mercredi 12 novembre 2025

The Gathering de Joanne Leighton aux Abbesses: Une belle vitalité sourd de la nature

 Au début de la pièce The Gathrering de Joanne Leighton au Théâtre des Abbesses, la chorégraphe nous prend par surprise: Nous voyons débouler dans la salle une tribu de jeunes gens et de jeunes filles en tenue colorée, des habits plutôt sportifs, survêtement, short,... dans des couleurs pas trop criardes, plutôt acidulées et harmonieuses qui montent sur le plateau, en prennent les proportions et l'espace.


The Gathering - Joanne Leighton - Théâtre de la Ville - Photo: Patrick Berger


Puis ils et elles commencent à le découvrir et l'investir, comme un lieu à occuper, se passant de petits objets qui se révèlent être des cailloux qu'ils frappent de temps en temps et qui voyagent entre leur mains en rond. Puis ce sont de plus grosses pierres qu'ils accumulent, puis étalent en chemins de pierres et déplacent. A l'instar d'un groupe d'explorateurs qui découvrent un nouveau territoire et commencent à l'habiter, le domestiquer, le faire leur. Tout comme nous, les découvrant et nous familiarisant avec le groupe, les identifiant, les individualisant. Ce processus qui va nous prendre un petit moment car ils sont nombreux, dix danseurs et danseuses, d'autant plus qu'ils sont souvent en contrejour ou dans un clair obscur bien travaillé par les éclairages de Romain de Lagarde qui contribuent à installer une ambiance mystérieuse sur le plateau. 


The Gathering - Joanne Leighton - Théâtre de la Ville - Photo: Patrick Berger


Celui-ci est au départ nu avec un rideau blanc qui tombe sur le côté droit. Mais au fur et à mesure, avec les gros cailloux et les branchages dont s'emparent les danseurs et les images de forêt qui sont projetées sur le rideau, nous plongeons dans cet univers sylvestre auquel fait aussi référence le texte dit à voix basse en anglais au départ, puis en français vers la fin, extrait de Walden ou la vie dans les bois de Henri David Thoreau. En même temps, les pas frappés en rythme des danseurs font émerger une danse qui semble venir de la nuit des temps. Les figures, quelquefois géométriques, mais qui se dérèglent aussi, se déploient, se brisent, enflent, se calment, alternent et recommencent, nous entrainent dans des circonvolutions et des méandres. 


The Gathering - Joanne Leighton - Théâtre de la Ville - Photo: Patrick Berger


La chorégraphie nous transporte de paysages en paysages, d'oiseaux en animaux étranges et d'insectes en apaisements, tandis que la forêt verte et paisible mais néanmoins mystérieuse commence à muer et bouger. Les troncs se dédoublent, les espaces se superposent, les vues se troublent. La musique accompagne ces mutations et, d'une certaine sérénité, avec les chants d'oiseaux et les bruits de la forêt que vient, comme un tapis reposant, accompagner une douce mélodie, nous entrons dans des compositions plus dynamiques et rythmés. Les danses et la chorégraphie, elle aussi partent dans des envolées plus énergiques. Les danseuses et les danseurs, sans relâche, arpentant les quatre coins du plateau, presque jamais vide, sauf pour un solo et un duo, avec des montées en force et en rythme. Puis des moments plus calmes, des figures qui s'enroulent et se déploient, se transforment et éclatent pour se calmer avant de redémarrer avec toujours la même énergie. 


The Gathering - Joanne Leighton - Théâtre de la Ville - Photo: Patrick Berger


Dans la bande son de Peter Crosbie s'immiscent doucement aussi des chants des Balkans, chansons à capella interprétées par le groupe Laboratorium Pieśni. Ces sonorités ancestrales et décalées nous emportent dans un univers imaginaire et énigmatique grâce aussi aux images vidéo de Flavie Trichet-Lespagnol de cette forêt qui semble léviter et se défaire, comme une montagne enneigée d'où surgit en vrai un "homme sauvage". L'image, avec le rideau qui s'est déployé sur toute la largeur de la scène, occupe tout le fond, s'embrase de rouge et la troupe semble plus soudée, plus fusionnelle, plus apaisée. La musique et les chants a cappella nous mènent pour un dernier tour dans la forêt obscure avant de nous renvoyer dans le nuit citadine, laissant dans notre corps et nos souvenirs, ces traces sylvestres des temps immémoriaux où nous étions les hôtes de la forêt, les frères des arbres.


La Fleur du Dimanche

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire