sont devenues célèbres. Le spectacle musical qui ne reste que quatre semaines à l'affiche ne décolle qu'avec le deuxième version des deux auteurs en 1989 suivi de tournées mondiales puis avec la version de Lewis Furey, un peu modifiée, qui connait une belle carrière et dont le disque est disque de diamant en 1993 ( plus d'un million de ventes) - les deux précédents ont été disques d'or en 1979 et 1988. Quarante ans après, le fils de Michel Berger et France Gall, Raphaël Hamburger qui souhaiter remonter l'Opéra Rock monte une équipe de choc qui fait des étincelles.


Starmania - Michel Berger - Luc Plamodon - Thomas Jolly - Photo: Antony Dorfmann


Avec Thomas Jolly, à qui a été confié la cérémonie d'ouverture des Jeux Olympiques de 2024, à la mise en scène, et Sidi Larbi Cherkaoui, danseur et chorégraphe belge qui a fait un beau parcours depuis 1999 (il est à la tête du Grand Ballet du Théatre de Genève), vous pouvez vous attendre à des surprises. Parce qu'il faut se laisser surprendre, et des découvertes vous en ferez. 


Starmania - Michel Berger - Luc Plamodon - Thomas Jolly - Photo: Antony Dorfmann


Les chansons, vous les connaissez, vous les avez écoutées - et chantées pour certaines maintes fois. L'histoire, un peu moins. La révolte des Etoiles Noires et le syndrome de Stockolm plus la Bande à Baader qui ont inspiré en partie cette histoire sont enfouis dans les limbes de la mémoire. Le contexte, utopique à l'époque de ces chaines d'information en continu, d'une élection politique s'appuyant sur le spectacle et la communication, l'urbanisation verticale et la violence urbaine se sont par contre installés dans le paysage et sont banalisés. Les émissions de variété menant à une gloire médiatique, du type de l'émission homonyme de cet opéra-rock se sont multipliées et ont même fourni quelques chanteuses et chanteurs de la version actuelle de la pièce, et qui ne déméritent pas. Alex Montembault en Marie-Jeanne fait preuve d'une belle voix et d'une belle sensibilité, tout comme Adrien Fruit en Ziggy. 


Starmania - Michel Berger - Luc Plamodon - Thomas Jolly - Photo: Antony Dorfmann


Les femmes, "stars" souveraines et belles, Lilya Adad en Cristal, et Maag en Stella Spotlight, de même que le/la dynamique Sadia (Miriam Baghdassarian) accroche sur la scène. Côme est très convaincant en Johnny Rockfort et David Latulippe fait un Zéro Janvier lisse un peu plus dans l'image du politique (présidentiable) de nos jours. Les chansons, et surtout les tubes comme Le blues du businessman, Besoin d'amour, Paranoïa, Ce soir on danse et Le monde est stone, vous allez pouvoir les fredonner, mais le spectacle n'est pas seulement un disque et vous allez en avoir plein les yeux.


Starmania - Michel Berger - Luc Plamodon - Thomas Jolly - Photo: Antony Dorfmann

D'une part la scénographie, les constructions futuristes du décor, souvent mouvant, tournant, tournoyant même pour suivre les montées et descentes de marches des chanteuses et des chanteurs vont vous entraîner dans un tourbillon enivrant. Les tours qui rappellent autant le cinéma expressionniste allemand que des constructions futuriste de films d'anticipation, toutes en noir, sont particulièrement réussies. Par la magie des jeux de lumière et d'éclairage, elles apparaissent et disparaissent comme par magie. 


Starmania - Michel Berger - Luc Plamodon - Thomas Jolly - Photo: Antony Dorfmann


Tout comme quelquefois les comédiens-chanteurs sur scène. Le magicien des lumières, Thomas Dechandon, non content de métamorphoser les éléments de décor (Tour, salle de réception, discothèque Naziland, Underground Café, appartement de Zéro Janvier, souterrains de la Tour), et de transformer un piano noir en piano blanc (observez-le bien), déploie également un superbe ballet lumineux des projecteurs. Ceux-ci, dansant sur scène, amènent un espace et une chorégraphie lumière jusqu'au fond de la salle et dans les yeux des spectateurs. Et c'est bien sûr lui l'escamoteur de corps et de biens. 


Starmania - Michel Berger - Luc Plamodon - Thomas Jolly - Photo: Antony Dorfmann


Les danseurs au début, arivent comme des robots perdus dans un décor asseptisés puis s'éclatent sur la musique un peu trop funk-rock et lourde. Pour cette représentation il n'y avait qu'une band son enregistrés, pas de musiciens. On aurait aimé plus qu'un début de morceau au piano - qui n'est que décor - et une autre à la guitare.  Ils vont continuer dans une diversité de danse de rue en balançant les bras et ne donnent un apperçu de la patte de Sidi Larbi Cherkaoui que sur la scène "d'orgie" (bien sage) sur Paranoïa. 

Pour finir, nous ne pouvons que rester stupéfaits suite à l'explosion (prophétique) de la Tour et nous laisser submerger par une vague de tristesse et de nostalgie avec Marie-Jeanne et nous dire:

"J'ai la tête qui éclate
J'voudrais seulement dormir
M'étendre sur l'asphalte
Et me laisser mourir
Stone
Le monde est stone
Je cherche le soleil
Au milieu de la nuit
J'sais pas si c'est la Terre
Qui tourne à  l'envers
Ou bien si c'est moi
Qui m'fait du cinéma
Qui m'fait mon cinéma
Je cherche le soleil
Au milieu de ma nuit
Stone
Le monde est stone
J'ai plus envie d'me battre
J'ai plus envie d'courir
Comme tous ces automates
Qui bâtissent des empires
Que le vent peut détruire
Comme des châteaux de cartes
Stone
Le monde est stone
Laissez moi me débattre
Venez pas m'secourir
Venez plutôt m'abattre
Pour m'empêcher d'souffrir
J'ai la tête qui éclate
J'voudrais seulement dormir
"


Starmania - Photo: lfdd



Et communier avec toutes celles et tous ceux qui pendant presque trois heures ont réactivé un mythe des années 80 et en ont eu plein les yeux.

La Fleur du Dimanche

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