samedi 1 juillet 2023

Pina Bausch au Festival Montpellier Danse: Palermo Palermo - Danser sur les ruines

 Avec Palermo Palermo de Pina Bausch, le Festival Montpellier Danse continue sur sa thématique de la mémoire, en permettant la reprise de cette pièce iconique, une des premières que Pina a créée avec sa troupe en résidence dans une ville hors d'Allemagne, en l'occurrence en Sicile. L'immense mur qui s'effondre dès le début, difficilement appréhendable tout d'abord, et qui par la suite va remplir une grande majorité de la surface de la scène est à la fois préscience d'un autre mur tombé, lui, à Berlin, et de cet effondrement que nous prédisent aujourd'hui les climatologues et les scientifiques et, par contagion, de plus en plus de monde.


Palermo Palermo - Pina Bausch - Evangelos Rodoulis


Ce sera donc ce tapis de ruines que vont traverser, occuper, habiter les vingt-cinq danseuses et danseurs, plus souvent dans de multiples saynètes à petit effectif que dans de grands mouvements d'ensemble. Les mouvements de masse seront plutôt de grandes traversées genre processions hiératiques et solennelles, rythmées par des airs de musique solennels et cérémonieux. La musique est bien présente dans cette pièce, curieusement souvent lointaine et discrète, comme pour ces airs américains des années 1930 que Pina affectionne et qui sont l'occasion de courtes saynettes absurdes ou légèrement surréalistes qui se répètent ou se succèdent sans fin. Des cloches également, discrètes mais aussi quelquefois plus fortes et tonitruantes ponctuent le déroulement de la pièce. 


Palermo Palermo - Pina Bausch - Photo: Oliver Look


La scène est découpée en plusieurs espaces, dont un espace plus privé sur l'avant jardin, et l'espace de la représentation est plutôt sur la ligne de démarcation du mur ou à l'avant de celui-ci pour toute cette galerie de portraits ou de situations ironiques ou critiques (comme par exemple cet énorme sac rempli de pièces de monnaie qui sera déversé par terre (la Cosa Nostra n'est pas loin), ou cette femme lapidée aux tomates ou les objets "canardés" sur une table, ou les oeufs au plat sur fer à repasser, ou cet essayage de chaussures surréaliste. Bien sûr, les scènes d'ensemble sont toujours émouvantes et tout ce beau monde s'évertue à transformer la scène en une véritable décharge jusqu'à l'entracte qui est annoncé quand les équipes sont en train de mettre un peu d'ordre dans cet amas de parpaings accumulés (encore que leur chute est restée très ordonnée).  


Palermo Palermo - Pina Bausch - Photo: Oliver Look


L'arrière de cette énorme scène est bien sûr valorisé pour cette superproduction, surtout pour une scène de bain onirique dans la deuxième partie de la pièce. Cette section voit les choses et les situations traitées de manière un peu plus désuète et doucement ironique, avec nostalgie et rêverie, comme la scène avec une rangée de six pianos et les six pianistes qui, dos au public, répètent le même morceau classique - ou ce saxophoniste qui donne un concert intime et romantique aux chandelles. 

Tout cela se termine avec une métaphore censée couper court à la narration avec ce conte de Grimm que nous confie l'un des danseurs, celui des oies et du renard où, à l'heure où vous lisez ou écoutez l'histoire, les oies (du Capitole ?) caquettent encore. 

Mais l'on remercie Pina Bausch et sa troupe de nous emmener dans leur monde de contes à eux et de nous raconter à travers leurs histoires et leur danse cette vision du monde à la fois fantasmée et cruellement réaliste bourrée de fulgurances, sous-tendue de désirs et remplie d'images qui vont peupler nos souvenirs et nourrir notre fantaisie.


La Fleur du Dimanche


 

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