samedi 7 mai 2022

Le chant du père au Festival Passages Transfestival à Metz: deux pays, deux langues, deux générations et la musique

 Passages Transfestival renait, à peine après huit mois d'une édition consacrée au Brésil en septembre 2021. Ce festival créé en 1996 par Charles Tordjman à Nancy, devenu Passages Transfestival en 2020 sous la direction de Benoît Bradel essaime entre Nancy et Metz et même en transnational au Luxembourg du 5 mai au 22 mai. D'abord à Metz avec la complicité de l'Arsenal où il débute avec Lamenta de Koen Augustinen et Rosalba Torres Guerrerro (voir mon billet du 13 octobre 2021) et investit l'Esplanade et quelques salles, plus le Centre Pompidou-Metz (voir mon billet - à venir) ainsi que le Magic Mirror installé au pied des escaliers.


Le chant du père - Hatice Özer - Passages Transfestival - Photo: Arnaud Bertereau


C'est là, dans un endroit tout à fait approprié que se déroule la pièce "Le chant du père" de Hatice Özer et Yavuz Özer, puisque le spectacle prend une forme mixte entre théâtre et concert, du "cabaret", en quelque sorte, et ce terme, originaire du mot arabe "Khâmmerât" signifie le lieu où l'on chante et l'on boit. Et l'on boit du thé - la pièce commence par une préparation de thé, noir: "le thé à la menthe n'existe pas chez nous,... et le café, pour mon père est un mot qui lui aussi n'existe pas"  nous dit Hatice Özer qui démarre son récit par la description d'une sorte de rêve, entre cauchemar d'émigrant et angoisse de la perte de son père: "Dans l'eau de la mer Egée, autour de moi, des corps le visage tourné dans la mer.... et quand je les retournes, toujours le même visage qui s'efface... celui de mon père". 


Le chant du père - Hatice Özer - Passages Transfestival - Photo: Raoul Gilibert


Et pour lutter contre cet effacement, la perte de la filiation, la perte de la culture, de la langue, elle reconvoque les souvenirs, de là-bas, du bistrot, ce lieu de sauvegarde du social et de la relation, avec la richesse des expressions, des histoires drôles, pas toujours transmissibles, des esprits, que l'on ne doit pas nommer, (un "i" au milieu, cela commence par un "d" et finit par un "n" ) et le saz, suspendu pour permettre aux pensées d'arriver au ciel. 


Le chant du père - Hatice Özer - Passages Transfestival - Photo: Raoul Gilibert

Ce saz, partie centrale d'un cérémonial, où le joueur de saz récite aussi des poèmes et les chante, va constituer la rencontre de la fille avec son père avec lequel elle va dialoguer. Celui-ci, débonnaire et serein, un sage presque, qui va confirmer ou contredire ses souvenirs, témoigner de sa vie et de ses amours, de sa douleur d'avoir perdu sa femme ("ce n'est pas la cigarette qui me tue, c'est ton absence"). Et qui va, dans un dialogue bilingue où la langue maternelle de l'un (le turc) répond à la langue apprise de l'autre (le français), avec des décalages, des courts-circuits et des chevauchements, mais, quoiqu'ils fassent, ils n'arriveront jamais plus loin qu'au stade de l'enfance avec la langue de l'autre. 


Le chant du père - Hatice Özer - Passages Transfestival - Photo: Raoul Gilibert

Et ce n'est qu'avec le chant qu'ils seront à l'unisson, et que la fille reprendra le flambeau en finissant seule le chant du pays ("Je te rends ton pays mais je garde tes chants"). C'est un spectacle plein d'émotion et de complicité, de liens et d'ouverture que nous propose ce touchant couple père-fille avec une simplicité porteuse de rêves.


La Fleur du Dimanche


Le chant du père


Samedi 7 mai 2022 - 21h30 Magic Mirror - Metz

Conception, texte, mise en scène et scénographie
Hatice Özer
Musicien-interprète
Yavuz Özer
Hatice Özer
Collaboration artistique
Lucie Digout
Régie générale et création lumière
Jérôme Hardouin
Régie son
Matthieu Leclère
Regards extérieurs
Anis Mustapha
Antonin Tri Hoang
La compagnie remercie
Mariette Navarro, Marion Siéfert et Anthony Thibault

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