La première soirée des 24èmes rencontres d'été de musique de chambre organisées par l'Accroche Note à la Petite France dans l'église du Bouclier est consacrée au Japon. Des oeuvres de deux compositeurs japonais et une création d'une compositrice japonaise encadrent la création d'Ivan Fedele commandée par la Fondation Ernst von Siemens. Celle-ci est une création de ce compositeur italien, à partir de haikus, courts poèmes de trois vers sur le thème des saisons, ici l'été, choisis parmi les oeuvres de poètes japonais. Ivan Fedele est un ami fidèle de Strasbourg - Le Festival Musica lui avait consacré un portrait en 1995 et il a fait une résidence la même année Conservatoire National de Région où il a enseigné jusqu'en 2008.
Rencontres d'été - Toshio Hosokawa - Vertical Time Study I - Photo: Robert Becker |
La soirée commence avec une courte pièce de Toshio Hosokawa, Vertical Time Study I écrite en 1994 pour clarinette, violoncelle et piano. Toshio Hosokawa s'est intéressé à la musique très jeune et est venu étudier en Allemagne à Berlin, Darmstadt et Freiburg. Sa pièce marie les influences de compositeurs allemands et la culture japonaise - il appelle lui-même sa musique "calligraphie sonore" et l'on entend bien dans cette composition des coups énergiques et des lignes tenues et tirées, ponctuées de séries de notes qui s'égrènent. Des sons lancinants et le violoncelle nerveux alternent avec de brusques éclats. On arrive bien à s'imaginer les calligraphies énergiques qui pourraient en découler.
Rencontres d'été - Toward the Sea - Toru Takemistsu - Photo: Robert Becker |
La deuxième pièce ressemble également à une série de tableaux, trois pour être précis, car la pièce Toward the Sea de Toru Takemistsu écrite en 1981 pour flûte et guitare est inspirée de Moby Dick de Melville et comprend trois sections: The Night où l'on imagine un horizon lointain avec une mer calme, bercé par la flûte avec quelques notes de guitare qui s'y posent. La deuxième partie, Moby Dick voit la flûte développer une mélodie ondulante. Et pour la troisième partie, Cape Cod, c'est la guitare qui démarre et la pièce continue en une sorte de tourbillon, à l'image de la péninsule en face de Nantucket.
Rencontres d'été - Ivan Fedele - Natsu Haiku - Photo: Robert Becker |
Rencontres d'été - Ivan Fedele - Natsu Haiku - Photo: Robert Becker |
Rencontres d'été - Ivan Fedele - Natsu Haiku - Photo: Robert Becker |
Pour la pièce d'Ivan Fedele, Natsu Haiku qui est donc créée ce soir, c'est un bel ensemble avec Armand Angster à la clarinette basse, Christophe Beau au violoncelle, Emmanuel Séjourné aux percussion et Françoise Kubler à la voix, qui interprète cette série de courtes pièces, variées. Francoise Kubler y prouve une fois encore la maîtrise de ses registres d'interprétation de ces courts poèmes et où les percussions, diverses - bois, métal, marimbas, gong, maracas - marquent le rythme. La plupart des sections sont nerveuses, quelques-unes plus gaies et l'ensemble est de belle facture.
Rencontres d'été - Sanae Ishida - Voie Lactée, ontarakusowaka - Photo: Robert Becker |
La soirée s'achève avec une autre composition, Voie Lactée, ontarakusowaka de Sanae Ishida pour huit instruments et voix sous la direction d'Emmanuel Séjourné. La pièce joue sur la délicatesse, les bruissements, la discrétion. Les percussions avec Sylvie Reynaert se font discrètes, Gaspar Schlich caresse délicatement sa guitare électrique, lui donne de petite tapes avec une règle ou crée de petits échos avec un tube en verre, Christophe Beau modère son violoncelle, Joachim Angster son alto, Wilhem Latchoumia se fait discret derrière son piano et il arrive que quelquefois un son aigu que l'on n'arrive pas à identifier sorte de l'accordéon de Hugo Degorre.
Rencontres d'été - Sanae Ishida - Voie Lactée, ontarakusowaka - Photo: Robert Becker |
Françoise Kubler, elle, passe de la voix de gorge à de grands aigus sans problèmes et de temps en temps , après un silence, le léger bruissement de feuilles de papier d'aluminium que chacune et chacun caresse, nous fait nous interroger sur l'origine de ce frémissement.
Il arrive aussi bien sûr que subitement, en cascade, les cordes se suivent en écho, repris par les percussions ou même que, vers la fin, une agitation monte et enfle dans ce petit orchestre, mais cela se calme à nouveau. Un léger chant s'élève, des sons délicats résonnent et tout cela s'achève en toute discrétion. La compositrice, présente, reçoit un accueil chaleureux.
Rencontres d'été - Sanae Ishida - Voie Lactée, ontarakusowaka - Photo: Robert Becker |
Et le public nombreux, dont quelques curieux qui ne s'attendaient pas du tout à de la musique contemporaine, repartent heureux. Quelques-uns reviendront demain pour une soirée plus "classique" autour de Ravel, Traversa et Fauré.
Le Fleur du Dimanche
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