mardi 17 octobre 2017

Le Pays Lointain de Jean-Luc Lagarce: Où l'on convoque les fantômes

L'on a coutume de dire que quand on est sur le point de mourir, on revoit sa vie qui défile devant ses yeux en quelques secondes.
Pour la pièce Le Pays Lointain, de Jean-Luc Lagarce, Louis, qui sait qu'il va mourir, va faire défiler, non en quelques secondes ou quelques minutes, mais en plus de trois heures quelques figures de personnes proches, la famille et ses amis, qui ont marqué sa vie. Et le temps passe et l'on s'embarque dans ce dernier voyage immobile et l'on revoit sa vie, à l'occasion de sa dernière visite à sa famille.

Cela commence par un prologue où Louis - magistral Loïc Corbery de la Comédie Française - , "De longue date" l'ami qui lui est attaché - Vincent Dissez, artiste associé au TNS, et "L'Amant mort déjà",  juvénile Louis Berthélémy, peu à peu mettent en place la règle du jeu et les personnages qui arrivent sur scène et qui vont être présentés ou se présentent pour que nous ne perdions pas le fil: d'un côté les amis, ceux qu'on a déjà cité et Hélène, Clémence Boué, "Un garçon, tous les garçons", Françis Nambot qui va, dans une séance de "revue des photos souvenir" incarner les amours multiples de Louis, et "Le Guerrier, tous les guerriers", Daniel San Pedro.

Et puis, la famille, celle qu'il a fui et où il revient pour annoncer sa mort prochaine, mais qu'il n'arrivera pas à énoncer. La famille, donc, sa mère, élégante et délicate Nada Strancar, son père, mort lui aussi, mais jeune, Stanley Weber, sa soeur, Suzanne, Audrey Bonnet, autre familière et associée du TNS qui ici incarne à merveille cette soeur à fleur de peau, son frère, Antoine, Guillaume Ravoire et sa femme Catherine, Aymeline Alix.

Le Pays Lointain - Jean-Luc Lagarce - Clément Hervieu-Léger - Photo: Jean-Louis Fernandez


Le texte de Jean-Luc Lagarce, son vocabulaire tournoyant qui se cherche, se répète en se précisant fonctionne bien à l'image de (des) personnage(s) -  peut-être un peu moins avec la belle-soeur - parce que ces gens-là doutent.... Et n'osent pas dire ce qu'ils ont sur le coeur. Parce la pièce joue effectivement sur tout le non-dit et sur l'impossibilité de dire (concrètement on dit "tourner autour du pot"). Mais cela convient parfaitement au personnage de Léon qui vient pour ne pas dire, parce qu'il a peur? de quoi? parce qu'il n'ose pas? Parce qu'en fait, pour lui, il est impossible de "dire". 
Comme le souligne Clément Hervieux-Léger, le metteur en scène: "Pourquoi redire? Pour affirmer? Cacher? Etre sûr d'être compris ou, à l'inverse, s'éloigner du coeur du discours?"
...  "La question de l'engagement dans les mots, dans la vie, est au coeur de toutes les oeuvres que j'ai mises en scène."

Le Pays Lointain - Jean-Luc Lagarce - Clément Hervieu-Léger - Photo: Jean-Louis Fernandez


Mais la magie du théâtre, c'est que tout est dit quand même... Et de quelle belle manière. En fait la pièce va beaucoup plus loin que du théâtre. Alors que nous sommes dans un dispositif qui ressemble à une tragédie antique avec le choeur qui reprend en écho le cours de la vie contée par Louis, le dispositif du récit - et la scénographie et la lumière y participent - va plutôt dans un univers cinématographique avec des plans, des séquences, des coupes, des zooms, des changements de personnages que l'on conçoit plus facilement dans un film que sur un plateau de théâtre. La narration ou l'action passe d'un personnage à l'autre ou d'un groupe à un autre, ou même d'un temps, d'une époque à une autre dans une dynamique étorudissante et enroulante.  La mise en scène très intelligente et fluide nous fait passer d'un personnage et d'un récit à un autre dans une continuité toute en rupture, alors que tous les personnages sont constamment sur scène.... Et ce long fleuve de la vie qui grossit et qui va finalement gronder se dessine devant nos yeux dans un flot de paroles et un déferlement d'épisodes et de personnages qui nous submergent tout au long de la pièce.... Mieux que du cinéma !






La Fleur du Dimanche 

LE PAYS LOINTAIN

CRÉATION AU TNS le 26 septembre
jusqu'au 13 octobre 2017

Tournée
Scène Nationale d’Albi:  17-18 oct 2017
Théâtre de Cornouaille - Scène Nationale de Quimper: 20-21 nov 2017
Célestins - Théâtre de Lyon: 24-28 avril 2018
Théâtre de Caen: 15-16 mai 2018
L’Arsenal - Val de Reuil: 18 mai 2018
L’Entracte - Scène Conventionnée de Sablé sur Sarthe: 22 mai 2018

Châteauvallon - Scène Nationale: 25-26 mai 2018

COPRODUCTION

Texte Jean-Luc Lagarce
Mise en scène Clément Hervieu-Léger
Avec Aymeline Alix, Louis Berthélemy, Audrey Bonnet, Clémence Boué, Loïc Corbery de la Comédie-Française, Vincent Dissez, François Nambot, Guillaume Ravoire, Daniel San Pedro, Nada Strancar, Stanley Weber

Collaboration artistique Frédérique Plain
Musique Pascal Sangla
Scénographie Aurélie Maestre
Costumes Caroline de Vivaise
Lumière Bertrand Couderc
Son Jean-Luc Ristord

Production Compagnie des Petits Champs
Coproduction Théâtre National de Strasbourg, Théâtre de Caen, Châteauvallon - Scène nationale, Célestins - Théâtre de Lyon, Scène nationale d’Albi, L’Entracte - Scène conventionnée de Sablé sur Sarthe

Audrey Bonnet et Vincent Dissez sont artistes associés au TNS
Le décor et les costumes sont réalisés par les ateliers du TNS
Le texte est publié aux éditions Les Solitaires Intempestifs

La Compagnie des Petits Champs est conventionnée par la DRAC Normandie, le ministère de la Culture et de la Communication et reçoit le soutien de la Région Normandie, du Département de l’Eure et de l’Odia-Normandie


Création le 26 septembre 2017 au Théâtre National de Strasbourg

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