jeudi 4 avril 2024

Nom de Constance Debré par Victoria Quesnel au Rond-Point: Quitter tout, même le nom, le nom de l'Amour pour aller au fond, au fond de soi

 Le nom, Debré, ce n'est surtout pas le sujet, comme il est écrit sur l'écran du mur au début du spectacle: 

"Avec n'importe quel parent,  j'aurai écrit le même livre

Avec n'importe quel nom j'aurai écrit le même livre"

....

Nous voilà prévenus, ce n'est pas l'histoire du nom, Debré, et pas non plus l'histoire contre le Nom qui va nous être contée. Peut-être à la limite, ce qui fait dire "non", et encore,...


Nom - _Constance Debré - Hugues Jourdain - Victoria Quesnel - Photo: Simon  Gosselin


Non, on part bien de tout ce qu'on a abandonné, de tout ce qu'on refuse - ou plutôt tout ce que Constance refuse:

"Marcher vers le vide, voilà, c'est ça, ce qu'il faut faire, se débarrasser de tout, de tout ce qu'on a, de tout ce qu'on connaît, et aller vers ce qu'on ne sait pas. Sinon on ne vit pas, on croit qu'on vit mais on ne vit pas, sinon on reste avec tout le bric-à-brac et on passe sa vie à ne pas vivre. Ce n'est rien d'autre que ça, ce qu'il faut faire."


Nom - _Constance Debré - Hugues Jourdain - Victoria Quesnel - Photo: Simon  Gosselin



Et c'est tout le mérite, la force de Victoria Quesnel de pouvoir incarner à la fois cette distance, cette perte, cette absence de spectaculaire, cette simplicité directe face à nous, toute proche, sensible, à fleur de peau dans la salle Roland Topor du Théâtre du Rond-Point pour nous dire ce texte, NOM, tiré au couteau, le troisième roman de Constance Debré qui a tout abandonné, famille, mari, son fils, sa maison, son appartement, son métier d'avocate, pour, au bout de trois livres arriver à se dire, se décrire, sans artifice, à nu, au fond de l'âme... comme au scalpel. Bien sûr, il reste un peu d'éclat, comme cet épisode introductif un peu ostentatoire, spectaculaire, sur la défense de l'assassin de la voisine au "petit couteau" (qui était ami de la victime, cette vieille dame). Mais c'est aussi pour expliquer qu'elle n'est pas nihiliste, qu'elle défend (comme avocate) tout le monde - en espérant les ramener vers un peu d'humanité. Et curieusement, cet homme ressurgit à la fin du spectacle alors que tout est advenu - peut-être est-ce aussi son affaire qui a tout déclenché? Mais ce n'est pas important.


Nom - _Constance Debré - Hugues Jourdain - Victoria Quesnel - Photo: Simon  Gosselin


Nous allons assister à ce pas de côté, ce brusque revirement et toutes les étapes et conséquences que cela induit. Par la grâce de Victoria Quesnel, seule sur scène, avec comme simple accessoire une chaise qui ne lui servira que très peu - en particulier pour une cérémonie symbolique vis-à-vis du fantôme qui pourrait être assis dessus. Nous la suivons dans ses sentiments, ses revirements de sentiments, ses questionnements, ses interrogations, ses repliements mais aussi ses courses, ses longueurs de piscines ou ses observations du monde qui l'entoure, ses réflexions et ses prises de position bien tranchées, radicales. Et ses dialogues impossibles avec les autres, la famille, sa mère, définitivement absente, son père définitivement muet, tous ses proches qui s'effacent au fur et à mesure ("J'ai pensé que si on ne voit plus les gens, ils finissent par disparaître"). 


Nom - _Constance Debré - Hugues Jourdain - Victoria Quesnel - Photo: Simon  Gosselin


Victoria Quesnel, grande comédienne dont nous avons déjà pu apprécier le talent dans les pièces de Julien Gosselin - avec qui elle avait fondé la compagnie Si vous pouviez lécher mon cœur - incarne et remplit le plateau et nous fait toucher du doigt l'âme de ce personnage. Elle nous fait passer au plus intime ce texte pendant cette heure et quart. Et c'est toute la réussite de la mise en scène de Hughes Jourdain, de nous faire passer à travers elle ce que Constance Debré a voulu exprimer par ce livre, ce pas vers le vide. Une réussite.


La Fleur du Dimanche


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