jeudi 14 mars 2024

Les Forces vives d’après Simone de Beauvoir au Maillon: réécrire et faire prendre corps aux souvenirs

 Le binôme Animal Architecte fondé par Camille Dagen et Emma Depoid explore la manière dont le théâtre peut se confronter à d'autres domaines, qu'ils soient artistiques, littéraires, historiques ou philosophiques. Avec Les Forces vives leur dernière pièce qui est créée au Maillon à Strasbourg, c'est par le bais du personnage de Simone de Beauvoir et plus particulièrement à partir des trois premiers livres de ses mémoires que le duo, avec six comédiennes (dont Camille Dagen) et deux comédiens et une équipe technique interrogent la manière de transposer ce matériaux sur scène. Le matériau est fleuve, le résultat aussi. Mais les bras du fleuves sont multiples et nous pourrons assister à une multiplicité d'angles d'approche de la scène tout au long des presque quatre heures (avec entracte) de spectacle. 


Les Forces vives - Simone de Beauvoir - Animal Architecture - Photos de répétitions de Patrick Wong


Cela commence par un solo surprenant et prenant où, même avec la distance installée - le bout du grand plateau nu du Maillon - l'on est saisi d'emblée par la force de la démonstration. Puis suivront de multiples changements de plateau où les espaces seront plus ou moins réalistes, allant du presque cirque à la reconstitution d'un intérieur bourgeois 1900 du boulevard de Montparnasse à des espaces plus sobres ou carrément une cellule symbolique et nous avons aussi droit à un piano mouvant et voyageur joué en direct. Le début de la deuxième partie se servira du rideau de théâtre comme écran noir de la mémoire et du souvenir, à travers les traces qu'elle a laissé sur la toile virtuelle ou télévisuelle. Des écrans improvisés ou de fortune seront aussi mis à profit pour, soit reconstituer des séquences qui complètent le récit, ou présenter des documents, ou encore apporter un point de vue externe et médiatiser ce qui se passe sur scène (le peu de contraste de ces écrans et leur taille réduite, ajouté au fait que la cadreuse joue aussi à scalper les têtes, questionne l'intérêt de ces effets). 


Les Forces vives - Simone de Beauvoir - Animal Architecture - Photos de répétitions de Patrick Wong


Comme vous l'aurez compris, la narration elle, est aussi très variée, avec des textes qui vont du témoignage à la citation directe à des traitements plus poétiques, quelquefois hystériques, en passant par le théâtre de boulevard ou de marionette, ou même de la danse - avec une époustouflante démonstration d'une conférence dansée par Romain Gy.  Ne pouvant bien sûr pas tout traiter dans ce gigantesque matériau, les périodes de la vie de Simone de Beauvoir mises sous la loupe seront la petite enfance et ses relations avec ses parents et sa soeur Hélène (Poupette), avec une lecture en immersion de son éducation (sexuelle aussi avec l'influence de son père assez libre, sa mère plutôt catholique et le curé, un peu voyeur de jeunes filles qui fait des apparitions),  son adolescence à travers l'expression de son caractère déjà très volontaire, ses amitiés (Zaza) et ses premières amours et sa rencontre avec Sartre, ses séjours à Berlin.


Les Forces vives - Simone de Beauvoir - Animal Architecture - Photos de répétitions de Patrick Wong


Les guerres: traversent et ponctuent également la pièce:  la première avec l'enrôlement de son père, les manoeuvres surprenantes de sa mère - même la guerre d'Espagne qui apparait rapidement  - la deuxième guerre mondiale (après les faux espoirs de l'accord avec Moscou et le départ de Paul Nizan) et un focus très large sur la Guerre d'Algérie (période de début de la rédaction de ses mémoires) où d'ailleurs curieusement Sartre efface un peu Simone lors ces derniers épisodes concernant la Guerre d'Algérie). 


Les Forces vives - Simone de Beauvoir - Animal Architecture - Photos de répétitions de Patrick Wong


Cette variation de traitements, de niveau de lecture et de représentation, de changement de rythmes et de ballet scénographique font de cette pièce bien chargée en contenu cependant un voyage surprenant et intéressant dont nous pouvons tisser les relations à partir des différents angles d'attaque et des lectures proposées. Elle donne corps à des figures connues à travers une approche originale et des aspects quelquefois ignorés, en tout cas présentés avec originalité.  Une tentative que l'on peut qualifier de réussie. Il faut saluer la performance de tous ces comédiens (Romain Gy, Achille Reggiani) et toutes ces comédiennes (Marie Depoorter, Hélène Morelli, Nina Villanueva, Sarah Chaumette, Lucile Delzenne, Camille Dagen qui se partagent les rôles de Simone de Beauvoir (eh oui, même les hommes) et aussi des parents, proches amis et autres personnages qui peuplent ce récit trépidant avec brio, énergie et plein de sensibilité.


La Fleur du Dimanche.


mercredi 13 mars 2024

Ayta de Youness Aboulakoul à Pôle Sud: Le son en spirale hypnotique, la danse en transe

 C'est à une sorte de montée en transe que nous emmène le chorégraphe Youness Aboulakoul - qui a aussi composé la musique - avec son spectacle Ayta à Pôle Sud.


Ayta - Youness Aboulakoul - Visuel: Youness Atbane


La pièce qui commence dans la pénombre, le noir même avec une série de rythmes qui émergent doucement et sur lesquels se calquent les six danseuses qui, de dos essentiellement, dans un coin de la scène limitée par deux rideaux de perles blanches de biais, se déplacent en avant en arrière et sur le côté inexorablement, avec de subtiles variations dans leurs trajectoires individuelles, va nous enfermer dans une spirale sans fin. Ce mouvement lent et répété, à la fois commun et individualisé se déploie, tout en lenteur et en concentration. Les six danseuses habillées de shorts divers ou de justaucorps forment un ensemble hétérogène avec chacune leur individualité mais elles se plient chacune avec leurs variantes à ce sempiternel mouvement, qui bien sûr va, au bout d'un certain temps accélérer un peu puis un peu plus pour se déployer plus largement dans l'espace. Elles vont embrasser l'espace, le conquérir dans des trajectoires circulaires individuelles qui se croisent et se côtoient sans jamais se toucher, comme des électrons libres, des planètes folles. 


Ayta - Yuness Aboulakoul - Photo: François Stemmer


De temps en temps l'une d'elle ou plusieurs se figent et se plient, mais leur énergie est intacte et elles se remettent dans leur circumnavigation autour du plateau. La musique, minimale au début, prend du corps et emplit l'espace. Les danseuses en plus de se courber se balancent également d'avant en arrière, ancrées dans le sol. La musique s'enrichit de sons autres que les percussions diverses et les six femmes se rapprochent progressivement, s'alignent. Toujours avec des mouvements individualisé, elles se plient et se redressent, jetant leurs cheveux au ciel. Tandis que sur la bande son émergent des airs de musique traditionnelle, les danseuses se rejoignent, se prennent par les bras et forment une ligne soudée, derniers gestes de libération dans une explosion d'énergie qui s'est accumulée sur plus d'une heure de spectacle. Une sacrée performance.


La Fleur du Dimanche

mardi 12 mars 2024

Amours (2) de Joël Pommerat au TNS: la passion fait des étincelles

 Pour parler d'Amours (2) nous pourrions parler des conditions de sa création, à savoir un atelier théâtre dans la prison centrale d'Arles avec son Quartier de Haute Sécurité qui a favorisé l'émergence de ce projet. Nous pourrions aussi parler des ateliers d'improvisation qu'avait lancé un des comédiens à l'époque où il était incarcéré là-bas. Ou encore de la rencontre de ce projet avec Joël Pommerat (et Caroline Guiela Nguyen). Ou aussi du travail que Joël Pommerat fait en général avec les comédiens (professionnels ou non) et également de sa manière de créer une pièce en s'inspirant à la fois des histoires et surtout du vécu et du ressenti de ses interprètes en cours de création. Tout ça fait effectivement le suc, la sève, la richesse et la force de cette pièce rare.


Amours (2) - Joël Pommerat - Photo: Blandine Armand


Rare parce que ce ne seront qu'une quarantaine de spectateurs qui pourront assister à l'une des deux représentations (19h00 ou 20h30) pendant les cinq jours (du 12 au 16 mars) dans le studio Jean Pierre Vincent à l'Espace Grüber du TNS, rue Jacques Kablé. Une jauge réduite, un espace intime, à l'image de l'Atelier de couture, la salle qui a été transformée en atelier théâtre à Arles, mais qui aussi permet cette proximité avec les comédiens et les spectateurs. Pour vivre intensément ce qui se joue devant nos yeux, au point de le ressentir au plus profond de nous, d'être nous-même acteur - volontaire ou involontaire, quelquefois dépassé par la situation - et témoin aux premières loges de ce qui se trame entre les êtres humains. Parce que c'est de cela qu'il s'agit essentiellement. Tout ce qui s'échange de passionnant, de passionné, d'amour et de haine, de liens et de d'attraction ou aussi d'abandon, entre les hommes et les femmes qui vont s'exposer au plus intime devant nous pendant une heure dix minutes. Et souvent en face à face, des relations très fortes entre deux personnes, ou, quelquefois une relation triangulaire, qui vont s'intensifier, cristalliser, culminer à l'extrême, au summum de la tension ou de la violence. Cela peut être une histoire d'amitié, d'amour, des relations banales ou des rencontres, mais qui toujours vont amener un dénouement inattendu, imprévisible, surprenant; et même suspendu, non élucidé, comme un coupure brusque dans une  trajectoire, un arrêt sur image qui interroge.


Amours (2) - Joël Pommerat - Photo: Blandine Armand


C'est toute la magie du théâtre de Joël Pommerat, d'arriver à concentrer dans des dialogues apparemment banals, des phrases du quotidien, de construire des petites scènes d'une tragédie personnelle mais néanmoins universelle. De rendre incarnées, habitées des attitudes, des situations, des transmissions entre des êtres qui doutent, qui sont perdus ou mal à l'aise, qui sont décalés ou en déséquilibre. De les faire prendre chair, de nous les rendre naturels, réels, vivants devant nos yeux ébahis, surpris. Il faut saluer la qualité de jeu, d'interprétation, d'incarnations même des comédiennes et comédiens avec lesquels nous sommes dans une extrême proximité: Marie Piémontese, qui n'était pas destinée au théâtre mais qui, même sans changer de costume se glisse dans la peau de ses multiples personnages (une femme amoureuse, une malade d'Alzeimer,..). Roxane Isnar qui passe de l'innocence à la furie ou du sérieux au désespoir, Elise Doyère, tantôt fleur bleue, tantôt peste, tantôt proscrite. De même du côté homme, Redwane Jahel, qui passe du fils brimé à l'amant rêvé ou au timide romantique et Jean Ruimi qui endosse de sa carrure autant le père violent que celui inexistant ou des maris variés et variants ou encore le bonimenteur vantant le bonheur. Toute une série de situations plus vraies que nature qui interrogent les destinées humaines et creusent les raisons d'un malheur non mérité ou d'une vie qui nous réserve de mauvaises surprises.



Amours (2) - Joël Pommerat - Photo: Blandine Armand


Tout cela sans fioritures, avec des effets lumière réduits au minimum, une bande son de même, quelques chansons en hors scène, un chanson sur un téléphone, et pour accessoires, des chaises qui, par leur déplacements marquent le changement de séquence.  Bref, une concentré de réalité vu à la loupe comme une étude sociologique en train de se dérouler dans un espace que nous partageons avec les cobayes pour un effet décuplé. Et qui nous laisse pantois.


La Fleur du Dimanche


Amours (2)


Au TNS du 12 au 16 mars 2024

À partir des textes
Cet enfant, Cercles/Fictions, La Réunification des deux Corées

De
Joël Pommerat

Avec
Élise Douyère
Roxane Isnard
Marie Piemontese
Redwane Rajel
Jean Ruimi

Collaboration artistique
Roxane Isnard
Lucia Trotta
Élise Douyère
Jean Ruimi

Assistanat à la mise en scène
Saadia Bentaïeb 
Lucia Trotta

Direction technique
Emmanuel Abate

Chargée de production
Alice Caputo 

Les textes de Joël Pommerat sont publiés aux éditions Actes Sud-Papiers.

Spectacle crée le 18 janvier 2022 à la Friche la Belle de Mai à Marseille.

Production Compagnie Louis Brouillard

Coproduction La Comète - Scène nationale de Châlons-en-Champagne, La Coursive - Scène nationale de la Rochelle, Gallia Théâtre Saintes - Scène conventionnée d’intérêt national

Avec le soutien de La Maison Centrale d’Arles, du SPIP 13, de la Direction régionale des affaires culturelles Provence-Alpes-Côte d'Azur[DRAC PACA] et de la Direction interrégionale des services pénitentiaires Sud-Est.

Ce projet a été rendu possible grâce à la Fondation d’entreprise Hermès.
Les répétitions de Amours (2) ont eu lieu à la Friche de la Belle de Mai et à l’École régionale d'acteurs de Cannes et Marseille [ERACM].
La Compagnie Louis Brouillard reçoit le soutien du ministère de la Culture/Direction régionale des affaires culturelles [DRAC] Île-de-France et de la Région Île-de-France.
La Compagnie Louis Brouillard et Joël Pommerat sont associés à Nanterre-Amandiers, à la Coursive/Scène Nationale de La Rochelle et au TNP/Théâtre National Populaire de Villeurbanne.

dimanche 10 mars 2024

Les muses autolographiques et la Fleur IA

 L'IA se diffuse à toute vitesse. Si nous ne regardons pas bien le détail d'une image - et c'est difficile de voir les détails sur les nouveaux outils de lecture d'image comme le téléphone, même si l'écran est grand, il est très difficile de savoir si une image est "vraie" ou travaillée... ou carrément créée par un "robot" assembleur.

Ce sera la gymnastique des temps à venir. Démêler ce qu'on voit et arriver à identifier ce qu'on voit - ou ce qu'on croit voir...

D'ailleurs, avec cette "Fleur du Dimanche" qu'en pensez-vous. Est-ce une vraie fleur ? Et quel serait son nom?


Fleurs intelligentes - Photo: lfdd


Et ce "paysage" existe-t-il vraiment ?


Fleurs dans un paysage - Photo: lfdd


Ces fleurs sont-elles vraiment en train de fleurir ?


Fleurs sorties du paysage - Photo: lfdd


En sentez-vous vraiment le parfum d'amande amère ?


A vous de me répondre.


Tout ce que j'ai à vous dire, c'est que l'IA n'est qu'un "outil" et que ce qui est intéressant c'est ce que vous en faites ou que vous ne faites pas avec.


Et à propos d" "Autolographie" - qui pourrait signifier le fait de créer de images changeantes, je cite le chercheur Chris Chesher qui propose sans un article publié dans la revue “Media International Australia” un nom pour décrire ce rapport presque magique entre l’art et la machine : “l’autolographie”. La machine devient l’équivalent des “Muses” de la Grèce antique pour les artistes et les penseurs. Lui-même cité par Benoit Raphaël, spécialiste des robots chercheurs dans sa lettre bihebdomadaire "Flint":


Mais les Muses autolographiques sont d'une intransigeance frustrante lorsqu'il s'agit de créer systématiquement les images souhaitées par le créateur. Comme dans les mythes anciens, le pouvoir d'invocation est peu fiable et imprévisible. Souvent, l'invocateur ne parvient pas à prononcer les mots magiques avec suffisamment de précision, et la muse est distraite et indifférente. L'imprévisibilité de l'autolographie est à la fois une source de frustration et d'enchantement, un trait qui exacerbe son caractère étrange.” 

Mais ne vous inquiétez pas , bientôt les machines seront plus puissantes et efficace et le monde changera, ce ne sera pas - plus - 1984 mais les outils penserons plus vite que vous et, nous devrons être très attentifs à comment on nous assiste et on nous informe.

Je vous mets quelques lignes de l'interview de la chercheuse de l'EHESS Asma Mhalla qui étudie le rapport de l'IA et de la géopolitique dans son livre Technopolitique dans une interview avec Simon Blin dans Libération du 3 mars à l'occasion de la sortie de ce livre.






Et pour finir en chanson, je vous offre le match AI contre des chanteuses et des chanteurs en chair:


Black Is The Color - SKYGGE featuring Pete Seeger:



 

Nina Simone and Emil Latimer - Black Is The Color Of My True Love's Hair:




Nina Simone: Black Is The Color Of My True Love's Hair (Live in Rome, 1969):




Sinéad O'Connor-Black Is The Color Of My True Love's Hair live Chile11:




Black Is The Colour - IRISH ROSE :




Black Is The Colour - CIARA :




Black is the Color of My True Love's Hair - Judy Collins :





Bon Dimanche


La Fleur du Dimanche

dimanche 3 mars 2024

Sommaire de février début mars

 Sommaire des billets du mois de février


Ben Duke et le Ballet Rambert au Théâtre de la Ville - Photo: lfdd



Pour voir ou revoir les billets publiés en février - et le premier mars, dans l'ordre chronologique:


Thomas Lebrun danse avec/sur Duras - #littérature et #danse 

1er février 2024

L'envahissement de l'être (danser avec Duras) de Thomas Lebrun: Duras à l'oreille, Lebrun l'incarne


Christophe Feltz fait Dada avec Tristan Tzara et Loeffler père et fils - #Poésie et #musique 

3 février 2024

Tout est Dada de Christophe Feltz au Fossé des Treize: la poésie en verve fleurit au son du jazz des Loeffler


Achache casse tout en musique au TNS - @Théâtre et #musique 

6 février 2024

Sans tambour de Samuel Achache au TNS: Rembobiner l'Amour sans se tromper


Toujours au TNS, une prise de conscience "Black matter" - #Théâtre 

7 février 2024

Great Apes of the West Coast au TNS: Traversée par la culture


Barbara Matijevic et Giuseppe Chico nous apprennent les bons gestes avec humour - #Danse 

8 février 2024

Our Daily Performance à Pôle Sud: Quand un tuto youtube se met à danser et devient poème surréaliste


Au Maillon, la danse est engagée et engage les corps - #Danse 

9 février 2024

Les Chercheurs de Monika Gintersdorfer au Maillon: Avec la Fleur trouver le bon plan(t) pour danser équitable


A l'Opéra, création d'un opéra oublié du rival de Haendel - #Opéra - #musique

11 février 2024

Polifeno de Porpora à l'Opéra National du Rhin: Peplum, Amour et Fantaisie


Une soirée double avec Simple et Trois nuits à Pôle Sud - #Danse

14 février 2024

Simple d’Ayelen Parolin et le chantier Trois nuits de Louise Vanneste à Pôle Sud : Le simplicisme et la simplicité


Le flamenco qui change du flamenco avec Israel Galvan - #Danse - #flamenco 

15 février 2024

Locomotion Templar el templete d'Israel Galvan au Théâtre des Abbesses: le Fou en son Temple


Ben Duke et le Ballet Rambert branché électrique et éclectique - #Danse

16 février 2024

Ben Duke et le Ballet Rambert avec Cerberus et Goat au Théâtre de la Ville: Entre la chèvre et le chien, c'est très électrique et éclectique


Une pièce fleuve qui traverse les frontières au TNS - #Théâtre - #Vidéo

20 février 2024

Fajar d'Adama Diop au TNS: Une étrange traversée


Les tribulations d'un directeur de Théâtre - mémoires.... au TAPS - #Théâtre - #Humour

21 février 2024

Ca va bien se passer (J'espère) de Robert Bouvier au TAPS: C'est drôle, si ça se passe mal on rigole bien


Deux ans après, continuons à soutenir l'Ukraine, au Conseil de l'Europe - avec l'Art, comme Picasso - #Art - #Guerre

23 février 2024

Ukraine, triste anniversaire: Guernica - Ukraine comme réponse à la violence


Un concert au PréO à Ober' : Un concert rock avec une fanfare - #Musique - #Rock - #Fanfare

24 février 2024

Weepers Circus au PréO : Tous ensemble en fanfare, ce n'est pas du cirque



Et en début mars, un concert - performance de Accroche Note avec Léna Angster et Raphaël Languillat  - #Musique - #Danse - #Performance

1er mars 2024

Avec Accroche Note: Rogue Ø chez Nootoos: Ce n'est pas de l'arrogance, c'est de l'errance sans gravité


Bonne lecture


La Fleur du Dimanche

vendredi 1 mars 2024

Avec Accroche Note: Rogue Ø chez Nootoos: Ce n'est pas de l'arrogance, c'est de l'errance sans gravité

 Le titre de la pièce Rogue Ø de Léna Angster et Raphaël Languillat interroge. Un lettré dirait que l'on veut se moquer de lui, ou qu'on le méprise. Un sportif trouverait chaussure à son pied ou se mettrait au fitness. Ou si on est branché jeu, on serait alors partant pour une belle partie immersive.  Au final on peut trouver une peu tout cela et encore autre chose dans la création présentée par Accroche Note à l'espace Nootoss dans l'église Saint Pierre le Vieux à Strasbourg.


Rogue Ø - Accroche Note - Photo: Robert Becker


Le début est surprenant une fois rentré dans la salle, dans une semi-obscurité, avec quelques panneaux faiblement éclairés, un mélange de bruits divers et de sons stridents nous enveloppe, nous agresse presque. Un décompte s'ensuit, ponctuant le temps toutes les dix secondes. Ce n'est pas un compte à rebours, on compte le temps passé ensemble, et le temps passe, aiguisant notre curiosité, toujours baignés dans cet chaos musical, un peu comme le chaos original de l'univers. 


Rogue Ø - Accroche Note - Photo: Robert Becker


A quatre minutes trente, cela se calme, un son de guitare, suivi de près de lamentations de la clarinette s'étire. Un personnage immobile, ou se mouvant lentement sur la scène suit un parcours mystérieux. C'est la soprano Françoise Kubler, ses sifflements, bruits de bouche et mélopées se mêlent à la musique, quelques paroles chantées, reprises en écho s'intègrent dans la composition électronique de Raphaël Languillat qu'il produit et mixe en direct sur ses consoles, intégrant la guitare électrique de Stephen Ahrens et les clarinettes d'Armand Angster, délimitant le fond de scène. 


Rogue Ø - Accroche Note - Photo: Robert Becker


Tous sont habillés de combinaisons qui pourraient les faire ressemble à des astronautes uchroniques. Lena Angster arrive aussi sur scène au ralenti et se positionne derrière Françoise Kubler, la coiffant puis lui tenant devant le visage une lentille de Fresnel. Casque symbolique de scaphandre de voyageur de l'espace ou prothèse de vision. Puis elle bascule cette lentille en la lui posant sur les mains comme une offrande. 


Rogue Ø - Accroche Note - Photo: Robert Becker


Lena se meut lentement vers une chaise ghost sur laquelle elle va performer une lente et intéressante danse en apesanteur très crédible et très réaliste. On se croirait projetés dans une station spatiale. Puis va précautionneusement de positionner toujours au ralenti derrière les plaques lumineuses du fond de scène. 


Rogue Ø - Accroche Note - Photo: Robert Becker


La musique se fait stridente, des sifflements aigus marquent un nouvel épisode, avec des essais de communication entre les deux femmes, l'une tenant un miroir tandis que l'autre s'y mire et danse autour d'elle. Puis elles vont se retrouver avec un masque miroir, liées et reliées. 


Rogue Ø - Accroche Note - Photo: Robert Becker


S'ensuit une sorte de danse de séduction de Léna, attirance répulsion du côté du coin gauche de la scène, dialogue impossible, et ce sera du coin droit que jaillira la lumière, celle qui éblouit et même aveugle, tandis que le son s'éteint doucement sur cette mystérieuse troupe enfin rassemblée, dans quel but ?  


Rogue Ø - Accroche Note - Photo: Robert Becker
 

Le voyage mystérieux peuplé de sons étranges nous a en tout cas transportés dans un univers autre, parenthèse irréelle et suspension du temps. Une forme surprenante et stimulante.


La Fleur du Dimanche 

samedi 24 février 2024

Weepers Circus au PréO : Tous ensemble en fanfare, ce n'est pas du cirque

Le groupe Weepers Circus a l'habitude de brasser large. On leur connait des collaborations avec des artistes, des chanteuses (Olivia Ruiz, Juliette, Juliette Gréco, Caroline Loeb,...), des chanteurs rock (Mathias Malzieu, Serge Bégout, Jean Fauque,...) des comédiens (Jean Rochefort, Jean-Claude Carrière,..) des auteurs, et même des politiciens (Michel Rocard). Ils ont fait des concerts, des spectacles pour petits et grands, des disques, des livres-disques, des hommages à des musiciens (dont Brassens). Ils ont fait des tournées avec l'Orchestre Symphonique des Jeunes de Strasbourg et même avec l'Orchestre Symphonique de Strasbourg.


Weepers Circus - le Préo - Photo: Robert Becker


Pour cette soirée au PréO, c'est dans une configuration originale également que nous les retrouvons. Avec l'Harmonie municipale de Reichshoffen dirigée avec élan par Marc Albert, le mariage est heureux. Ce sont les vents, les cuivres et quelques percussions qui donnent le ton, un ton enjoué, envoutant même. Les musiciens amateurs (comme l'a énoncé avec humour Christian Houllé, "entre deux concerts, eux travaillent") nous ont emmenés dans une bonne ambiance, rejoints par le saxophone de Denis Léonhardt, la basse de Franck George et le synthé de Christian Houllé.


Weepers Circus - le Préo - Photo: Robert Becker


Et c'est parti pour une bonne heure et demie de concert, enchaînant les morceaux récents, plus contemporains, un peu électro, ou franchement rythmés avec des bonnes variations de synthé, ou des chansons plus anciennes, avec, entre autres L'oiseau de Paradis, L'ombre et la demoiselle, Tout le monde chante, Le président de la Lune, et bien d'autres encore. Pour les reprises - presque timide - des "anciennes", l'on retrouve le côté plus folk ou musique ethnique ou festive, les airs plus dansants ou même orientalisants.


Weepers Circus - le Préo - Photo: Robert Becker

Weepers Circus - le Préo - Photo: Robert Becker


Les trois mousquetaires se relaient pour alterner les chansons ou les solos et même le batteur Alexandre Goulec Bertrand a droit à son tour de chant avec une composition rythmée et rapide. Denis Léonhardt nous envoûte de ses magnifiques variations à ses saxophones. Franck George jonglant entre basse et violoncelle, fait de même au chant, entre des confidences plus graves et des airs chantés plus dans les aigus. 


Weepers Circus - le Préo - Photo: Robert Becker

Weepers Circus - le Préo - Photo: Robert Becker


On sent vraiment une très belle complicité et une unité dans la troupe, même avec le discret Mathieu Pelletier à la guitare. C'est aussi à l'ukulélé que Franck George commence tout seul une très belle chanson émouvante, rejoint par le groupe, et l'Harmonie pour finir. Belle montée en puissance. 


Weepers Circus - le Préo - Photo: Robert Becker

Weepers Circus - le Préo - Photo: Robert Becker


L'équilibre entre l'orchestre d'Harmonie et le groupe est impeccable, la distribution de jeu, ensemble ou chacun pour leur tour de piste, est impeccable et fait de cette soirée un moment mémorable qui a même permis au public jeune et moins jeune de pousser également la chansonnette ou plutôt des variations pour lesquelles il s'est très bien débrouillé. 


Weepers Circus - le Préo - Photo: Robert Becker


Les textes des chansons passent d'une style qui pourrait presque être des comptines à des textes de pure poésie, quelquefois un peu ténébreux ou énigmatique. Mais les spectateurs sont comblés et pour le rappel ils ont droit non pas à une ou deux, mais à toutes une série de chansons qui ainsi terminent la soirée en apothéose, pas en pleurant mais dans une joie contagieuse.


La Fleur du Dimanche