jeudi 9 avril 2015

Théâtre au TNS: Z : l'Histoire de A... à Aujourd'hui !

Z, vous en avez entendu parler, vous avez peut-être vu le célèbre film de Costa-Gavras ou lu (eh oui !) le livre que Vassilis Vassilikos a écrit en quelques semaines en 1966 - une urgence pour l'auteur ?
L'histoire, c'est celle de l'assassinat du député Grigoris Lambrakis à Thessalonique en 1963 et l'enquête et le procès qui s'ensuivirent, menant à des condamnation à des peines assez faibles. Les coupables furent d'ailleurs amnistiées après le coup d’État du 21 avril 1967.

Ces jours-ci - et jusqu'au 14 avril - Z nous arrive au TNS à Strasbourg sous la forme d'une pièce de théâtre mise en scène par Effi Theodorou. La pièce qui avait été créée le 20 septembre 2012 et reprise le 20 septembre 2013 au Théâtre National de Grèce nous vient donc à Strasbourg, signe de vie de ce pays.
Elle est en grec surtitré, mais je vous incite vivement à aller la voir parce que même avec des sous-titres, la pièce est d'une vie et d'un dynamisme incroyable.


TNS - Z - mise en scène: Effi Theodorou- Photo: Myrto APOSTOLIDOU

D'une part, c'est une vraie enquête policière - le mot "histoire" ne signifiait-il pas enquête en grec à l'origine. Et cette enquête va enclencher tous les ressorts du suspense et de la tension. 
On dirait un vrai film policier, qui va même chercher du côté du dessin animé (la séquence du triporteur).
Le texte également joue sur des registres variés: poésie, texte politique, lettre d'amour d'une femme à son mari qui lui manque, reconstitution de procès, burlesque, danse et musique. La pièce est un grand collage et un drame choral qui ne vous laisse pas de répit. La troupe fait passer une dynamique formidable dans une mise en scène qui réinvente les éléments d'un décor ultra-simple: une large table qui se transforme en bar, rue, lit, estrade, tribunal, rien que par la magie du jeu. Et les comédiens sautent d'un rôle à l'autre par un détail de costume et d'attitude. 
On se croirait à certains moments dans un film en cinémascope de Téo Angelopoulos.


TNS - Z - mise en scène: Effi Theodorou- Photo: Myrto APOSTOLIDOU

La mise en scène d'Effi Theodorou, où l'on sent souffler la veine d'Antoine Vitez, nous rapproche des personnages historiques, avec les comédiens devant nous, qui portent la voix des modèles du passé et qui sont soutenus par un choeur de comédiens que l'on sent "soudés" dans cette aventure et qui rappellent les choeurs antiques et universels. 
D'autant plus que cette "Histoire" n'est jamais finie - En 2013, deux jours avant la reprise de la pièce à Athènes, Pavlos Fryssas, rappeur antifasciste fut tué par un néonazi. 

Hier, aujourd'hui, demain... La pièce Z interroge le temps et l'histoire, et la déroule devant nous en la rejouant pour ne pas oublier...

Comme le disait René Char, cité dans le livret du spectacle:
"Certains jours, il ne faut pas craindre de nommer les choses impossibles à décrire.
La parole soulève plus de terre que le fossoyeur ne le peut."

Mais quelle parole ?
Dans le même livret est cité une interview de Michel Jobert qui dit (dans un film documentaire de Chris Marker): 
"Vous savez, l'homme politique, de façon plus subtile, il joue sur le quotidien. Quand il fait une déclaration, il la fait à un certain endroit, dans une certaine perspective. Il sait très bien qu'il exagère un petit peu. (....) Il le sait, mais il sait aussi qu'il faut dire les choses pour aujourd'hui. Une déclaration des hommes politiques, c'est comme les oeufs. Ils sont du jour ou ils ne sont pas du jour. Alors, l'idéal, c'est que les déclarations soient du jour, à consommer sous les trois jours. Pourquoi je dis trois jours, parce que'au bout de trois jours, tout est oublié."

Alors, n'oublions pas...  
Z vit !  


Bon spectacle

La Fleur du Dimanche 

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