vendredi 16 décembre 2022

La Belle au bois dormant de Marcos Morau: Il fut un temps et le temps fuit

 La Villette, dans le cadre de sa saison Danse, nous propose une création de Marcos Morau créée à l'Opéra de Lyon le 15 novembre avec le Ballet de l'Opéra de Lyon, La Belle au bois dormant. Marcos Morau, artiste pluridisciplinaire est connu pour avoir créé La Veronal, une troupe composée également d'artistes issus de différents arts et qui a obtenu le Prix de la Danse 2013 en Espagne. Ses chorégraphies sont toujours très construites et son univers particulier joue sur l'aspect théâtral et dramaturgique et sur un traitement visuel original. 


La Belle au bois dormant - Marcos Morau - Ballet de l'Opéra de Lyon  - Photo: Jean-Louis Fernandez


Sa lecture du conte très connu en surprendra plus d'un, tout comme l'on est surpris au moment où le rideau se lève de voir un tableau de groupe remplissant le plateau baigné de rouge. Toute cette troupe (une basse-cour ?) est habillée de blanc, la tête couverte d'un béguin de coton, blanc lui aussi. Les têtes bougent d'ailleurs comme des têtes d'oiseau (de poules couveuses ?) ainsi que les bras, d'un mouvement saccadé, haché. 


La Belle au bois dormant - Marcos Morau - Ballet de l'Opéra de Lyon  - Photo: Jean-Louis Fernandez


La chorégraphie de Marcos Morau est hyper précise dans les moindres mouvements des corps et des gestes, fins, délicats, hachés, surprenants, qui se répondent et se répandent dans le groupe de danseurs et de danseuses (il y a plus de danseuses que de danseurs - neuf contre six - tous habillés en tutu clochette). Toutes et tous maîtrisent impeccablement, comme des orfèvres, tous ces mouvements, du plus infime jusqu'aux déplacements - par exemple ces magnifiques déplacements glissés de côté comme sur des roulettes ou des patins. 

 

La Belle au bois dormant - Marcos Morau - Ballet de l'Opéra de Lyon  - Photo: Jean-Louis Fernandez


Ce sont ces déplacements latéraux de jardin à cour, face au public, puis les traversées dans le même sens, de plus en plus rapides et de plus en plus débridées, en deuxième partie qui vont induire l'ambiance générale, finale de la pièce. Mais pour y arriver, nous allons passer par quelques étapes, toutes magnifiquement construites. C'est cette première scène de maternité aviaire, la naissance de la Belle, et le bal de ce bébé qui fait, dans un numéro d'escamotage et de réapparition bluffant le tour des "mères" interchangeables de cette petite (basse)-cour, une "valse des fleurs" avec de beaux bouquets blancs dans une stupéfiante glissade immobile. 


La Belle au bois dormant - Marcos Morau - Ballet de l'Opéra de Lyon  - Photo: Jean-Louis Fernandez


C'est aussi la "machine à remonter le temps" qui nous offre une scène de break-dance dans laquelle le danseur se fait "libérer par le baiser salvateur et puis cette escalade sans fin dans la fuite du temps, incessant défilé de gauche à droite impressionnant, de plus en plus rapide et plus angoissé des danseuses et des danseurs qui mènent cette course contre le temps pendant que le décor se disloque et qu'eux même se dévêtent. Il faut saluer la scénographie qui arrive à métamorphoser le  décor que ne semble qu'être qu'une pièce rectangulaire étriquée mais qui, par un subtil déplacement du plafond, appuyé par de discrets effets de lumière et de couleur change de forme et de volume, monte ou descend, pour s'ouvrir sur l'arrière et faire apparaître comme une pièce de plus, et un escalier (pour remonter le temps?) puis ces portes battantes pour le défilé du temps. 


La Belle au bois dormant - Marcos Morau - Ballet de l'Opéra de Lyon  - Photo: Jean-Louis Fernandez


La musique de Tchaïkovski, retravaillée et réorganisée par Juan Cristóbal Saavedra en nappes, mixages et battements (plus la musique techno de la séquence électro où les danseurs s'agitent comme des électrocutés) est une savante adaptation à l'air du temps de la pièce d'origine, qui surnage de temps en temps. Les danseuses et les danseurs, sans exception ont pleinement intégré cette grammaire des formes formes propre à Marcos Morau et cette gestuelle surprenante et fascinante nous subjugue jusqu'à ce que les interprètes chaussent leurs pieds nus des sneekers à notre grande surprise. 


La Belle au bois dormant - Marcos Morau - Ballet de l'Opéra de Lyon  - Photo: Jean-Louis Fernandez


Mais leur utilité ne se fait pas longtemps attendre puisque très rapidement, une course sans fin, une fuite en avant devant ce qui ressemble à une catastrophe sans nom, impliquant littéralement la dislocation de la scène et du décor se met en place, semblable au marathon de danse du film "On achève bien les chevaux". Et ce qui n'était que le passage de plus en plus rapide du temps devient une fuite éperdue devant la fin de notre temps civilisé et cultivé. Le souffle d'un baiser réveillant la princesse devenant l' "A bout de souffle" de notre civilisation de conte de fées auquel nous nous raccrochons. 


La Belle au bois dormant - Marcos Morau - Ballet de l'Opéra de Lyon  - Photo: Jean-Louis Fernandez


La Fleur du Dimanche


La Belle au bois dormant


CHORÉGRAPHIE ET MISE EN SCÈNE : Marcos Morau

MUSIQUE : Piotr Ilitch Tchaïkovski, Juan Cristóbal Saavedra

ASSISTANT.E.S CHORÉGRAPHIQUES : Ariadna Montfort, Shay Partush, Marina Rodriguez

SCÉNOGRAPHIE : Max Glaenzel

COSTUMES : Silvia Delagneau

DRAMATURGIE: Roberto Fratini

ECLAIRAGISTE COLLABORATEUR LUMIÈRE : Mathieu Cabanes 

CONCEPTION SONORE :Juan Cristóbal Saavedra

MAÎTRESSE DE BALLET : Amandine Roque De La Cruz

Ballet de l'Opéra de Lyon

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