L'idée directrice de la pièce de Racine Andromaque peut se résumer à cette phrase: "Oreste aime Hermione, qui aime Pyrrhus, qui aime Andromaque, qui aime son fils Astyanax tout en restant fidèle au souvenir de son mari, Hector, qui est mort, tué par Achille à Troie".
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| TNS - Andromaque - Racine - Stéphane Braunschweig - Photo: Juline Gosselin |
Cela pourrait ressembler à un triangle amoureux à six côtés, un genre de Feydeau de 1667, mais sur scène, c'est plutôt un cercle allongé, une mare sanglante qui dessine une sorte de cercle vicieux dans lequel apparaissent des reliques d'un affrontement: deux chaises au sol autour d'un table, rappelant symboliquement les morts d'Hector et de son frère Polydor ou, comme dans un long flash-back, le constat qu'Oreste fait à la fin de la pièce:
Où sont ces deux amants ? Pour couronner ma joie,
Dans leur sang, dans le mien, il faut que je me noie :
L'un et l'autre en mourant je les veux regarder.
Réunissons trois coeurs qui n'ont pu s'accorder
Car Andromaque c'est effectivement une tragédie, la troisième de Jean Racine que présente ici au TNS Stéphane Braunschweig et non une comédie, genre vaudeville. L'atmosphère y est sombre, le plateau noir et son miroir rouge sang marque le foyer des passions et des affrontements, même si tous les morts se passent hors champ et sont l'objet de récits terribles - par Oreste par exemple pour ce qui est de la mort de Pyrrhus, dont il voulait se charger et que les Romains ont exécuté par anticipation, ou celle d'Hermione, par passion amoureuse, et que conte le confident d'Oreste, Pylade pour asséner à celui-ci le coup fatal dans son malheur.
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| TNS - Andromaque - Racine - Stéphane Braunschweig - Photo: Juline Gosselin |
Le noir du décor - et des costumes - se marie au rouge pour rappeler les temps funestes de ces combats sans fin - la Guerre de Troie est proche- de même que les passions et les haines qui sous-tendent les relations entre ces personnages. Et les robes blanches que portent successivement les deux candidates au mariage de Pyrrhus ne vont pas rester vierges. Les amours contrariées, tortueuses, les revirements et les raisonnements tourmentés, les négociations sont légion dans la déroulement de ces drames, dont les éléments et les protagonistes sont positionnés dans de longues tirades en alexandrin (limpides peut-être mais complexes) et où les personnages que l'on essaye d'identifier sont annoncés à leur entrée comme par un aboyeur, pour nous aider à démêler ces relations complexes et variables faites de volte-faces et de retournements.
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| TNS - Andromaque - Racine - Stéphane Braunschweig - Photo: Juline Gosselin |
Les liaisons sont changeantes, les caractères versatiles et les alliances fragiles. La pièce est une grande démonstration d'instabilité et de doutes. Les stratégies amènent à des impasses si ce n'est des angles morts. Et souvent les confrontations sont passionnées ou violentes, si cette violence ne découle pas aussi d'une fin de non-recevoir. Les sentiments sont exacerbés et le lac de larmes dans lequel se jettent et Hermione, et Pyrrhus sont à l'image de l'instabilité qui gouverne ces relations et de la versatilité des conduites et les révélations successives, que ce soit de Pyrrhus ou d'Andromaque. Et qui les obligent tous à naviguer avec ces éléments sur cette mer houleuse.
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| TNS - Andromaque - Racine - Stéphane Braunschweig - Photo: Juline Gosselin |
Ainsi, entre amour, jalousie, trahison, remords, souffrance et folie, nous assistons à la dérive de personnages dont le destin semble dicté par une histoire de feu et de sang, une malédiction qui les dépasse dans une période barbare et dévastée, dont ne surnagent que des ruines. Et les interprètes, de leur fureur contenue, nous font passe par ces affres pour nous amener dans ce qui pourrait faire office d'enfer, où les spectres viennent hanter les vivants et où l'on demande aux "filles d'enfer":
Pour qui sont ces serpents qui sifflent sur vos têtes ?
Sauvons. nous !
La Fleur du Dimanche
Au TNS du 3 au 19 décembre 2026
[Mise en scène et scénographie] Stéphane Braunschweig
[Avec]
Jean-Baptiste Anoumon, Bénédicte Cerutti, Thomas Condemine, Alexandre Pallu, Chloé Rejon, Anne-Laure Tondu, Jean -Philippe Vidal, Clémentine Vignais
[Collaboration artistique] Anne -Françoise Benhamou
[Collaboration à la scénographie] Alexandre de Dardel
[Costumes] Thibault Vancraenenbroeck
[Lumière] Marion Hewlett
[Son] Xavier Jacquot
[Coiffures et maquillage] Émilie Vuez
[Assistanat à la mise en scène] Aurélien Degrez
[Régie générale et plateau] Florentin Six
[Régie lumière] Romain Portolan
[Régie son] Adrien Michel
Diffusion Didier Juillard
Administration et production AlterMachine/ Elisabeth Le Coënt et Clémentine Schmitt
Production Odéon-Théâtre de l’Europe production déléguée : Compagnie Pour un moment
La compagnie Pour un moment est soutenue par le Ministère de la culture et de la communication
Avec le soutien de la Fondation Crédit Mutuel Alliance Fédérale pour les représentations surtitrées dans ta langue.





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