dimanche 26 avril 2020

Le jour d'après: conservation ou conversation - Amour et Corona

Le jour d'après, on en parle, mais qu'est-ce que ce sera?
Ou plutôt, la question est: Qu'est-ce qui va changer?
Ou plutôt: "Qu'est-ce qui doit changer?
La chose a commencé à faire son chemin, le Monde prend conscience qu'il faut changer... 
Mais comment, quoi, quand?
Il ne s'agit plus d'attendre que ce soit "fini" et que l'on recommence comme avant. Je pense que c'est clair (pour beaucoup).
Par contre, ce qui n'est pas très clair - et c'est un euphémisme de dire cela - c'est comment on va se débrouiller, s'organiser, vivre "après". Car "après", c'est quoi?

Bon, d'abord la fleur:

Rose rose confinée - Photo: lfdd

Et après, ne paniquons pas. Nous en avons l'habitude, de ne pas savoir de quoi demain est fait, même si ici, maintenant, là, il y a deux incertitudes, comme nous le dit Roger-Pol Droit dans le Monde du 24 avril - voir l'extrait ci-dessous:

D'une part on ne sait pas ce que sera demain, comme d'habitude, dirais-je, mais en plus on ne sait pas comment cela va encore évoluer, après.
On a bien vu depuis le début de l'année avec le peu de rétrospective que l'on peut avoir que TOUT ce à quoi l'on s'attendait est à la fois arrivé et pas arrivé.

Là où il faudra être très attentif, c'est de ne pas, comme c'est un peu le cas (euphémisme) être acculé à devoir accepter des situations, des conditions qui sont des entraves à la liberté. 
Je ne veux pas prêcher pour la liberté individuelle criminelle à tout crin, mais j'ai un peu l'impression que l'on utilise une pression "externe" pour se défausser de certains manques d'organisation ou d'erreurs de gestion ou de prévision. On ne va pas refaire le passé mais soyons vigilants et je vous propose à la réflexion l'extrait de l’interview d'Etienne Balibar, toujours dans le Monde du 24 avril "L'histoire ne continuera pas comme avant" à l'occasion de la parution de son livre "Histoire Interminable"



Là où nous pouvons déjà essayer de bouger, c'est dans notre "responsabilisation" propre - que nous pouvons essayer de partager par l'exemple, et surtout dans l'attention que nous portons aux autres: attentif, sage, précautionneux, respectueux de l'autre, de son être, de sa santé, de son attitude, de ses peurs ou de ses débordements. Tenant compte du contexte et de la connaissance que nous avons, sans pour autant rejeter ceux que nous ne connaissons pas.

Et le meilleur moyen d'accepter l'autre, n'est-il pas de l'écouter et d'échanger, de converser, et pas forcément de vouloir le changer, de l'amener dans une conversion. 
Par contre une conversation, oui! 
Sur ce sujet, notons que Guillaume Villemot, le fondateur du Festival des Conversations a dû annuller son festival et ses animations.
À une époque où converser tend parfois à devenir virtuel, il a créé ce festival où il célèbre ces temps privilégiés d’échange, de partage et d’édification collective.  Comme il le dit:

"Alors que nous sommes de plus en plus connectés les uns aux autres, nous n’avons paradoxalement jamais été aussi seuls. Quand j'entends des enfants dire qu'ils ont des conversations avec Siri sur leurs iPhone, je me dis qu'il est temps d'agir. C'est ainsi que le Festival est né et se développe. La bonne nouvelle, nous avons trouvé des personnes qui font la même chose que nous ailleurs. Le Festival appartient à tous ceux qui comme vous veulent redonner le temps de la parole à tous. Je sentais chez les citoyens que nous sommes, plutôt une peur croissante d'oser parler directement à l'autre, de se livrer. Nous nous protégeons de plus en plus. En même temps, sur les réseaux sociaux, chacun raconte sa vie ou la vie qu’il voudrait avoir." 
Ce qu'il recherche à travers ce festival c'est de "Faire que des gens se disent: « Tiens c'est vrai, c'est simple de prendre le temps d'écouter l'autre et de lui répondre.» Moi quand j’observe les effets que peuvent avoir de simples conversations autour de soi, j’ai juste envie d'y replonger."
...

Rose rouge confinée - Photo: lfdd

Dans ces temps de confinement, lorsque je rencontre des gens dans la rue, et, bien qu'au début j'ai senti presqu'une terreur de se retrouver face à quelqu'un d'autre ("Nous sommes en guerre" !), je sens que ce besoin d'échange surgit, d'une autre manière, une ouverture, une relation est attendue. Une autre manière de se retrouver doit être trouvée.
Et n'oublions pas notre planète, nous ne sommes pas le centre du monde, nous ne sommes pas "tout-puissants". Soyons attentifs à ceux qui croient encore, pour diverses raisons que le monde est à eux, quelle qu'en soient les conséquences.

Je vous mets  également un extrait du Grand Entretien sur France TV avec Valérie Masson-Delmotte climatologue et coprésidente du groupe n°1 du Giec, dont le texte liminaire dit:
"Depuis quelques semaines, la paléoclimatologue Valérie Masson-Delmotte comprend un peu mieux son collègue chinois Panmao Zhai. "Il me disait que ce qui était important dans le confinement, c'était de regarder pousser ses plantes. Sur le coup, cela m'avait fait beaucoup rire, mais je vois parfaitement ce qu'il veut dire", raconte celle qui prend régulièrement des photos des fleurs et insectes de son jardin de l'Essonne depuis le 17 mars."

Elle dit: "Ce dont nous parlons, c'est transformer tous les grands systèmes de production, notamment énergétique, en sortant des énergies fossiles, le charbon puis le pétrole et le gaz, en y substituant d'autres approches. C'est également transformer les villes pour minimiser le recours à l'énergie, utiliser l'économie circulaire et l'efficacité énergétique au maximum. C'est aussi avoir les infrastructures qui permettent ces transformations et puis transformer la manière dont nous produisons notre alimentation. C'est transformer la façon dont nous gérons les forêts dans le monde entier, de sorte à stocker du carbone plutôt que de rajouter des gaz à effet de serre.

Ce qui est intéressant, c'est que sur tous ces aspects-là, des solutions existent. Nous ne sommes pas dans la situation d'il y a 20 ou 30 ans. Nous avons des solutions qui existent dans tous les domaines, que ce soient pour les énergies décarbonées, les transports. Nous avons des alternatives aux véhicules à moteur thermique, nous avons des solutions d'économie circulaire, de réutilisation, plutôt que d'utilisation de ressources non renouvelables et nous avons des solutions de bon sens, y compris pour la production alimentaire. Nous avons beaucoup d'agriculteurs qui innovent qui développent des méthodes parfois anciennes, parfois nouvelles, pour justement réduire l'impact environnemental tout en produisant suffisamment pour nourrir tout le monde.

Si nous voulons contenir le réchauffement à un niveau bas, ce ne sont pas seulement ces transformations un peu systématiques qui sont nécessaires. C'est aussi la question des choix de consommation et des styles de vie. Si la demande mondiale ne fait qu'augmenter pour l'énergie, pour les produits non renouvelables ou pour une alimentation qui a une forte empreinte carbone en particulier les produits animaux ou les huiles végétales, dans ce cas-là, nous ne pourrons pas réduire suffisamment vite les émissions de gaz à effet de serre, parce que cela voudra dire toujours produire plus.

J'ai beaucoup de voisins autour de moi qui s'interrogent dans cette situation un peu forcée, où on fait à manger à la maison, où on développe les circuits courts, qui me disent tant mieux parce que nous nous rendons compte que nous pouvons faire autrement, que nous pouvons vivre correctement avec plus de solidarité et plus d'entraide, nous espérons que cela va rester. Je l'ai entendu parmi mes proches, ma famille et mes collègues, cette aspiration à ce que certaines des choses que nous mettons en place là puissent rester parce qu'elles donnent aussi du sens à la vie en communauté, pas simplement à la vie individuelle."

Si vous en voulez plus, si vous avez un peu de temps, cela vaut le coup, c'est ici:
https://www.francetvinfo.fr/sante/maladie/coronavirus/grand-entretien-valerie-masson-delmotte-climatologue-dessine-l-apres-coronavirus-il-va-falloir-du-courage-politique-pour-eviter-les-vieilles-ficelles_3917315.html


Rose rouge (con)finie - Photo: lfdd

Pour en revenir au Corona, saviez-vous que "Corona et Coronilla" était le titre d'un livre (posthume) de Paul Valéry, le livre de ses  poèmes à Jean Voilier (le pseudonyme de Jeanne Loviton).
Pour Paul Valéry, l’amant-poète, aucune guirlande de poème n’est trop belle pour sa bien-aimée: il y a donc la Couronne (Corona) et la Petite Couronne (Coronilla) qui rassemblent les vers de la période de leur amour (fatal!). Prolixe, Valéry lui écrivit plus de mille lettres et au moins cent-cinquante poèmes à Jeanne Loviton.
En voici deux:

Et toi, personne ne t’aura aimée d’un amour de cette profondeur et de cette qualité. Le son de mon amour, je t’assure, tu ne l’entendras jamais d’un autre, jamais.
 O jour premier, silence mémorable
Quand nos regards pour la première fois
Nous firent taire et craindre notre voix
Car nous sentions dans l’heure inexorable
De notre coeur tout le poids adorable
D’amour enfant qui va naître, ô doux poids
Naître de nous qui nous tenions les doigts…



Couronne des dimanches

 Grande Beauté, Rose spirituelle,
Vous dont je veux l’amour perpétuelle,
Le don suave et la profonde foi,
Toute Beauté, triomphez de mes ombre
Illuminez un bonheur d’être moi
Car d’être moi, ce n’est que rêves sombres.

Créez le rythme et dissipez le nombre
De tous ces ans dont mon âme s’encombre,
Faites un peu du temps que j’ai vécu,
Jusques à toi, ni passions, ni gloire
N’ont fait de moi ni vainqueur ni vaincu
Car j’attendais une plus belle histoire.

Rose spirituelle et Beauté grande
Accueillez-moi cette secrète offrande
Que je me chante à défaut de vous voir ;
Faute de vous la tendresse me ronge
Et je me trouve, au lieu de vous avoir,
Faire un travail qui m’aide à faire un songe
.


Paul Valéry me ramène à, ou plus justement me vient d'Albert Strickler dont j'ai parlé récemment(*). C'est même lui qui a cité le titre de ce livre "Corona et Coronilla" de Paul Valéry qu'il devait lire en 2019 et dont il raconte l'anecdote suivante: A quelqu'un qui s'étonne qu'il lise Paul Valéry, il répond "Moi aussi!"

Je finirai avec mon ami Albert dont j'apprécie aussi ses laconiques "sentence de fin de journée" qu'il met quelquefois justement en clôture de son journal quotidien par exemple:

4 mai
"Ces jours où j'ai l'impression de passer mon temps à expliquer que ne pas avoir être d'accord ne signifie pas avoir raison."

16 mai
""Avoir confiance dans le Lever du Jour modifie le Crépuscule." (Emily Dickinson) A bon entendeur!"

Et je finirai par cette citation de citation dans son texte du 11 mai où il note le soir à l'hôtel près de Saint-Louis où il était au Forum du Livre:
"Avant de m'endormir - le verbe est en l’occurrence impropre - je plonge dans l'homme qui aimait les livres de Philippe Lutz. 
L'exergue emprunté au Royaume d'Emmanuel Carrère semble légitimer l'aventure du journal:
"J'aime, quand on me raconte un histoire, savoir qui me la raconte. C'est pour cela que j'aime les récits à la première personne, c'est pour cela que j'en écris et que je serai même incapable d'écrire quoi que ce soit autrement.
Dès que quelqu'un dit "je" (mais "nous" à la rigueur fait l'affaire) j'ai l'envie de le suivre et de découvrir qui se cache derrière ce "je".""

Nous sommes d'accord! (c'est moi qui souligne).

Bon, concluons ce long billet avec une pause musicale, tout d'abord, une chanson qui devrait plaire à Albert, même s'il penche plutôt vers la musique classique:


Jeanne Moreau - Ni trop tôt ni trop tard
Une chanson  écrite par Serge Rezvani (Bassiak), qui a obtenu le Grand prix de l’Académie Charles Cros en 1964:




"Peu m'importe la tyrannie
Et le règne des soudards
Tant qu'ils nous laissent la vie
Tant qu'aimer n'est pas trop tard"


Pour continuer, Brigitte Fontaine, dont je ne trouve plus les paroles de son "dé-confinement";  "désormais nous sommes des fruits confits", je vous en offre un bout de poème:
"Les vieux sont jetés aux orties
A l'asile aux châteaux d'oubli
Voici ce qui m'attend demain
Si jamais je perds mon chemin"

Je vous offre son duo avec Christophe qui ne lui a pas survécu:




Ni Jacques Higelin avec qui ils ont eu la Grippe:





Et pour finir, Brigitte Fontaine - J'irai pas:





Bon Dimanche
Bon con-finement

La Fleur du Dimanche

* Court-19 : Episode 12 - Court instant avec Albert Strickler, poète, diariste, éditeur,...
https://lafleurdudimanche.blogspot.com/2020/03/court-19-episode-12-court-instant-avec.html

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