dimanche 3 juillet 2022

Isadora Duncan de Jérôme Bel aux Scènes Sauvages: La danse au sommet de la nature

 Le Festival des Scènes Sauvages qui irrigue depuis quelques années les hautes vallées de la Bruche avec une théâtre contemporain dans la proximité et la découverte. L'humain et la nature étant au programme de leur philosophie, le programme de cette année avec sept pièces ne pouvait que culminer avec la pièce de Jérôme Bel consacré à Isadora Duncan, une danseuse qui a mis la nature et l'homme au centre de ses préoccupations. Et c'est au Chenot, un site situé en pleine nature, après une petite marche d'approche hors du village de Wildersbach sur fond de ligne d'horizon de montagne que s'est déroulé la représentation. 


Scènes Sauvages - Isadora Duncan - Jérôme Bel - Elisabeth Schwartz - Photo: lfdd

Le spectacle est en fait la réactivation de cette danseuse du début du XXème siècle qui révolutionna la danse moderne par son portrait tracé par Jérôme Bel et interprété par Elisabeth Schwarz qui a appris les différentes chorégraphies (une quarantaine sur la centaine qu'a créées Isadora) auprès de sa fille adoptive Marie-Thérèse Duncan à New-York, qui avait alors 82 ans... La démarche de Jérôme Bel éminemment politique (et écologique aussi, il ne distribue pas de fiche de salle et, pour ce spectacle qu'il a créé avec le Festival d'Automne à Paris a vu la version américaine dansée par Catherine Gallant, créée à New-York en visioconférence) interroge la production, en particulier la confrontation d'une création passée dont il ne reste pas de trace - Isadora Duncan a refusé de voir filmé ses chorégraphies - avec la recréation et la transmission de ce geste artistique. Ainsi, le spectacle est-il à la fois une sorte de parcours biographique de sa vie familiale, personnelle, amoureuse et de création. Tout cela relié et intimement lié aux pièces présentées, elles aussi sous un aspect didactique, avec même une chorégraphie transmise aux spectateurs volontaires (et demandeurs) dans une répétition publique de leçon joyeuses et engageante. 


Scènes Sauvages - Isadora Duncan - Jérôme Bel - Elisabeth Schwartz - Photo: lfdd 

Ce va-et-vient entre la danse et ses explications sont un excellent moyen d'apprécier et de comprendre pleinement ce que l'on voit. Ainsi, la mode de la Grèce antique qui revient à la mode au début du XXème Siècle aux Etats-Unis explique à la fois le retour à nature de la danse d'Isadora, justifie les costumes qu'elle crée (des tuniques de soies courtes qui feront scandale à l'époque) et certains gestes inspirés des vases grecs vus dans les musées. Son amour de la nature et son attirance de l'Océan justifie son ballet Water Study, sur une valse de Schubert. L'inspiration est encore plus évidente lorsque Jérôme Bel nous révèle les "impressions" ou indications d'interprétation que  Marie-Thérèse Ducan utilisait pour transmettre la chorégraphie à Elisabeth Schwartz, à savoir les temes "ondulation, vague, ressac, suspension, éclaboussure, frappe contre les rochers, moutonne, flots,..". Le prélude N°1 de Chopin lui inspire une chorégraphie plus romantique où les indications sont plutôt de l'ordre du sentiment et de l'intériorité: "désirer, tendre vers, chercher, abandonner, le monde, accepter". Nous suivons le parcours de vie d'Isadora des Etats-Unis, avec une enfance artistique auprès de sa mère, que le père a abandonné, puis en Europe, Londres et Paris, où elle rencontre deux hommes (Gordon Craig, et Paris Singer, l'héritier des machines à coudre) qui lui donneront un enfant chacun. 


Scènes Sauvages - Isadora Duncan - Jérôme Bel - Elisabeth Schwartz - Photo: lfdd

Scènes Sauvages - Isadora Duncan - Jérôme Bel - Elisabeth Schwartz - Photo: lfdd

Scènes Sauvages - Isadora Duncan - Jérôme Bel - Elisabeth Schwartz - Photo: lfdd

Scènes Sauvages - Isadora Duncan - Jérôme Bel - Elisabeth Schwartz - Photo: lfdd

Scènes Sauvages - Isadora Duncan - Jérôme Bel - Elisabeth Schwartz - Photo: lfdd

Scènes Sauvages - Isadora Duncan - Jérôme Bel - Elisabeth Schwartz - Photo: lfdd

Ses amours sont la source de "Moment Musical" sur une pièce de Frantz Schubert, une danse joyeuse et pleine d'énergie guillerette qui lui vaut de la représenter plusieurs fois jusqu'à cinq ou six fois, lors de ses spectacles. Et nous, nous ne nous en lassons pas. La preuve, c'est celle que le public va pouvoir apprendre vers la fin du spectacle. La mort de ses deux enfants morts accidentellement noyés dans la Seine est sûrement à l'origine de la pièce "Mother" sur la 1ère étude de Scriabine. La Marseillaise (pièce dont il ne reste plus de trace) puis Revolutionary, sur l'étude 12 de Scriabine où elle montre l'exploitation des ouvriers et leur soulèvement, rendent compte de son engagement politique. Elle décide de s'installer à Moscou en 1922 et s'y marie avec le poète Sergueï Essénine mais leur relation houleuse se termine assez rapidement. Elle décède accidentellement le 17 septembre 1927 à Nice quand son foulard se prend dans la roue de la voiture de sport et la projette sur la chaussée. Mais ici, dans ce décor idyllique sur fond de montagne, la vie ne s'arrête pas et nous continuons de communier avec la danse et la pleine nature, grâce au talent et à la capacité d'incarnation d'Elisabeth Schwartz de cette danse qui en devient intemporelle tellement elle est intériorisée et intimement vécue. Isadora n'est pas morte, elle vit avec nous... et les Isadorables..


Le Fleur du Dimanche


Isadora

Concept, Jérôme Bel
Chorégraphie, Isadora Duncan
Avec Elisabeth Schwartz et, en alternance, Sheila Atala, Chiara Gallerani, Jérôme Bel
Conseil artistique et direction exécutive de R.B. Jérôme Bel, Rebecca Lasselin
Administration, Sandro Grando
Le Festival d’Automne à Paris est coproducteur de ce spectacle et le présente en coréalisation avec les Musées d’Orsay et de l’Orangerie, dans le cadre du cycle Danse dans les Nymphéas.
Production R.B. Jérôme Bel
Coproduction La Commune centre dramatique national d’Aubervilliers ; Les Spectacles vivants – Centre Pompidou (Paris) ; R.B. Jérôme Bel (Paris) ; Tanz im August – HAU Hebbel am Ufer (Berlin) ; BIT Teatergarasjen (Bergen) ; Festival d’Automne à Paris
Coréalisation Musées d’Orsay et de l’Orangerie (Paris) ; Festival d’Automne à Paris
Avec l’aide du CND Centre national de la danse (Pantin) dans le cadre de l’accueil en résidence, MC93 – Maison de la Culture de Seine-Saint-Denis (Bobigny), Ménagerie de Verre (Paris) dans le cadre de Studiolab, pour la mise à disposition de leurs espaces de répétitions
R.B. Jérôme Bel reçoit le soutien de la Direction régionale des affaires culturelles d'Île-de-France - Ministère de la Culture, de l'Institut Français - Ministère des Affaires Etrangères - pour ses tournées à l’étranger et de l'ONDA - Office National de Diffusion Artistique - pour ses tournées en France.

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