L'Alsace a une tradition de théâtre populaire de qualité bien ancrée dans sa culture. De Stosskopf à Germain Muller, le succès populaire n'a pas faibli et aujourd'hui encore, les troupes amateur qui jouent en alsacien mais également les nombreuses formations actives en français prouvent la vitalité de ce secteur.
Le théâtre institutionnel est bien vivant, les lieux sont nombreux et des tournées soutenues par la région, via l'ACA ou encore le succès des "revues" (les Scouts ou à la Choucrouterie) et l'ouverture de nouveau lieux (comme l'antenne du Théâtre parisien avec la "Scène de Strasbourg") témoignent de la rencontre de ces propositions avec le public (même si on peut regretter la fin du Cabaret Onirique après un an d'accostage aux Docks Malraux).
Du côté du la création dialectale contemporaine, le Théâtre du Lichtenberg ou du Kochersberg pour le Bas-Rhin donnent des rendez-vous réguliers. Et un des initiateurs du renouveau de l'engagement théâtral dialectal dans les années 1975 avec "D'Jung Elsaesser Buehn" dont les trois protagonistes sont encore actifs, Pierre Kretz, ayant quitté son précédent métiers pour devenir écrivain, propose régulièrement des textes pour le théâtre.
Après le magnifique "Gardien des âmes" en 2011, voici "Ich ben a beesi Frau" - "Je suis une méchante femme" qui a été créé en octobre au TAPS à Strasbourg et a fait une tournée entre Haut-Rhin et Bas-Rhin qui s'achève - provisoirement espérons-le - à Vendenheim au Pôle Culturel Le Diapason.
La pièce, récit de Thérèse Ulmer, formidablement interprétée par Francis Freyburger, nous conte (en Alsacien surtitré en Français) les déboires d'une femme à la deuxième moitié du XXème siècle, qui, ayant acquis un certaine "éducation" - elle était chez les soeurs - se trouve décalée en revenant dans son village avec un hiatus de communication ("Les imbéciles ne peuvent pas se rendre compte de leur état") et une vie contrainte par les traditions, et pire, l'agression dont elle devra se défendre au départ de sa vie de femme puis au quotidien.
Le théâtre, justement, lui servira d'échappatoire et de reconnaissance sociale, mais son rêve de concrétiser "La Visite de la Vieille Dame" de Friedrich Dürrenmatt, autant sur scène que dans la vie, sera la limite entre le spectacle et la vie.
Le thème est intelligemment traité, à la fois sur l'aspect théâtral - avec une scénographie et un décor sobre mais fort de Gérard Puel - mais également sur le plan des sentiments, de la critique sociale et de la narration qui oscille entre poésie et suspense.
Les questions sociétales (machisme, violence, poids des traditions et même homophobie latente) coulent de source dans un récit qui navigue entre confession intime, émotion et humour.
Il faut particulièrement saluer l'interprétation de Francis Freyburger qui incarne totalement cette langue alsacienne qui permet de d'exprimer des choses qui sont innommable dans une autre langue que celle vécue - et revécue sur scène - par ce personnage qui a l'étoffe d'une martyre, presque.
Courrez-y vite
La Fleur du Dimanche
"Ich ben a beesi Frau" - "Je suis une
méchante femme"
Vendenheim au Pôle Culturel Le Diapason.
11 et 12 avril 2019
Distribution
Avec : Françis Freybuger (jeu) et Daniel Muringer (musicien)
Mise en scène : Francis Freyburger
Collaboration à la mise en scène : Olivier Chapelet
Scénographie : Gérard Puel
Costumes : Mechthild Freyburger
Lumières : Stéphane Wolffer
Musiques : Daniel Muringer
Régisseur son : Olivier Songy
Chargée de production : Estelle Coupey
Visuel : Dan Stefan
Production Théâtre de la Cruelle, coproduction TAPS – Théâtre Actuel et Public de Strasbourg, avec le soutien de la DRAC Grand Est, de la Région Grand Est – Langues en Scène, le Conseil Départemental du Bas-Rhin, la Ville de Strasbourg
Le livre ""Ich ben a beesi Frau" - "Je suis une
méchante femme" a été édité par les éditions Tourneciel
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