Assurément il y a une patte, une touche, un esprit Amala Dianor. Nous avions déjà pu le découvrir lors de ses spectacles à Pôle Sud - CDCN qui a soutenu son travail et lui a offert des résidences de création. Par exemple ce Quelque part au milieu de l'infini présenté lors d'Extradanse en 2017 mais aussi en 2019 où il a présenté coup sur coup The falling Stardust en janvier et Le Trait d'Union et Pas seulement (c'est le titre) en mars. Pour la première pièce, il s'est confronté à des danseurs classiques et pour les deux autres il a travaillé avec Sarah Cerneau et avec des interprètes régionaux venus plutôt du hip-hop. En 2022, il revient avec trois chorégraphes de trois pays d'Afrique pour Siguifin. C'est dire l'ouverture et l'éclectisme de ce chorégraphe qui, au départ, danseur hop-hop autodidacte qui s'est formé en 2000 au CNDC d'Angers et a été interprète pour de nombreux chorégraphes avant de fonder Kaplan sa compagnie en 2012. Pour le programme de ce soir à Pôle Sud, avec Man-Rec et M&M, il continue les rencontres et les confrontations.
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Pôle Sud - Wo-Man - Amala Dianor - Photo: Romain Tissot |
Rencontre, et fidélité, avec une jeune danseuse Nangaline Gomis qui, en 2018 lui avait demandé de pouvoir présenter au Conservatoire National Supérieur de danse de Lyon un extrait de Man-Rec, sa pièce autoportrait - le titre signifie "moi seulement " en wolof - qu'il a déjà montrée plus de cent fois dans le monde entier. Et, quatre ans après, en guise de transmission, il offre à Nangaline Gomis cette nouvelle création, Wo-Man, versant féminin de ce portrait multiple. C'est donc ce corps jeune, souple, lascif qui habite totalement cette nouvelle chorégraphie, qui s'installe sur la plateau. Vêtue sobrement d'un pantalon et d'une brassière bleu très chic qui s'attache à mettre le corps en avant, elle habite l'espace, changeant de place, sous les éclairages variables de Nicolas Tallec, un fidèle de l'équipe, tout comme Awir Leon qui compose une bande son qui porte les mouvements du corps.
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Pôle Sud - Wo-Man - Amala Dianor - Photo: Romain Tissot |
Entre torsions du buste, levers des mains, enroulements, dans une belle concentration, une présence dense, Nangaline Gomis occupe le plateau de ses personnalités multiples. Alternant enchainements d'une grâce féline et ruptures brusques, elle offre un portrait peuplé de réminiscences multiples, dont certaines ancestrales. Et c'est un très beau cadeau qu'Amala Dianor a ainsi fait à Nangaline Gomis, cadeau qu'elle nous transmet et que nous acceptons avec plaisir et gratitude.
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Pôle Sud - M&M - Amala Dianor - Photo: Streetshuman |
En deuxième partie, avec M&M, titre qui pourrait être un clin d'oeil humoristique et gourmand, référence à Marion (Alzieu) et Mwendwa (Marchand), un duo de styles dont Amala Dianor tire les ficelles. Un peu comme à son habitude, il interroge ici et fait se rencontrer des cultures, des pratiques et des expériences qui vont se confronter, s'enrichir ou s'opposer. D'un côté Marion Alzieu qui depuis toute petite se rêvait faire de la danse et qui s'est intéressée à pas mal de courants entre la post-moderne danse et les chorégraphes africains, dont Salia Sanou et bien sûr Amala Dianor. Elle a fondé sa compagnie MA' (référence à elle-même - tiens Man? - et à la philosophie japonaise) en 2014 après la création de son premier spectacle Ceci n'est pas une femme blanche. Tout comme pour son autre pièce Si c’est une fille, elle interroge la place de la femme sur scène, elle transmet ce message de force aux autres femmes et jeunes filles. Et cela tombe bien, elle se retrouve ici face à Mwendwa Marchand, dont le parcours, débuté par une pratique du DanceHall, un style de danse venu de Jamaïque et plutôt populaire qui se dansait dans la rue, avec de l'électro fort, et des danses afro, puis qui s'est frottée au techniques académiques et contemporaines. Son style est plus intériorisé, plus habité. Elle laisse son corps s'imprégner du rythme et la musique, ici une bande son beaucoup plus techno avec des battements de basses qui pulsent et font le lit des variations mélodiques, toujours par Awir Leon, s'empare littéralement de ses mouvements.
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Pôle Sud - M&M - Amala Dianor - Photo: Streetshuman |
Du côté de Marion Alzieu, nous avons un langage beaucoup plus codé, presque écrit, calculé, précis bien sûr, avec quelques réminiscences de classique. Une gestuelle impeccable, nette et élégante, pointant le ciel, ou l'horizon, traçant les limites du corps et tournoyant quelquefois, rebondissant après des passages au sol. Les deux femmes dialoguent bien sûr, se répondent, s'offrent des duo synchrones, un peu surprenants avec cette différence de gestuelle, des regards qui se cherchent et quelquefois, une sorte de symbiose, quand, de dos, leurs bras écartés, comme deux oiseaux qui rêvent de s'envoler, elles cherchent l'horizon sans se toucher. Une confrontation intéressante qui interroge la danse et son avenir. En somme, pour Amalia Dianor, toujours cette question de la confrontation des styles, des cultures, des expériences, des vécus qui s'enrichissent dans la rencontre.
La Fleur du Dimanche
Chorégraphie : Amala Dianor
Musique : Awir Léon
Interprétation : Nangaline Gomis
Lumières et régie générale : Nicolas Tallec
Régie lumière : Agathe Geffroy
Costume : Laurence Chalou
Direction déléguée : Mélanie Roger
Production : Lucie Jeannenot
M&M – Marion & Mwendwa
Chorégraphie : Amala Dianor
Musique : Awir Leon
Interprétation : Marion Alzieu et Mwendwa Marchand
Lumières : Nicolas Tallec
Costumes : En cours
Direction déléguée : Mélanie Roger
Production : Lucie Jeannenot
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Wo-man
Production : Cie Amala Dianor I Kaplan
Coproduction : Théâtre de la Ville, Paris ; Les Quinconces et L’espal scène nationale le Mans ; Maison de la Danse de Lyon ; Touka Danses, CDCN Guyane ; Bonlieu Annecy scène nationale
Avec le soutien de : État – DRAC Pays de la Loire ; Ville d’Angers
Résidence : Théâtre Chabrol, Angers
M&M – Marion & Mwendwa
Production : Cie Amala Dianor I Kaplan
Résidence : Cndc-Angers
Kaplan I Cie Amala Dianor est conventionnée par l’Etat-DRAC Pays de la Loire, la Région Pays de la Loire et la Ville d’Angers. La Cie Amala Dianor est régulièrement soutenue dans ses projets par l’Institut Français et L’ONDA. La Cie bénéficie du soutien de la Fondation BNP Paribas depuis 2020. Amala Dianor est actuellement associé à Touka Danses, CDC de Guyane (2021-2024), au Théâtre de Macon, scène nationale (2023-2025).
La Cie Amala Dianor est régulièrement soutenue dans ses projets par l’Institut Français et L’ONDA.
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