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samedi 22 mars 2025

Amérique un concert de l'OPS: du lyrisme romantique aux musiques dansantes

 Avec le programme Amérique, l'Orchestre Philharmonique de Strasbourg sous la direction d'Aziz Shokhakimov fait le grand écart. Rien à voir bien sûr avec Amériques, l'oeuvre une peu plus radicale d'Edgar Varèse qu'il a créé en 1926 avec percussions et bruit de sirènes.

L'Adagio pour cordes Op.11 (1936) de Samuel Barber qui ouvre le concert est pourtant une oeuvre mondialement connue, au point d'éclipser les autres pièces du compositeur. Elle est souvent jouée aux Etats-Unis pour des cérémonies commémoratives, comme des enterrements de chef d'état et a été utilisée dans de nombreux films (dans Amélie Poulain par exemple, en citation ironique, elle accompagne l'enterrement rêvé de l'héroïne qu'elle suit sur un écran de télé noir & blanc). Elle commence donc très doucement, lentement, comme un long fleuve tranquille qui glisse et s'étale, mélancolique, dans de vastes horizons, prenant quelquefois des respirations. La directions d'Aziz Shokhakimov se fait enveloppante et tout en délicatesse pendant ce voyage intérieur de presque dix minutes qui finit tout en retenue, et s'évanouit.


Amérique - OPS - Aziz Shokhakimov - Sébastien Koebel - Photo: David Amiot


Le style ne change pas vraiment avec le début du Concerto pour clarinette et orchestre d'Aaron Coplan puisque nous démarrons aussi dans la douceur. Une harpe et un piano accompagnent la clarinette de Sébastien Koebel qui prend la suite de Benny Goodman à qui la pièce était dédié et qui l'a crée en 1950, car il était autant musicien de jazz que de musique classique. Cette pièce est emblématique pour Sébastien Koebel, l'ayant entendu jouer par son professeur au Conservatoire de Paris, Richard Vieille et il la jouera même pour son diplôme en 1999 qui lui vaudra le premier Prix à l'unanimité. Après une première partie assez intériorisée et douce, un peu moins triste pourtant que Barber, les cordes font un beau tapis sonore à la clarinette, accompagnés de temps en temps par la harpe et le piano.

 

Amérique - OPS - Aziz Shokhakimov - Sébastien Koebel - Photo: David Amiot


Puis la clarinettiste se lance dans un solo qui accélère et l'on peut apprécier toute la virtuosité de Sébastien Koebel qui se laisse aller à des mouvements de danse - rappelons qu'Aaron Coplan a créé quelques partitions pour des ballets en plus de ses compositions de musique de film pour lesquels il est un peu plus connu. Là-dessus le piano et le reste de l'orchestre nous emmènent dans un rythme sautillant et primesautier où la clarinette entre dans un dialogue entraînant avec le piano en écho et le reste de l'orchestre qui deviennent bien joyeux. Une composition bien imagée qui s'enflamme et part au pas de course dans un élan final qui s'envole.


Amérique - OPS - Aziz Shokhakimov - Sébastien Koebel - Photo: David Amiot


Le public ravi en redemande et Sébastien Koebel nous offre un duo piano clarinette avec le début de la transcription de la Rhapsody in Blue de Gershwin.


Amérique - OPS - Aziz Shokhakimov - Sébastien Koebel - Photo: David Amiot


Suit la composition du poème symphonique Un Américain à Paris qui verra l'adaptation cinématographique - et chorégraphique de Vincent Minnelli. Elle a été créée à New York en 1928 et inspirée par un voyage à Paris. Elle décrit bien les aspects énergiques dynamiques et foisonnants de la grande ville. En plus des klaxons de voitures, les percussions, glockenspiel et timbales, mais aussi une célesta, des saxophone, un tuba et une trompette bouchée nous font voyager dans les bruits de la ville et ses changements de décor, ses moments plus calmes ou langoureux et des parties dansantes bien sûr - Ils ont le rythme ! La direction du chef Aziz Shokhakimov est précise et le jeu de l'orchestre est bien clair et détaillé. Après l'entracte, nous restons avec Gershwin et des musiques "dansantes". Et c'est son Ouverture Cubaine, dont le premier titre Rumba donne bien l'idée du ton rythmé de cette ouverture symphonique créée en 1932. C'est énergique, foisonnant. Le chef dirige en dansant et on passe très vite d'un air à un autre, on n'a pas le temps de s'ennuyer. On part dans de grandes envolées et des solos, dont la clarinette, puis à des moments plus graves et cela redevient entraînant et frais et les airs s'enchaînent, puisant dans des mélodies populaires cubaines. Un petit coup de fouet qui donne envie de se lever de son siège.


Et l'on termine avec Leonard Bernstein et la version des Danses symphoniques de West Side Story, créé en 1960 à partir du matériau de la comédie musicale qui avait été créée en 1957 avec Jerome Robbins - Le film réalisé avec succès par Robert Wise sortira lui en 1961. Leonard Bernstein s'appuie sur le matériau de la comédie musicale et après un prologue qui plante le décor de la rivalité des Sharks et des Jets, sept tableaux s'enchainent avant le finale tragique. Les airs (Somewhere) et les danses (Mambo, Cha-Cha) bien expressives qui voient Stephan Fougeroux bien actif et les musiciens donner de la voix ! Sandrine François a également droit à un superbe solo rejointe doucement par les cordes et les cors pour le finale, poignant.

Une bis énergique avec trombone et flûte clôt cette soirée où l'on se rêve dans une Amérique un peu nostalgique. 


La Fleur du Dimanche

vendredi 8 novembre 2024

Wayne Marshall, Paul Lay Trio et l'OPS pour le 39ème JAZZDOR : Rythme et danse

 Pour le lancement de la 39ème édition du Festival JAZZDOR, qui est aussi sa dernière saison à la direction du festival, Philippe Ochem réalise un coup de maître: Rassembler au Palais de la Musique et des Congrès de Strasbourg l'Orchestre Philharmonique de Strasbourg sous la direction de Wayne Marshall, le pianiste et chef anglais spécialisé dans la musique des Etats-Unis du XXème siècle et le Paul Lay trio. Le pianiste Paul Lay, considéré comme un des plus grands pianistes de sa génération, a orchestré avec Philippe Maniez les pièces de Gershwin, jouées en première partie, en particulier la célébrissime Rhapsody in Blue dans la version de 1942 (la troisième version pour grand orchestre). Le programme est alléchant: outre Gershwin, nous trouvons aussi Kurt Weill et Leonard Bernstein et tout cela attire du monde. La salle Erasme est pleine, un succès, et le public attend avec impatience le début du concert.

 

JAZZDOR - OPS - Paul Lay - Photo: Teona Goreci

 

Ce n'est pas le célèbre glissando à la clarinette qui introduit Rhapsody in Blue (qui n'était d'ailleurs pas dans la partition originelle de Gershwin) qui ouvre la soirée, mais deux standards de Gershwin, Nice work if you can get it et It ain't necessarily so, également orchestrés par Paul Lay qui donnent au trio l'honneur de lancer la bal - et le rythme. C'est donc sur une belle dynamique et une énergie entraînante que le trio composé autour de Paul Lay par Donald Kontomanou à la batterie, précis et discret et Clemens van  de Feen à la contrebasse subtil et énergique se lance. 

 

JAZZDOR - OPS - Wayne Marshall - Paul Lay Tr io- Photo: Teona Goreci

Paul Lay au piano, dans son habit scintillant, a un jeu vraiment virtuose et énergique, et ils partent sur un rythme entrainant repris avec fougue par l'orchestre. Le deuxième standard, extrait de Porgy and Bess, est plus lent et plus bluesy. Avec Rhapsody in Blue, l'orchestre et les solistes, en particulier la clarinette et les deux saxophones peuvent exprimer tous leurs talents de jeu jazzistique et d'improvisation. 

 

JAZZDOR - OPS - Wayne Marshall - Paul Lay - Photo: Teona Goreci

Wayne Marshall apporte toute sa grâce à diriger avec empathie et précision,, mais aussi une grande sensibilité ce chef-d'oeuvre qui fait le pont entre la musique savante et la musique populaire. 

 

JAZZDOR - OPS - Wayne Marshall - Photo: Teona Goreci

Il laisse la bride sur le cou du pianiste et du trio qui insuffle un esprit de liberté à cette partition dynamique et dansante. Il y a de la puissance, de l'emphase, des changements de rythme et un subtil et intelligent dialogue entre le trio et l'orchestre. Le chef Wayne Marshall y amène toute sa sensibilité et son sens de l'équilibre, laissant et l'orchestre et les solistes ou le trio prendre les rênes de cette pièce vivante, pleine d'entrain et d'allant, de rythme et d'énergie. 

 

JAZZDOR - OPS - Wayne Marshall - Paul Lay - Photo: Teona Goreci

Un vrai plaisir. Le public ne s'y trompe pas qui gratifie les musiciens d'applaudissements nourris. Ceux-ci en retour offrent un magnifique Summertime tout en douceur où le chef se permet une incursion au piano et tous deux nous offrent une très belle improvisation à deux puis à quatre mais avant de redonner la main à l'orchestre. Un second bis de Paul Lay nous prouve si c'était encore nécessaire qu'il  maîtrise cette Rhapsodie dont il nous interprète une variation piano jazz solo décalée.

 

JAZZDOR - OPS - Wayne Marshall - Photo: Teona Goreci

Pour la deuxième partie, nous avons droit à une pièce de Kurt Weill qui a été créée à New York en 1949 à partir de sa comédie Musicale Woman in the Dark présentée à Brodway en 1941. Elle est constituée de six mouvements variés, très divers, passant de moments calmes et sereins ponctués de quelques coups d'éclats à des passages dignes de fanfares ou de musique festive ou martiale et même un discret boléro ou une danse sautillante et encore des airs qui pourraient être une musique de film. L'orchestre, qui joue maintenant sans le trio jazz amène toute sa vie et son énergie sous la direction du chef qui module en finesse le jeu des musiciens.

 

JAZZDOR - OPS - Wayne Marshall - Photo: Teona Goreci


Et pour finir, la suite de Ballet Fancy Free de Leonard Bernstein pour un ballet de Jerome Robbins (celui de West Side Story) créé en 1944. L'argument est la rencontre dans un bar (à marins) de trois marins et de deux filles et une battle de danse (déjà à l'époque) pour conquérir le coeur des filles (celui qui perd devra se retirer). Nous avons donc ici une pièce enjouée, dansante (avec les trois variations - le Galop, la Valse et Danzon) avec une série de changements de rythme, d'ambiance, du suspense, des envolées, des collisions et des collages mais surtout une très belle dynamique et un piano bastringue presque rétro très présent. Une très belle pièce qui conclut cette soirée qui voit avec succès se répondre la tradition et la modernité, le jazz et le classique par delà les ans et les océans. 

 

JAZZDOR - OPS - Wayne Marshall - Photo: Teona Goreci

En tout cas une très belle ouverture de festival et un beau succès.


La Fleur du Dimanche