Vous l'avez deviné, on est sur la mauvaise pente, côte...
Mais rassurez-vous la fleur du jour est là et veille, la vieille...
Langues de némésia - Photo: lfdd |
La photo je l'ai prise la veille, à la veillée, le soir couchant, justement quand il n'y avait plus trop de lumières, que quelques flammes couchantes, oublieuses et amnésiques et les némésias n'en sont que plus éclatantes et tirent la langue.
Qui aurait cru que les némesias soient les fleurs de l'oubli ?
Langues de némésia - Photo: lfdd |
Eh bien non, elle ne le sont pas, elles sont les fleurs du partage équitable, elles tirent donc équitablement la langue à tous et pour cela nous allons aussi partager équitablement un festival des langues en l’honneur de Babel, cette tour du monde qui fait que les gens ne se comprennent pas toujours....
Alors pour vous permettre de vous y retrouver, je vous propose deux classes de TVA:
Le premier concernant le pays où les langues se sont posées d'après le livre...
C'est deux histoires, toutes les deux racontées par Etgar Keret, écrivain israélien. La première courte, au sujet des juifs, en réponse à un réceptionniste d’un hôtel parisien qui lui dit et à son collègue arabe israélien Sayed Kashua, que, si ça ne tenait qu’à lui, l’hôtel ne recevrait pas de juifs. «Après quoi, il me fallut passer le reste de la soirée à entendre Sayed râler : comme si ça ne suffisait pas de subir l’occupation sioniste depuis quarante-deux ans, il lui fallait maintenant supporter l’insulte d’être pris pour un juif.»
La deuxième, plus longue mais qui vaut la peine d'être lue...
Pour repère, je vous mets un signe à la fin si vous voulez attendre de la lire, vu le manque de temps (vous avez un repas à préparer ou la table à mettre...
Elle parle de la langue (tiens donc) et de la compréhension du langage et des mots et elle est très éclairant (tiens donc !).
La voilà:
C'est en réponse à la question de la journaliste de Libération qui l’interviewe - interview parue dans le supplément livre du jeudi 29 mai 2014:
Nathalie Levisalle : Il y a quelques années, vous avez fait une interview de Benyamin Nétanyahou.
Etgar Keret: En juin 2011, le quotidien Haaretz a publié, comme Libération, un numéro où ils demandaient à des écrivains de faire le journal. Ils m’ont proposé d’interviewer Netanyahou qui allait en Italie voir Berlusconi. J’ai dit OK, mais il ne voudra jamais. En 1993, j’avais écrit une comédie musicale où Netanyahou mangeait son frère. Pendant que le frère mourait, il lui disait : ne t’en fais pas, un jour, je serai Premier ministre et j’utiliserai ton souvenir. En 1993, personne ne pensait qu’il deviendrait Premier ministre, c’était juste un truc sur l’exploitation de la mémoire. Mais il a finalement accepté et je suis allé à Rome. Pendant que je préparais mon sac de voyage, ma femme a écrit une note et m’a demandé de la lui donner. Elle avait écrit : «M. Netanyahou, je vous demande de faire tout ce qui est en votre pouvoir pour amener la paix, pour l’avenir de nos enfants et des vôtres. Merci, Shira.» J’ai éclaté de rire et je lui ai dit : qu’est-ce que tu crois ? Qu’il va dire, ah putain, toute ma vie j’ai essayé de bousiller la paix, mais cette femme m’a écrit une gentille lettre, alors je vais changer. Elle a commencé à pleurer et je me suis senti très mal.
Donc, j’ai pris l’avion et je suis arrivé à Rome. Il y avait une conférence de presse, j’étais au milieu de journalistes politiques très sérieux et très importants. Tous étaient très gentils avec moi. Ils m’ont dit : voilà comment ça marche, tu ne peux pas enregistrer, il faut dire à l’avance quelle question tu vas poser. Et il y a un truc avec Nétanyahou : il ne répond jamais aux questions qu’on lui pose. Les Italiens ont dit que si on finissait assez tôt, ils mettraient à notre disposition une navette pour aller piazza Navona. Toi, tu voyages beaucoup parce que tu es écrivain, mais pas nous. Alors, on te le demande, ne nous bousille pas cette occasion. Ne commence pas à insister avec des trucs à la con. Nétanyahou dira ce qu’il dira, on a été des centaines de fois avec lui, ne prolonge pas la conférence de presse parce que, si c’est trop long, ils ne nous emmèneront pas piazza Navona. J’ai dit OK, ça a commencé, et ma question est arrivée : que faites-vous pour avancer les chances de négociations avec les Palestiniens ? Avez-vous un plan secret ? Il répond : c’est une bonne question, mais ce n’est pas la bonne question. La bonne question, c’est: qu’est-ce que je fais pour protéger Israël d’une attaque nucléaire par l’Iran. Quand il finit, il demande : vous êtes content de ma réponse ? Et je dis : non, vous avez parlé de l’Iran, ce qui est important, mais je veux savoir où en sont les négociations avec les Palestiniens. Il me dit : très bien, voilà une métaphore, il me parle de l’Irlande, de l’IRA… Et il conclut : j’espère que maintenant vous êtes content. Et je dis : non non non, je suis désolé, tous les autres pourront vous reparler, mais moi, c’est la seule occasion de ma vie, et je vais insister, si vous n’y voyez pas d’inconvénient.
A ce stade-là, les autres journalistes étaient fous de rage, ils me fichaient des coups de pied sous la table, mais je me suis dit, je suis comme ma femme, je m’en fiche. Il fait encore une réponse, et je dis : non, ce n’est pas une bonne réponse. A ce moment, le chef de cabinet dit : M. Nétanyahou, je pense que vous devriez passer à la question suivante. Nétanyahou dit : non non, je ne passerai pas à la suite avant qu’il ait dit que ma réponse lui convenait. Ça a continué et, à un moment, il a dit : je ne fais rien, parce qu’il n’y a rien à faire. Vous êtes content de cette réponse ? J’ai dit «content» n’est pas le mot, mais maintenant je comprends, merci. A ce moment-là, les journalistes politiques étaient partis, ils ne sont pas allés piazza Navona et plus personne ne m’a adressé la parole. J’ai écrit mon papier et, le lendemain, Haaretz a titré : «Nétanyahou dit qu’il n’y a pas de solution au conflit israélo-palestinien». Ça a fait scandale jusqu’aux Etats-Unis. Des gens ont dit : voilà ce qui se passe quand on envoie un romancier gauchiste, il utilise son imagination. Je me suis retrouvé dans un débat à la radio avec le chef de cabinet de Nétanyahou qui a dit : c’est un problème quand quelqu’un n’est pas professionnel. Ensuite, ils m’ont donné la parole et je me suis adressé à lui : quand on s’est rencontrés, je me suis dit, on n’a rien en commun politiquement, mais c’est un type bien, ce n’est pas un menteur. Je voudrais vous poser une question. Vous étiez dans la pièce avec nous. Nétanhyahou a dit ça ou il ne l’a pas dit ? Il est resté silencieux un moment et il a répondu : il l’a dit, mais je pense que vous ne l’avez pas compris. Et j’ai dit : alors le pays entier a mal compris.
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Allez, vous l'avez bien mérité, un peu de lumière - et un tire toujours la langue, même au soleil:
Langues de némésia -au soleil Photo: lfdd |
Le titre de l'article est intéressant: "La vie est une fête foraine, il faut essayer autant de manèges que possible."
Le deuxième TVA consiste en quelques vidéos sur le langage.
Pour commencer, en hommage à un poète alsacien dont j'avais déjà parlé - à propos de l'humour alsacien, en octobre 2011 -, André Weckmann, poète de la Babul, du Babble, de la parole en Alsacien, en Allemand et en Français. La vidéo est un hommage de Philippe Aubry - Le Bruit qu'ça coûte:
Comme il n'y a pas que des Alsaciens qui ont rendu hommage à André Weckmann, je vous rajoute un poème de lui, chanté par David W. Solomons:
Le texte en alsacien sonne comme cela:
"ich ben dini gitarr
ich ben d'wies vun dine nintzehn jahr
ich ben dini gitarr
ich ben d'wies vun dine nintzehn jahr
heerscht de akoord en moll
wie metall siede un holtz
metall wie siede, siede wie metall
und warmes dunkles holtz
ich ben dini gitarr
ich ben d'wies vun dine nintzehn jahr
brün leiyet d'sunn uff minere hüt
griyen leiyet die weyer en mim bleck
wis steht e berike vor minere dür
ich ben d'wies vun dine nintzehn jahr
ich ben dini gitarr . . . ."
Si vous en voulez davantage, un film de Daniel Coche, de Dora Film de 9 minutes donne la parole à l'artiste avec un bel accompagnement musical de Pierre Zeidler:
poèmes en alsacien d'André Weckmann (VOST) par dorafilms
Pour continuer sur la lancée de la langue, un poème de Gerasim Luca, "Prendre corps":
Et pour finir, une chanson serbe de Damir Niksic, "Ta to ti", dont il faut écouter l'explication dans le film du réalisateur strasbourgeois Damien Fritsch "Sarajéviens", un reportage sur Sarajevo et ses habitants aujourd'hui à travers leur vie très quotidienne. Le film sort mercredi 11 juin au cinéma Star:
Bon Dimanche
La Fleur du Dimanche
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