La dernière création de Nathalie Béasse Velvet qu'elle a initiée en résidence au Maillon (fidèle compagnon de route l'artiste et qui présente souvent son travail) demande de l'attention, toute l'attention que le spectateur peut porter à sa proposition scénique. Quand la lumière s'éteint et que du silence monte doucement un son dans le noir, un grondement qui grossit, le spectacle commence avec les rideaux, non que l'on mange comme on pourrait le faire au restaurant, mais que l'on détaille et dont on admire tous les plis et rides, creux et ondulations, variations de chutes. Les discrètes variations de couleur également.
Velvet - Nathalie Béasse |
Et quand la musique, après avoir atteint un climax, cesse puis reprend tout en douceur, l'on se surprend à les voir vivre, comme mus par une vie intérieure. Comme une respiration, des déplacements. Et des accouchements de personnages magritiens qui, comme jetés sur l'avant-scène se trouvent là hagards, déboussolés, décalés avant de disparaître à nouveau derrière le rideau. Et même une tête qui prend l'ascenseur jusqu'à trois mètres du sol. Ces amuse-bouches, personnages singuliers, qui vont habiter tout le reste du spectacle de leur présence-absence décalée. A un moment, un bout de rideau se soulève, dévoilant une scène sur laquelle une comédienne, extraordinaire Aimée-Rose Rich, presqu'immobile nous offre une très belle séance de magie avec un formidable exercise de ventriloquie dans lequel elle chante même une chanson du Velvet Underground (clin d'oeil) Pale Blue Eyes. Et c'est une autre chanson You are my sunshine qui nous ouvre l'horizon et le décor.
Velvet - Nathalie Béasse |
En fait le décor est constitué en majorité de rideaux et de cintres, qui tels des toiles de Rotko se meuvent et se déplacent, se lèvent et se plient et se superposent, construisant des espaces mentaux qui ne demandent qu'à être habités - magnifiquement campés par Etienne Fague et Clément Goupille. Et curieusement, mais pas tant que cela, puisque l'important est dans le faire, ce sont les soi-disant techniciens de plateau qui vont l'habiter et le construire dans un désopilant montage de scène mobile au milieu de la scène. Un genre de tableau de chasse, transposition presque kitsch du tableau de Whistler La Femme en blanc qui a inspiré la démarche de création de Nathalie Béasse. Cela donne des scènes burlesque, autant dans le style de chamailleries presque circassien que du côté de Méliès. Cela déboule sur une dynamique danse où le corps se libère, échappatoire où le ventre exprime son énergie. Et tout cela se retrouve noyé dans une mer de tissu rouge qui se transforme en tsunami face au spectateur. Et toute cette superbe série de tableaux vivants, magiques et ambigus, dans un entre-deux proche de l'inconscient, du rêve et du surréalisme s'achève par un très émouvant dévoilement hautement symbolique. Un beau voyage dans les limbes et les songes.
La Fleur Du Dimanche
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