Stravinsky, avec le "Sacre du Printemps", pièce iconoclaste qui a fait un "clash" lors de sa première représentation a paru bien sage aux fidèles auditeurs qui, pour certains la connaissaient par coeur, de l'avoir vu et revue avec des chorégraphies de multiples chorégraphes célèbres (Nijinski en 1913, Maurice Béjart (1959), Pina Bausch (1975), Paul Taylor (1980), Mats Ek (1984), Jorge Lefebre (1988), Angelin Preljocaj (2001), Régis Obadia (2003), Uwe Scholz (2003), Doug Varone (2003), Emanuel Gat (2004), Heddy Maalem (2004), (2011), Jean-Claude Gallotta (2011), Sasha Waltz (2013), et la liste est encore longue...). Mais cela a aussi eu l'avantage que, sans la danse, nous avons pu suivre la magnifique interprétation à la fois des solistes (entre autre le solo de basson inaugural de Rafael Angster) et bien sûr des ensembles de vents, qui nous emportaient dans les phrases mélodiques plus ou moins longues rythmant la pièce dans des envolées de plus en plus rapides, alors que les cordes, par vagues, d'abord calmes, puis de plus en plus fortes et saccadées montaient en tension et en puissance jusqu'à l'explosion finale. La direction, très claire et lisible de Marco Lentonja a induit une superbe prestation de l'Orchestre Philharmonique de Strasbourg avec un effectif majestueux - même les percussions remplissaient le fonds de scène. Ce fut un réel plaisir donc d'entendre cette pièce historique clôturer ce magnifique concert.
Musica 2018 - Orchestre Philarmonique de Strasbourg - Igor Stawinsky- Photo: lfdd |
Le concert débutait avec un autre très grand musicien, contemporain, celui-ci (il est né dix ans après le Sacre) mais devenu une figure de la musique contemporaine, György Ligeti, de qui Musica présentait cinq oeuvres cette année, et dont l'OPS a joué la pièce "San Francisco Polyphony" écrite pour l'Orchestre de San Francisco et créée le 8 janvier 1975. La pièce surprenait dès le début avec des nappes de sons qui s'effilochaient en flammèches et en airs de flute. Puis en alternance entre de brusques accélérations et ambiances urbaines ou de lointains gazouillis, cliquetis et sourdes rumeurs de trafic automobile ou d'avion qui passe, de grincement de tramways. Un murmure riche des cordes, soutenues par les vents, jusqu'à l'explosion finale. Comme le disais Ligeti, et c'est l'impression qui est bien passée: "Il se produit ici une alternance entre l'ordre et la chaos."
Musica 2018 - Orchestre Philarmonique de Strasbourg - Györky Ligeti - Photo: lfdd |
La pièce attendue, c'était la création du "jeune" Ondrej Adamek (né en 1979 "Follow me", concerto pour violon et orchestre, dédié à Isabelle Faust, et dont il dit "Un hoquet où la mélodie est divisée note par note entre le soliste et l'orchestre devient la musique d'une tribu imaginaire. Derrière la partition, il y a une idée de relation diverse entre un "guide" et une "foule": un guide prononce une parole simple et forte. Au début il est seul." Et nous assistons donc à ce dialogue, cet apprentissage de cette mélodie, d'abord par le premier violon, puis les cordes, puis l'orchestre, où le son, le volume enfle puis s'éteint en un air plus clair. Pour plus tard, se distordre en dialogue saccadés qui s'installe et une volonté de prise de parole de l'orchestre apparait. La soliste tente une envolée lyrique en mélodie mais l'orchestre la contre dans une descente vers le silence. Dans le troisème mouvement, des souffles, des sons essayent de reprendre forme en vain puis deviennent tonitruants et reléguant la soliste au fond de l'orchestre jusqu'à la faire sortir en dehors de la salle où elle essaie de jouer un dernier air, mais les trompettes moqueuses ricannent leur joie. Nous avons assisté à la révolte d'une foule contre un individu qui essayait de les guider et la démonstration était éclatante.
Musica 2018 - Orchestre Philarmonique de Strasbourg - Isabelle Faust - Ondrej Adamek - Photo: lfdd |
Le public ravi a fait une ovation à la soliste et Isabelle Faust l'a gratifié en retour d'un vibrant solo, court mais émouvant avec "Doloroso" de Gyorgy Krutag que je vous offre en prime:
La Fleur du Dimanche
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