L'Orchestre Philharmonique de Strasbourg innove avec l'Heure Joyeuse, un nouveau format de concert, court à des horaires décalés (12h30 ou 19h00) qui devraient toucher un nouveau public. A la pause méridienne ou avant la soirée qui est sauvegardée, plus court qu'un film, on peut se payer une parenthèse comme un évasion, une bulle lumineuse dans le train-train quotidien. Parce qu'en plus le choix des pièces, légères non seulement dans la durée mais aussi le propos et la forme, nous met en forme. Cela remplace allègrement l'heure de footing, bien calés dans un fauteuil. Mais l'on est quand même actif à l'écoute de ces proposition musicales enjouées et dynamiques. Comme il y a par exemple Mozart avec l'Ouverture de la Flûte Enchantée et la Symphonie Jupiter, des "tubes" de la musique classique. Et l'autre programme comprend la suite pour ballet Pulcinella de Stravinski précédée d'une pièce plus rare, le Concerto pour hautbois d'Antonio Pasculli, musicien compositeur considéré comme le "Paganini du hautbois".
OPS - Heure Joyeuse - Emilia Hoving - Sébastien Giot - Photo: Robert Becker |
C'est Sébastien Giot, le premier hautbois solo de l'Orchestre Philharmonique de Strasbourg, qui va rejoindre en janvier la Philharmonie de Paris, qui nous gratifie de sa magnifique interprétation. En confidence après la représentation avec le public qui est resté pour échanger avec lui - il restait un peu de temps avant l'heure fatidique - il avouait l'avoir joué dans sa jeunesse et qu'il lui a suffi qu'une quinzaine de jours pour le retravailler. Le résultat est formidable. Avec l'orchestre composé uniquement de cordes (une trentaine), sous la direction gaie, vive et précise de la jeune cheffe finlandaise trentenaire Emilia Hoving, il est en terrain connu.
OPS - Heure Joyeuse - Emilia Hoving - Sébastien Giot - Photo: Robert Becker |
Et Emilia Hoving (prix de la critique en 2021) amène son énergie et sa joie de vivre à l'orchestre et à la salle. Mais c'est surtout la fantastique performance de Sébastien Giot qui emporte toute l'adhésion du public. La pièce est vraiment virtuose, passant de trilles à des arpèges et des gammes chromatiques, partant sur des rythmes lents et accélérant jusqu'à des vitesses folles, jouant sur le souffle circulaire, la respiration continue, qui ne laisse aucun répit au soliste. Le dialogue entre l'orchestre et l'hauboïste est impeccable, en alternance ou en soutien et tout au long de cette pièce, que ce soit sur des airs plus lents et expressifs ou des danses endiablées, une belle émotion se transmet par la musique.
OPS - Heure Joyeuse - Sébastien Giot - Photo: Robert Becker |
Et nous ne pouvons que repenser à Heinz Holliger, un des maître du hautbois qui en disait: "Le hautbois a une voix qui peut pleurer, rire et chanter comme aucun autre instrument." Le public ému et charmé réclame un bis bienvenu.
OPS - Heure Joyeuse - Emilia Hoving - Stravinski - Photo: Robert Becker |
Pour la suite Pulcinella de Stravinski qu'il a tiré de son ballet créé avec Leonide Massine pour les Ballets Russes (avec des décors de Picasso), il s'inspire de la musique baroque de Pergolèse et de quelques autres musiciens pour cette suite en huit mouvements. Le premier étant une ouverture Sinfonia, légère suivie d'une Serenata plus grave. L'orchestre, où les cordes ont été rejoint par les vents (cor, flûte, clarinette, basson, trompette, trombone, mais pas de hautbois) alterne des airs solos et des mouvements d'ensemble, toujours sous la direction sensible d'Emilia Hoving. Tout cela est très dansant, plus léger, sautillant pour le Scherzino, très rapide et sautillant pour la tarentelle, où l'orchestre amène toute sa vivacité.
OPS - Heure Joyeuse - Emilia Hoving - Stravinski - Photo: Robert Becker |
Pour la Toccata, les vents enchainent un dialogue rapide avec les cordes et pour la Gavotte en deux variations, après un début lent et dansé en mesure, un changement apporte une variation baroque plus altière. Le septième mouvement Vivo est plus théâtral et apporte une dialogue entre les vents, surtout basson et trombone et les contrebasses et violoncelles. Le dernier mouvement, Finale à la fois marche majestueuse et variation mélodique, part en emphase dans une accélération puissante et joyeuse. De quoi repartir avec entrain pour la soirée qui ne fait que commencer. Et d'avoir envie de revenir pour une nouvelle Heure Joyeuse.
La Fleur du Dimanche