Le ballet Giselle est un archétype du ballet romantique. Depuis sa création en 1841 sur une partition musicale remarquée d'Adolphe Adam et un livret de de Jules-Henri Vernoy de Saint-Georges et Théophile Gautier, la pièce qui a vu les premières "pointes" - Carlotta Grisi en a récolté une célébrité fructueuse - on ne compte plus les versions qui ont été montées en France et dans le monde. Elle a aussi donné lieu à des relectures, dont celle de Mats Ek dont l'action se déroule dans un asile psychiatrique.
Giselle - Ballet de l'ONR - Martin Chaix - Photo: Agathe Poupeney |
La nouvelle création de cette oeuvre par le Ballet de l'Opéra national du Rhin avec une chorégraphie de Martin Chaix est également une relecture de cette pièce qui ne suit pas non plus la chorégraphie originale du duo Jean Coralli et Jules Perrot. Et c'est également la partition musicale du ballet d'Adolphe Adam qui est changée puisque n'y sont prises que certaines de ses parties auxquelles ont été rajoutées des compositions d'une des rares femmes compositrices en France, Louise Farrenc, contemporaine d'Adam, les symphonies N°1 et 3. Ces rajouts permettent à l'ensemble de construire un fil mélodique, avec la Première Symphonie plus légère et la Troisième, plus tragique, tout comme le récit d'origine, sous la direction de la cheffe d'orchestre coréenne Sora Elisabeth Lee à la tête de l'Orchestre symphonique de Mulhouse qui offre une belle prestation. Ce choix de Martin Chaix qui a décidé de faire cette lecture plus féminine, sinon féministe de la pièce passe tout à fait naturellement. Tout comme passe cette vision moins romantique du ballet qui se retrouve transposé dans un XXème siècle un peu rétro et nostalgique toutefois.
Giselle - Ballet de l'ONR - Martin Chaix - Photo: Agathe Poupeney |
C'est dans un décor aux tons sombres créé par Thomas Mika, éclairé avec parcimonie mais sensibilité par Tom Klefstad, et minéral - des murs de blocs de pierres avec des affiches des années 30 déchirées façon Mimo Rotella - que se déroule la première partie. Les danseuses et les danseurs en costume et robes avec une certain style et dans des couleurs sombres ( gris, beige, anthracite, kaki,..) crées par Catherine Voeffrey occupent souvent cet espace en dansant des danses de couples. Quelques duos ou doubles duos permettent d'apprécier la grâce et la virtuosité des interprètes dont les gestes déliés, virevoltants et maniérés fascinent.
Giselle - Ballet de l'ONR - Martin Chaix - Photo: Agathe Poupeney |
La mise en scène très cinématographique fait vivre cet univers en créant des narrations entre les autres protagonistes qui habitent l'espace et nous content des histoires muettes qui se déroulent en tableaux vivants. Nous avons bien sûr des coups de projecteur sur Giselle (très vive Ana Enriquez), la seule habillée en blanc, dans une très belle robe crochetée et son Albrecht (sublime Avery Reiners) qui nous présentent de magnifiques duos d'amour et de séduction.
Giselle - Ballet de l'ONR - Martin Chaix - Photo: Agathe Poupeney |
Albrecht ne se contentant pas de ces duos mais butinant de-ci de-là pour finalement retouver sa fiancée Bathilde (magnifique Dongting Xing). Jusqu'à sa dénonciation par Hilarion (interprétée ce soir par la troublante Alice Pernao dans un autre geste de partage des rôles et des genres). Le doute, l'hésitation se propagent et la danse continue dans une intermittence des sentiments et de l'Amour comme échapatoire et lien.
Giselle - Ballet de l'ONR - Martin Chaix - Photo: Agathe Poupeney |
La deuxième partie, qui se transporte dans un univers des annés 60, blousons de cuir noir et robes itou passant de la troupe des willis à une bande de jeunes, menée par la dynamique Myrtha (magistrale Susie Buisson) se situe dans un espace vide près d'une forêt en fond de scène, éclairé de deux lampadaires. Sous cet éclairage blafard, des mouvements d'ensemble marquant la solidarité du groupe alternent avec quelques manifestations de solidarité du groupe restreint de quelques femmes ressemblant à des figures de danses folkloriques.
Giselle - Ballet de l'ONR - Martin Chaix - Photo: Agathe Poupeney |
Il y aura bien sûr de nouvelles rencontres entre Giselle et Albrecht, dans des duos où l'on apprécie les mouvements tout en cassure, les gestes de la main balayant et les mouvements en spirale et, bien sûr aussi, touche féministe de rigueur et d'actualité, les affrontements vengeurs envers Albrecht par des danseuses. Et pour couronner le tout, le magnifique pas de deux de Giselle et Albrecht, sautillant, sur les airs de violon, de harpe et de flûte.
Giselle - Ballet de l'ONR - Martin Chaix - Photo: Agate Poupeney |
La pièce, chorégraphiée par Martin Chaix, assisté de Ulrike Wörner von Fassmann cultive une qualité du vivre ensemble, de la solidarité, de la résilience et d'un certain optimisme pour la situation des femmes tout en gardant un esprit romantique sur la relation amoureuse. Elle laisse une part importante au groupe, à la société, donc aux chorégraphies d'ensemble et aux mouvements de chacun dans le groupe sans ôter la magie des duos et petites formes individuelles qui continuent de nous enchanter dans la transcendance de l'Amour.
La Fleur du Dimanche
A Strasbourg à l'Opéra national du Rhin - jusqu'au 20 janvier 2023
A Mulhouse au Théâtre de la Sinne - du 26 au 3 janvier 2023
A Colmar au Théâtre Municipal - le 5 février 2023
Distribution
Chorégraphie: Martin Chaix
Musique: Adolphe Adam, Louise Farrenc
Direction musicale: Sora Elisabeth Lee
Dramaturgie: Martin Chaix, Ulrike Wörner von Faßmann
Dramaturgie musicale: Martin Chaix
Décors: Thomas Mika
Costumes: Catherine Voeffray
Lumières: Tom Klefstad
CCN • Ballet de l'Opéra national du Rhin, Orchestre symphonique de Mulhouse
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