Tout a commencé pour Koen Augustinen par une superproduction lyrique, qu'il a mis en scène en 2022, un pièce avec 13 musiciens, deux danseurs et six chanteurs, une version grand concert baroque sur le thème des amours tragiques. D'une part Il combatimento di Tancredi e Clorinda et d'autre part Orfeo, deux récits sur des amours funestes. Il Combatimento qui raconte la lutte à mort de deux amants de religions différentes qui se battent sans se reconnaitre, sauf à la fin, à la mort de l'aimée. Et pour le mythe d'Orphée, l'histoire est connue de cet amant qui va aux enfers rechercher son épouse Eurydice, morte le jour de ses noces, mordue par un serpent, et qu'il perd définitivement en jetant en arrière un regard sur elle quand ils remontent du royaume d'Hades.
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| Amours Aveugles - Koen Augustijnen - Rosalba Torres Guerrero - Photo: Danny Willems |
Ces deux pièces mettent en jeu des couples dont les amours sont contrariées, par le jeu du regard. La première dévoilant l'erreur funeste de leur lutte dans l'ignorance de leur identité sous l'anonymat du casque. La seconde révélant l'impatience d'Orphée, bravant l'interdit d'Hadès. Mais ce sont surtout des relations au corps, entre affrontement et désir qui sont à l'oeuvre et qui se révèlent magnifiquement sur scène dans cette version Amours Aveugles "resserrée" recréée avec deux formidables musiciens Philippe Thuriot et Gwen Cresens.
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| Amours Aveugles - Koen Augustijnen - Rosalba Torres Guerrero - Photo: Danny Willems |
Avec leurs accordéons - et quelquefois à l'harmonica - ils enchantent les airs de Monteverdi et d'autres musiciens baroques, adaptant au son de leur instrument à soufflet les basses continues qui font un tapis sonore aux merveilleuses broderies qui montent quelquefois dans des suraigus extraordinaires. Mais ils arrivent aussi à casser les codes, à changer de registre, à passer d'un air de tango à une sorte de blues désespéré ou à des variations qui lorgnent du côté de la musique contemporaine. Le résultat est stupéfiant et ils accompagnent à merveille les deux chanteurs, Liesbeth Devos et Matthew Long qui incarnent avec leur voix magnifique les deux héros de ces deux fables ainsi que, pour Matthew Long le narrateur du Combat de Tancrede et Clorinde.
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| Amours Aveugles - Koen Augustijnen - Rosalba Torres Guerrero - Photo: Danny Willems |
La soprano et le ténor ne se contentent pas de chanter, ils font également un écho dansant aux deux danseurs dans une très belle unité, allant jusqu'à intégrer quelquefois le troisième duo, les musiciens qui, grâce à leur fauteuil à roulette tournoient sur scène et participent ainsi au débordement d'énergie qui irrigue la scène. Pour le Combat de Tancrede et Clorinde, cette énergie arrive doucement, la pièce commençant par une introduction, présentation du contexte et des personnages, le chrétien et la belle musulmane, poussés sur la scène par un rayon de lumière.
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| Amours Aveugles - Koen Augustijnen - Rosalba Torres Guerrero - Photo: Danny Willems |
Les costumes (création d'Eleni Ellada Damianou) sont magnifiques, surtout la "robe de cheveux" de Clorinde (créée par pour Rosalba Torres Guerrero pour la pièce Pénombre). Pour le "combat", la chorégraphie (co-signée par Koen Augustijnen et les deux interprètes pour la création du spectacle Rosalba Torres Guerrero et Elie Tass - remplacés ici par Meritxell Checa et Nicola Manzoni) bascule entres des épisodes de combat (approches, esquives, chocs, corps-à-corps,..) où la puissance des deux corps se confrontent et des moments d'échange où les deux adversaires s'observent, se toisent et s'invectivent et où les gestes se déplacent plutôt vers le haut du corps, avec les bras qui parlent, comme un langage de signes ou du pantomime. Les gestuelles des deux danseurs sont magnifiques, lui plus dans une force un peu contenue, elle dans des lancers de pointes de pied magnifiques tels des flèches décochées à l'ennemi. Leur duo entre dans une tension sensuelle, presque sexuelle, dont le climax n'est pas une petite mort, mais une vraie, définitive et funeste.
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| Amours Aveugles - Koen Augustijnen - Rosalba Torres Guerrero - Photo: Danny Willems |
Un changement de costume, agrémenté d'un inventif interlude musical et qui voit Nicola Manzoni arriver dans un costume plus moderne, coloré, presque "sportif" et Meritxell Checa arborer une très belle robe noir doublée de rouge qui valorise son dos (ah quel dos) et ses jambes fines (ah ces jambes graciles!) et nous voilà parti pour l'histoire ponctuée de différents airs qui éclairent les tableaux de l'histoire d'amour tragique de ces deux amants. La chorégraphie est aussi variée que les choix musicaux, on y danse l'amour, le désir, l'abandon, le plaisir des corps, et puis la douleur e la perte, les retrouvailles et le désespoir final qui tombe dans un noir brutal. Les deux danseurs se cherchent, se trouvent, dans des duos sublimes avec en écho, les deux chanteurs qui bougent très bien (la soprano Lisbeth Devos a aussi été danseuse).
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| Amours Aveugles - Koen Augustijnen - Rosalba Torres Guerrero - Photo: Danny Willems |
L'émotion dramatique ou sensuelle déborde du plateau, et quand Orphée se retrouve seul face à lui-même dans cette merveilleuse idée de dramaturgie avec son double chanteur le désespoir devient tangible. On se dit que cette forme "ramassée", proche de nous, presqu'intime était une très bonne idée dramatique et que sous cette configuration, avec ces six interprètes nous ne sommes que plus touchés par ce destin qui fait que l'amour qu'il peuvent se porter, aussi fort soit-il ne peut que leur nuire.
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| Amours Aveugles - Koen Augustijnen - Rosalba Torres Guerrero - Photo: Danny Willems |
Et nous, nous bouleverser au plus profond de notre âme et de notre corps. Une sorte de catharsis, une expérience poignante.
La Fleur du Dimanche
A Pôle Sud le 4 et le 5 décembre 2025 - Abonnement Parcours Danse
Danse : Meritxell Checa et Nicola Manzoni
Compositions musicales : Claudio Monteverdi, Luigi Rosso, Marco Ucellini, Antonio Sortorio, Girolamo Frescobaldi
Musique live : Philippe Thuriot (accordéon) et Gwen Cresens (accordéon)
Chants : Liesbeth Devos (soprane) et Matthew Long (ténor)
Dramaturgie : Dirk Verstockt
Création costumes : Eleni Ellada Damianou (en collaboration avec Chiara Mazzarollo), Peggy Housset
Création costume de cheveux : Sara Judice de Menezes
Création lumière : Helmut Van den Meersschaut
Assistance à la création lumière : Seppe Brouckaert
Conduite : Helmut Van den Meersschaut/Sarah Feyen
Gestion générale : Herwig Onghena
Gestion production, tournée et administration : Nicole Petit
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Production : Siamese Cie/GLOED asbl
Coproduction : Mars Mons – Arts de la Scène, Charleroi Danse – centre chorégraphique Wallonie Bruxelles, Château rouge – SC Annemasse, Théâtre de Cornouaille Quimper, Espaces Pluriels Pau et De Munt/La Monnaie Bruxelles.
Avec le support du Gouvernement Flamand – Culture, la mesure du Tax Shelter du Gouvernement Fédérale belge, via Flanders Tax Shelter et la DRAC Auvergne-Rhône-Alpes.
Remerciements à Gerardus De Swerts, laGeste Gand, CC De Factorij Zaventem, La Raffinerie/Charleroi Danse.







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