samedi 25 août 2018

Au Festival de la Chaise-Dieu à Chamalières, la voix envoûte….

Le Festival de la Chaise-Dieu, chaque année se décentralise à Chamalières-sur-Loire dans la magnifique abbatiale Saint Gilles et ce choix est un choix judicieux et gagnant pour le Festival et ses fidèles spectateurs.

Il se trouve que cette église a une acoustique* particulière et l’ensemble vocal Sequenza 9.3** sous la direction de Catherine Simonpietri a su en tirer l’essentielle substance de sa nature pour magnifier les voix qui composent cet ensemble grâce à un programme méticuleusement choisi et intelligemment construit.

Sous l’intitulé "Voix sacrées en bord de Loire", les pièces sélectionnées offrent un cheminement dans la liturgie et une voie vers la rédemption, à tout le moins vers une élévation glorieuse et jubilatoire.


Festival de la Chaise-Dieu - Chamalières-sur-Loire - Photo: lfdd


Alors que l’année précédente (voir le billet du 25 août 2017) le choix programmatique fut un parcours de la source de la Loire à son embouchure, en suivant les compositeurs, cette année, Catherine Simonpietri a emmené les participants de ce concert à une découverte – quelquefois déconcertante – de la musique polyphonique de la Renaissance à des compositeurs plus contemporains, pour ne pas dire jeunes puisque nés dans les années 70, en tissant une trame de liturgie entrelacée mais très orthodoxe dans la succession des pièces, toutes a capella.

C’est Eric Tanguy (né en 1968) avec un Salve Regina grégorien revisité pour trois voix d’hommes, au centre du choeur  qui ouvre la cérémonie, sobre et calme, mais déjà avec quelques élévations. 
Il est suivi d’un Kyrie de la Missa Mille Regretz, messe-parodique sur la base de la chanson polyphonique de Josquin des Prés composé par Christobal de Morales (1500 – 1553). Le choeur de six voix mixtes interprète ces variations complexes enrichies de contrechants et leurs voix s’entremêlent et glissent les unes sur les autres.
Le pur poème Abendlied qui suit, a été composé par Josef Rheinberger (1839-1901) à 15 ans à la cour du roi Louis II de Bavière.

Bleib bei uns, denn es will Abend werden
Und der Tag hat sich geneiget.   Luc 27, 29
Reste avec nous, car le soir approche
Et déjà le jour baisse.   


Festival de la Chaise-Dieu - Chamalières-sur-Loire - Ensemble vocal Sequenza 9.3 - Photo: lfdd

Festival de la Chaise-Dieu - Chamalières-sur-Loire - Ensemble vocal Sequenza 9.3 - Photo: lfdd


Un autre Kyrie, celui de Ralph Vaughan Williams (1872 – 1958), de la Messe en sol mineur va voir les huit chanteurs quitter le choeur pour "encercler" d’une certaine manière les spectateurs, mais pour mieux les envoûter.
Le Plebs Angelica (1943) de Michael Tippett (1905 – 1998) également sous la forme d’un double chœur, cette fois séparé à droite et à l’avant, revisite l’hymne médiévale latine avec force et puissance.
Le norvégien Ola Gjeilo (1978) avec Northern Lights pour huit voix mixtes va nous proposer un poème du Cantique des Cantiques suave et doux, onctueux qui va révéler toute l’acoustique particulière du choeur de cette église Saint-Gilles. Et la magnifique interprétation de l’ensemble vocal Sequenaza 9.3 va nous faire entendre des sons qui durent et durent... alors que les chanteurs se sont tus.

Northern Lights
Tu es belle, mon amie, fille de Jérusalem douce et fraîche,
Redoutable comme des troupes déployées.
Détourne de moi tes yeux
Car ils m’ont déjà vaincu.


Festival de la Chaise-Dieu - Chamalières-sur-Loire - Ensemble vocal Sequenza 9.3 - Photo: lfdd


Le Laudate Pueri de Guillaume Connesson (1970 - ) pour six voix mixtes va également nous permettre d’entendre de magnifiques voix avec des accumulations, répétitions et une montée en tension merveilleuse.
Ces figures se continuent avec le retour de Christobal de Morales et le Sanctus de la Missa Mille Regretz, puis le Crucifixius (1718) pour huit voix mixtes du vénitien Antonio Lotti (1667 – 1740). La pièce est sombre et courte mais très belle : 
Crucifié pour nous / sous Ponce Pilate / Il fut mis au tombeau.

Le Grand Pater Noster (2012) de Chistopher Looten, compositeur Français né en 1958, l’oeuvre la plus récente du répertoire fut aussi une de celles qui a le plus impressionné le public. Après une attaque par les aigus avec les voix sopranes, les basses rejoignent la prière qui tourne et se répète, comme des voix qui seraient  reprises en choeur par des anges au sommet du cul-de-four de la coupole dans une élévation mystique. Le mystère – et la communion oeucuménique - de cette prière sont renforcés par les multiples langues dans lesquelles les interprètes chantent ces paroles: Le texte latin de la pièce est entrecoupé d’éléments, mots ou phrases en grec, swahili, japonais et maori.
Mais le sommet – ou summum - de ce cheminement est atteint avec Christus vincit de James McMillan (1959 -) pour huit voix mixtes où les paroles, reprises en décalage glissent de gauche à droite du choeur, des sopranos vers les basses, dans des chevauchements et des dissonances. C’est une pièce où l’on aura pu admirer la qualité et la puissance des voix des chanteurs et des chanteuses, avec une magnifique prestation de la soprano Claudine Margely.
Ces envolées vers les aigus et la tension qui s’installe, de même que quelques passages de basse ont donné des frissons à plus d’un spectateur. 
Cette pièce virtuose a réussi à donner le meilleur des interprètes en tirant profit de l’acoustique unique de cette église exceptionnelle pour un résultat comme on l’a rarement entendu ici.

Christus vincit
Christus vincit
Christus regnat
Christus imperat
Alleluia ! 


Festival de la Chaise-Dieu - Chamalières-sur-Loire - Ensemble vocal Sequenza 9.3 - Photo: lfdd

Les saluts, enthousiastes et chaleureux, ont démontré que cette belle énergie, celle du lieu et des huit interprètes, toutes et tous impeccables et magnifiquement dirigés par Catherine Simonpietri ont su faire vibrer le coeur et le corps du public qui a eu droit à un Crucifixius en bis. L’occasion d’en apprécier à la réécoute la profondeur et la densité.

Ce fut encore un très beau concert dans le cadre de ce Festival de la Chaise-Dieu 2018, cette année, très ouvert sur des oeuvres contmporaines et dont les points forts étaient de hommages à Debussy et Couperin et dédié à Jean-Claude Malgoire décédé le 14 avril dernier et qui fut pendant quarante ans un compagnon actif et fidèle.

La Fleur du Dimanche


L'ensemble Sequenza 9.3 sous la direction de Catherine Simonpietri est composé pour ce concert de:
lène Richer et Claudine Margely - sopranos, 
Sarah Breton et Marie-Georges Monet - altos, 
Steve Zheng et Pascale Bourgeois - ténors 
Cyrille Gautreau et Xavier Margueritat - basses.



* une trentaine d'échéas - vases en terre à fond cônique ou plat - fixés dans la coupole du choeur font effet de caisse de résonnance, ce qui donne à cette église son acoustique très particulière.

** L'ensemble Sequenza 9.3 présentera à Reims, en plein air le 31 août à Caen et le 17 octobre au Manège de Reims un spectacle mixte opéra-cirque-théatre "Kafka dans les villes" sur une musique de Philippe Hersant
Texte de Franz Kafka : Premier Chagrin et extraits du
Journal, Le Jeûneur, La Métamorphose, Derniers Cahiers
Traductions de Jean-François Peyret,
Robert Kahn, Claude David, Marthe Robert, Catherine Billman
Composition musicale : Philippe Hersant
Conception et mise en scène :
Elise Vigier et Frédérique Loliée
Mise en corps et en cirque : Gaëtan Levêque
Direction musicale : Catherine Simonpietri
Dramaturgie : Leslie Kaplan

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