mercredi 5 avril 2017

Baal au TNS: dans la cage du hamster, sous le étoiles


Baal inscrit dans son époque - et la nôtre

La version (la deuxième, celle de 1919) de Baal choisie par Christine Letailleur pour son spectacle donné en ce moment au TNS à Strasbourg est peut-être la plus brute, la plus nature, la plus directe et vivante des pièces de Berthold Brecht. C'est, après un premier jet écrit en 1918, et donc son remaniement en 1919, la première vraie pièce qu'il ait écrite, à l'âde de 21 ans (il est vrai qu'à 15 ans il avait écrit une pièce en un acte "La Bible") et dans laquelle il va mettre toute l'énergie de sa jeunesse et sa passion de la poésie et de la littérature.


TNS - Baal - Brecht - Christine Letailleur - Photo: Jean-Louis Fernandez

D'ailleurs, pour cette version, l'ouverture, "le Grand Choral" placé ici en début pose les bases du projet: On y voit Baal, fonctionnaire municipal et poète invité dans les salons de la bourgeoisie énoncer son programme et sa filiation: premièrement, devenir aussi grand que Wedekind, Büchner et les grands poètes français (Brecht s'inspire à la fois de François Villon et du couple Verlaine et Rimbaud pour les deux personnages Baal et Ekart dans sa pièce. Deuxièmement, dynamiter l'ordre établi, autant le pouvoir que l'argent et le sexe.
Vaste programme qu'il va donc systématiquement mettre en pratique et qui par certains aspects ressemble furieusement à notre époque.


TNS - Baal - Brecht - Christine Letailleur - Photo: Jean-Louis Fernandez

Se cogner contre les murs et cogner sur les conventions.

Baal tout au long de la pièce, en trublion anarchiste va systématiquement démonter les relations sociales et se jeter dans le plaisir du sexe, dans toutes ses catégories - la femme marié, la jeune vierge amoureuse et, à priori, fidèle, la jeune fille romantique, la prostituée - dans un cycle sans fin et sans issue. Il va, tout au long de la pièce s'enfermer dans un cercle infernal en s'excluant au fur et à mesure de la société, du travail, du social du bistrot, de la ville et même de la nature. La scénographie et le décor, sorte de cage dans laquelle les protagonistes tournent sans comme des écureuils ou le jeu des entrées sorties des coulisses indiquent bien ce chemin sans issue vers lequel tend la pièce.


TNS - Baal - Brecht - Christine Letailleur - Photo: Jean-Louis Fernandez

Un film sombre et lunaire

Si l'on considère aussi que la pièce est sous le signe de la lune et du feu : Du "générique" de début rouge à l'incendie de la fin, et toutes les scènes relatives à la nuit et la lune, ainsi que les cris de bêtes sauvages, le mauvais rêve nous emporte dans une angoisse croissante. Rajouté à cela le jeu tendu de Stanislas Nordey en un Baal à fleur de nerf, nous voilà emportés dans une longue errance où, en même temps que l'on découvre la puissance du désir, celui-ci se transforme en pulsion de mort - Freud n'est pas loin - avec les morts annoncées, attendues ou non. Remercions Christine Letailleur, une des rares femmes metteur en scène de nous avoir offert ce spectacle avec sa sensibilité, mais qui nous laisse quand même sonné (rappelons que Brecht aimait la boxe!)


TNS - Baal - Brecht - Christine Letailleur - Photo: Jean-Louis Fernandez

Et pour vous donner envie de voir le spectacle, je laisse la parole à Christine Letailleur qui cite Brecht et prouve que ce n'est pas triste du tout:





Bon Spectacle

La Fleur du Dimanche


BAAL

Strasbourg au TNS du 4 au 12 avril 2017

Rennes du 21 mars au 1er avril 2017 au Théâtre National de Bretagne
Paris du 20 avril au 20 mai 2017 à La Colline - théâtre national

Amiens les 23 et 24 mai 2017 à la Maison de la Culture


Texte Bertolt Brecht
Mise en scène Christine Letailleur
Traduction Éloi Recoing
Avec Youssouf Abi-Ayad, Clément Barthelet, Fanny Blondeau, Philippe Cherdel, Vincent Dissez, Manuel Garcie-Kilian, Valentine Gérard, Emma Liégeois, Stanislas Nordey, Karine Piveteau, Richard Sammut

Assistanat à la mise en scène Stéphanie Cosserat
Assistanat à la dramaturgie Ophélia Pishkar
Scénographie Christine Letailleur et Emmanuel Clolus
en collaboration avec Karl Emmanuel Le Bras
Assistanat à la scénographie et aux costumes Cecilia Galli
Lumière Stéphane Colin
Son Manu Léonard
Vidéo Stéphane Pougnand

Production Théâtre National de Bretagne - Rennes
Coproduction Fabrik Théâtre - Compagnie Christine Letailleur, Théâtre National de Strasbourg, La Colline - théâtre national (en cours)

Création le 21 mars 2017 au Théâtre National de Bretagne - Rennes


Le décor et les costumes sont réalisés par les ateliers du TNS

      

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