dimanche 10 janvier 2016

Un an après Charlie, Nous sommes tous Chocolat

Il y a un an, nous étions tous - enfin presque tous - Charlie. 
Après a soufflé un vent de "Liberté": "Liberté de Penser, liberté de panser".
Nous avions cru que tout était arrivé, mais non, nous avons eu des surprises et nous sommes devenu Paris, nous avons porté le "Noir" et puis nous avons porté le "Bleu-Blanc-Rouge".
Et nous avions pensé que nous étions nous..... nous tous...

Mais place à la Fleur:


Houx de l'année - Photo: lfdd


Qui, avec un clin d'oeil nous permet de dire: 
Où sommes-nous? 
Qui sommes nous? 

Et nous renvoie au jeu de mot du titre et qui nous permet via l'actualité proche (cinématographique - si, si) à laquelle nous n'allons pas échapper, nous faire nous poser la question du nous, soulevée par Gérard Noiriel, l'auteur du livre "Chocolat, La véritable histoire d’un homme sans nom" éditée chez Bayard et qui a servi de base au film de Roschdy Zem avec Omar Sy, "Chocolat".

Dans une article dans Libération Livre du 12 janvier, intitulé «CHOCOLAT, TU T’ES BATTU, TU AS ÉTÉ L’ACTEUR DE TA VIE»Natalie Levisalles  l'interwieve et je vous en offre un extrait sur le "nous":

Gérard Noiriel "Quand Rafael arrive en France, c’est un immigré qui ne parle pas le français. Il devient la vedette d’un grand spectacle, mais il ne fera jamais partie du même monde que les intellectuels caribéens. Benito Sylvain, par exemple, ne l’a pas une seule fois évoqué dans sa revue la Fraternité, qui est pourtant censée parler des Noirs. Il y a entre ces mondes un fossé qu’on tend aujourd’hui à gommer avec le retour des logiques identitaires.

Quant aux intellectuels juifs, il y a une évolution. Jusqu’à l’affaire Dreyfus, dans ce milieu culturel parisien, les Noirs ne sont pas vus comme des hommes mais comme des personnages, comme Guignol. La personne qui est derrière Chocolat, on ne sait pas qui c’est, on s’en fout. Les intellectuels juifs, eux, sont en phase d’intégration, on est au début de la IIIe République, il faut voir l’antisémitisme, ils en bavent. Quelque part, ils sont en lutte pour leur identité. Comme l’a relevé Freud, on se rassemble en se moquant d’un tiers. Chocolat permet à ceux qui ne sont pas sûrs de leur identité de former un ensemble avec les Français. Ce qui explique que, en 1895, dans la Revue blanche, qui est la grande revue des intellectuels de gauche, et au moment où Léon Blum en est le secrétaire de rédaction, on puisse voir une caricature par Toulouse-Lautrec montrant Chocolat en singe. Dix ans après, à gauche, plus personne ne fait ça, ce n’est plus possible. Avec l’affaire Dreyfus, un certain nombre de gens ont découvert l’universalité de la stigmatisation. Et la question noire commence à être vraiment posée en France.

Natalie Levisalles "Vous dites qu’à plusieurs moments de sa vie, Rafael, noir et étranger, s’est pourtant retrouvé inclus dans un «nous»."
Gérard Noiriel:"Il y a des circonstances de la vie qui font que certaines différences sont relativisées. Dans des travaux antérieurs, j’ai défendu l’idée que l’identité n’existait pas, qu’il n’existait que des formes d’identification. Nous sommes tous le produit de multiples critères identitaires qui fonctionnent le plus souvent comme des identités latentes. Selon les circonstances, certaines sont mises en avant et d’autres pas, on le voit bien, on ne se trimballe pas toujours avec son identité française en bandoulière. Rafael, c’était pareil. On avait forcément conscience qu’il était différent ; en Espagne, par exemple, on le blaguait, on l’appelait «El Rubio» («le blond»), mais chez les mineurs, l’identité professionnelle prend le dessus. Le «nous mineurs» l’emporte. Notamment quand on se retrouve, comme les collègues de Rafael, face à des paysans dans un village de Bilbao.

Quand on dit «nous», il y a de la familiarité. Et la familiarité s’oppose à l’étrangeté. Mon hypothèse, c’est que l’intégration de Chocolat est passée par la familiarité. Que les gens puissent se dire «il est comme nous» est important. Je travaille beaucoup dans les projets d’éducation populaire. Quand on voit tous ces jeunes qui sont français, qui sont nés en France, et qui disent «les Français» en parlant des autres, on se dit qu’on a raté quelque chose.

Natalie Levisalles "Il y a donc le «nous». Et puis le «eux et nous»?

Gérard Noiriel "Je me suis interrogé sur le «eux et nous», sur la dimension psychologique d’identification à des groupes. La question du «eux et nous» n’est pas historique, elle est éternelle. Claude Lévi-Strauss a montré qu’on retrouve le «eux et nous» dans toutes les sociétés humaines, à toutes les époques. Le «nous» se construit par rejet de l’autre. Le problème, c’est de savoir qui est désigné comme l’autre. C’est pour ça que je suis engagé dans une logique de «désidentification». Cette désidentification permet une émancipation, elle permet de choisir. On ne peut pas échapper à l’identité, mais on peut trouver des identités souples, relatives, distanciées. Une identité distanciée est une identité dont on est capable de se moquer. Cela veut aussi dire pouvoir épouser l’identité de l’autre, pas promouvoir une identité contre une autre.

Malheureusement, c’est complètement contradictoire avec le champ politique. Si on fait de la politique, on a tendance à dire: «Nous Français.» Il y a eu une époque où on disait: «Nous les prolétaires.» On jouait aussi sur une identité, mais cette identité était universaliste : «Prolétaires de tous les pays, unissez-vous.» On voit bien que l’écroulement du mouvement ouvrier a entraîné le recul de l’identité sociale. Mais il est fondamental de rappeler que nous avons une appartenance sociale, j’essaie de le souligner dans ce livre. On ne peut pas comprendre l’histoire de Chocolat si on ne comprend pas les liens qu’il a tissés avec son environnement, le monde du cirque, les classes populaires.


On le voit bien quand sa fille, Suzanne, meurt à 19 ans. A son enterrement, c’est très touchant, tout le milieu du cirque se rassemble autour de lui alors que les autres continuent à pérorer sur le nègre mal blanchi."


Pour en revenir à l'expression "Je suis chocolat" - et pas "Nous sommes tous Chocolat" - c'est effectivement le Clown Chocolat qui l'a popularisée, comme il disait "Je suis Chocolat, je suis Chocolat!"... c'est ainsi que serait née l'expression "Etre chocolat" qui associait le fait de se faire avoir au personnage de cirque.

On dit que l'expression existait déjà avant (voir expressio.fr), avec les joueurs de bonneteau, cet attrape-nigaud, jeu de trois cartes que le bonneteur mélange après les avoir retournées, le joueur devant deviner où se trouve une de ces cartes (il en existe aussi la variante avec un gobelet).
C'est grâce à un compère du bonneteur qui "gagnait" régulièrement, que les joueurs étaient incités à tenter leur chance et à se faire plumer.
Le rôle de ce compère était de "faire le chocolat", c'est-à-dire de jouer l'appât, la 'sucrerie' qui attire le nigaud. Par extension, "le chocolat" était le joueur ainsi pris dans la nasse et trompé par les tricheurs. 

Pour terminer le chocolat en chanson, je vous en offre deux, la première, ce sera la femme, Olivia Ruiz qui chante "La Femme Chocolat":




Et le deuxième, la chanson chocolat enfantine pour vous donner du tonus pour la journée...




Bonne journée

La Fleur du Dimanche



Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire