jeudi 27 avril 2017

Le froid augmente la clarté au TNS: un rêve blanc dans une cave de souvenirs glacés

Claude Duparfait nous annonce la couleur dès le départ: ce sera un rêve blanc...


Le froid augmente avec la clarté - Thomas Bernhard - Claude Duparfait - TNS - Photo: Jean-Louis Fernandez


Et ce blanc va remettre en lumière deux épisodes de la vie de Thomas Bernhard, particulièrement fondateurs: son passage dans un institut national-socialiste à l'âge de treize ans puis dans une cave - magasin d'alimentation dans un faubourg de Salzbourg, "porte de l'enfer". Et curieusement nous passons avec lui d'un univers sombre et étriqué où trône le portrait d'Hitler (une mention à la discrète scénographie et au lumières de Gala Ognibene et de Benjamin Nesme) qui va se retrouver remplacé par un noir crucifix à la blanche et crue clarté de la vérité de la cave. 


Le froid augmente avec la clarté - Thomas Bernhard - Florent Pochet - TNS - Photo: Jean-Louis Fernandez

Dans la pièce "Le froid augmente la clarté" qui se base sur deux des romans autobiographiques de Thomas Bernhard - "L'Origine" et "La Cave", Claude Duparfait nous confronte et nous inclut à la vie et aux souvenirs marquants de la jeunesse de l'auteur, interprété ici par quatre figures complémentaires, deux hommes (Claude Duparfait et Florent Pochet) et deux femmes (Pauline Lorillard et Annie Mercier), et la présence rassurante, tendre, miroir et guide du grand-père à qui Thierry Bosc donne toute son étoffe et son ampleur. 


Le froid augmente avec la clarté - Thierry Bosc - Photo: Jean-Louis Fernandez


La narration en devient polyphonique et les paroles et les souvenirs rebondissent de l'un(e) à l'autre. On y touve l'amour de la musique comme des grands auteurs (les citations de Montaigne par le grand-père) et la découverte des horreurs de la guerre et des bombardements, comme la solitude de l'enfance dans la "petite pièce à chaussure" pour arriver au courage d'aller "dans le sens opposé" et de se construire soi-même.


Le froid augmente avec la clarté - Thomas Bernhard - Claude Duparfait - Annie Mercier - TNS - Photo: Jean-Louis Fernandez


Comme le dit Claude Duparfait: "La parole de Bernhard c'est un flux incroyable, une écriture du souffle. Une forêt de mots, de pensées. C'est aussi une langue extrêmement musicale, et ... Tout comme Bernhard, j'aime la musique comme un fou." ... Et encore "La parole de Bernhard cogne, elle réveille". Et c'est cela qui a poussé Claude Duparfait à mettre en scène cette pièce, après "Des arbres à abattre". La pièce permet "d'aller à la rencontre de mes questionnements sur le monde d'aujourd'hui, qui entre en friction ce qu'a vécu, ressenti, puis écrit Thomas Bernhard." Et cela fait du bien, cette friction entre hier et aujourd'hui, parce qu'il faut aussi se souvenir et lire le monde d'aujourd'hui, qui, comme le dit Thomas Bernhard dans "L'Origine": "La ville est peuplée de deux catégories de gens: les faiseurs d'affaires et leurs victimes."
Reste l'interrogation: que signifie "Aller dans le sens opposé" aujourd'hui ?


Le froid augmente avec la clarté - Claude Duparfait -Pauline Lorillard - TNS - Photo: Jean-Louis Fernandez


Et pour ne pas être toujours en opposition, comme le dit encore Claude Duparfait: "Qu'est-ce qui nous rapproche aujourd'hui? Ce que nous avons en commun, c'est peut-être l'inquiétude. Qu'est-ce qui peut en naître? Et quel est le rôle de l'écriture, de l'art en génral face à cette inquiétude? Quand je pense au spectacle, parfois c'est l'image d'une étreinte qui me vient, dans tout ce qu'elle peut avoir de consolateur ou d'incongru."

Pour nous consoler, allons au théâtre...

Bon spectacle

La Fleur du Dimanche 


Le froid augmente la clarté

Au TNS à Strasbourg 
du 26 avril au 11 mai
Au Théâtre National de la Colline à Paris
du 19 mai au 18 juin

D'après Thomas Bernhard
Librement inspiré de L'Origine et La Cave
Projet de Claude Duparfait
Avec Thierry Bosc, Claude Duparfait, Pauline Lorillard, Annie Mercier, Florent Pochet

Scénographie Gala Ognibene
Lumière Benjamin Nesme
Son et image François Weber
Costumes Mariane Delayre
Assistanat à la mise en scène Kenza Jernite

Coproduction Théâtre National de Strasbourg, La Colline - théâtre national
Avec le soutien du FIJAD, Fonds d'Insertion pour Jeunes Artistes Dramatiques, DRAC et Région Provence-Alpes-Côte d’Azur

Création le 26 avril 2017 au Théâtre National de Strasbourg

Les costumes sont réalisés par les ateliers du TNS

Les récits L'Origine et La Cave sont publiés aux éditions Gallimard

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