Bruno Bouché aime bien tisser des liens et ouvrir de nouvelles voies. Son exploration de ce que peut être "Danser ... au XXIème Siècle" ainsi que la confrontation avec l'Opéra dansé (Maria de Buenos Aires) et la Comédie Musicale (West Side Story) entre autres, lui avait déjà permis d'expérimenter de nouvelles pistes.
On achève bien les chevaux - Ballet de l'ONR - Théâtre des Petits Champs - Photo: Agathe Poupeney |
Avec On achève bien les chevaux, basé sur le livre d'Horace McCoy (plus que sur le célèbre film éponyme de Sydney Pollack), c'est en direction du théâtre dansé - le Tanztheater - de Pina Bausch qui l'a fondamentalement marqué, qu'il porte un nouveau regard. Et c'est avec un ancien compagnon de route Clément Hervieu-Léger, avec la Compagnie des Petits Champs qu'il codirige avec Daniel San Pedro, qu'ils se lancent dans cette aventure.
On achève bien les chevaux - Ballet de l'ONR - Théâtre des Petits Champs - Photo: Agathe Poupeney |
Aventure qui va faire se rencontrer des comédiens (dont un ancien danseur étoile de l'Opéra de Paris Josua Hoffalt), les danseurs du Ballet de L'Opéra National du Rhin et quatre musiciens qui vont se partager la scène et aussi explorer d'autres moyens d'expression que les leurs habituels. Par exemple la danseuse Alice Pernao va magnifiquement interpréter avec les musiciens Miss Otis regrets de Cole Porter et l'ensemble de danseuses et des danseurs vont aussi se retrouver comédiens dans cette pièce où la danse n'est pas fondamentalement le média artistique mais le sujet "réel" de la pièce. Car effectivement, le sujet c'est bien un épisode symbolique de ces "marathons de danse" apparus comme spectacle, attraction même après la "grande dépression" (financière) de la fin des années 30 aux Etats-Unis où, pour gagner (éventuellement) un peu d'argent, mais surtout pour manger (un peu), des gens se sont montré en spectacle dans une danse sans fin qui pouvait durer des jours et même des mois - celui de cette pièce, s'est "achevé" au bout de 62 jours.
On achève bien les chevaux - Ballet de l'ONR - Théâtre des Petits Champs - Photo: Agathe Poupeney |
Il commence, clin d'oeil ironique par un "ballet de balais" qui sont en train de nettoyer l'espace, cette grande salle de sport avec gradins baignée d'une lumière chaude comme dans un vieux film en couleur. Et l'on va, dans un temps compressé à une heure et demie suivre le parcours que quelques couples dont on découvre les histoires et péripéties individuelles dans ce grand spectacle collectif, cette séance de danse à ne plus finir menée de main de maître par Socks, imposant et magistral Daniel San Pedro. Celui-ci gère à la fois tous ces acteurs et invente de quoi impulser une dynamique et canaliser les énergies pour faire danser tout ce beau monde. Il jongle, soutenu par ses deux acolytes Rocky et Rollo (Stéphane Facco et Luca Besse), entre le pilotage des individus et de leur motivation et les challenges collectifs pour garder le rythme et varier les plaisirs.
On achève bien les chevaux - Ballet de l'ONR - Théâtre des Petits Champs - Photo: Agathe Poupeney |
Notre plaisir aussi avec tous ces styles de danse - danse de couple, figures, virtuosité, mouvements d'ensemble, course en rond,... entrecoupés de moments de pause qui mettent les focus sur ces quelques destinées individuelles ou de couples - par exemple la rencontre entre Gloria (Clémence Boué) et Robert (Josua Hoffalt) qui est un peu la tension dramatique de la pièce, le couple James (Marin Delavaud) et Ruby (Juliette Léger) dont on découvre qu'elle est enceinte et dont la mise en spectacle du mariage est montée par Josh. Leur marche nuptiale est d'ailleurs un beau clin d'oeil à Pina Bausch.
On achève bien les chevaux - Ballet de l'ONR - Théâtre des Petits Champs - Photo: Agathe Poupeney |
On balance ainsi entre plein d'énergie et des scènes intimistes - même des "arrêts sur image" où l'on plonge dans la pensée des participants - en l'occurrence Robert, des scènes dures, même la mort d'un danseur, et de beaux duos d'amour, sans se lasser. La sélection musicale est de qualité. Elle est, soit diffusée sur haut-parleur, soit interprétée sur une scène avec brio par un quatuor de musiciens de talent qui insufflent le punch: M'hamed El Menjra à la guitare et à la contrebasse, Noé Codja à la trompette, David Paicha à la batterie et Maxime Georges au piano. Nous avons même droit à un extrait de Giselle d'Adolphe Adam, référence à ces Willis qui font danser Hilarion et Albrecht jusqu'à la mort. La mort, destin aussi de ces danseurs qui sont comme sur un "manège de chevaux de bois" dont Gloria aimerait bien descendre. Belle métaphore de notre vie dans la société et ce spectacle nous en donne une lecture cruelle et belle à la fois.
La Fleur du Dimanche
A Mulhouse à la Filature le 7, 8, 10 mars 2024
A Strasbourg, du 2 au 7 avril 2024
Adaptation, mise en scène et chorégraphie : Bruno Bouché, Clément Hervieu-Léger et Daniel San Pedro
Assistant mise en scène et dramaturgie : Aurélien Hamard-Padis
Costumes : Caroline de Vivaise
Scénographie : Aurélie Maestre et Bogna Grasyna Jaroslawski
Lumières : Alban Sauvé
Son : Nicolas Lespagnol-Rizzi
Coach vocal Ana Karina Rossi
Mise en répétition Claude Agrafeil, Adrien Boissonnet
Comédiens :
Louis Berthélémy, Luca Besse, Clémence Boué, Stéphane Facco, Josua Hoffalt, Juliette Léger, Muriel Zusperreguy, Daniel San Pedro.
Musiciens :
M’hamed El Menjra, David Paycha, Noé Codjia, Maxime Georges
Ballet de l’Opéra national du Rhin
Claude Agrafeil • Audrey Becker • Susie Buisson • Deia Cabalé • Christina Cecchini • Noemi Coin • Marin Delavaud • Marta Dias • Pierre Doncq •Ana-Karina Enriquez-Gonzalez • Cauê Frias • Brett Fukuda • Di He • Erwan Jeammot • Rubén Julliard • Pierre-Émile Lemieux-Venne • Miquel Lozano • Jesse Lyon • Khanya Mandongana • Leonora Nummi • Céline Nunigé • Nirina Olivier • Alice Pernão • Avery Reiners • Jean-Philippe Rivière • Cedric Rupp • Marwik Schmitt • Ryo Shimizu • Alain Trividic • Hénoc Waysenson • Julia Weiss • Lara Wolter • Dongting Xing
CCN•Ballet de l’Opéra national du Rhin
Bruno Bouché
Directeur artistique
Compagnie des Petits Champs
Clément Hervieu-Léger et Daniel San Pedro
Directeurs artistiques
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire