mercredi 11 avril 2018

Au TNS: Alan... au pays des Merveilles


Comme un air de "déjà vu" (ou entendu).

Quand, au début du spectacle de Mohamed Rouabhi, sur la scène vide, on entend le début du texte de l'histoire d'Alan, qui se lève, comme tous les matins, prend son bus, comme tous les matins et va au bureau, comme tous les matins, une impression étrange de déjà entendu me saisit. Je suis persuadé que j'ai entendu ce texte précédemment et fouille dans ma mémoire. Quand cette même histoire se répète, avec quelques variations, j'en suis persuadé et je trouve le procédé très futé, quand cela continue ainsi plusieurs fois avec des variations, et que le personnage d'Alan, interprété tout en silences parlants et en mouvements adaptés par Hervé Sika, alors que sur le fond de scène se projettent les images d'un dessin animé artisanal simples et superbes de Stéphanie Sergeant, nous sentons que nous allons vers un univers de rêve....


Alan - Mohamed Rouabhi - TNS - Photo: Pascal Gely


Et rond et rond petit Lapereau...

Effectivement, le texte que nous susurre à l'oreille le narrateur - qui n'est autre que l'auteur et metteur en scène Mohamed Rouabhi - de sa voix rassurante ressemble à tous égards à un conte ou une histoire d'Alice de Lewis Caroll.... Il ne suffit que d'un lapin, et Hop! le voilà: c'est "l'étranger", avec un masque de lapin de garenne sur la tête, et avec le magnifique bougé de danseuse de Lauren Pineau-Orcier que l'on devine sous le costume qui fait trois petits tours en trottinette, revient en mini-moto et sème la graine de discorde dans cet univers cahotant mais régulé.

Alan - Mohamed Rouabhi - TNS - Photo: Pascal Gely


Tout tourne mal 

Parce qu'effectivement ce monde régulé, dans des bureaux paysagés, n'est pas fait pour se faire rencontrer les gens, même Alan, qui laisse la porte de son bureau ouverte et Mademoiselle Jones qui distribue des dossiers, mais qui ne manque pas d'atouts (extraordinaire Marie Sergeant). Ces deux individus solitaires, coincés dans leurs manies et leur rythme, ordonné et quotidien, de leur bureau, des transports, anonymes, et même des vacances où chacun tout aussi anonyme s'entasse sur la plage - séquence magnifiquement rendue dans le dessin animé plein de couleurs acides et le regard plein d'humour - mais qu'ils abbhorent et fuient tous les deux aurait pu les réunir. Mais non, et même les immeubles de la ville où chacun n'est qu'une petite lumière aussi inaccessible qu'une étoile dans le ciel, sont un obstacle


Alan - Mohamed Rouabhi - TNS - Photo: Pascal Gely



Mademoiselle Jones et Docteur Pils 

Parce que Mademoiselle Jones fait un effort. Elle pour qui la ville est un carcan et un ennemi, qui a la nostalgie de la campagne, des étoiles et des arbres que la ville et ses immeubles ont mangé, Mademoiselle Jones va quand même essayer de mixer leurs univers et faire un pas vers Alan en lui faisant découvrir la nature en lui donnant un livre sur les arbres. Mais le grain de sable dans la tête d'Alan est trop fort et le manège de l'étranger trop perturbant pour ce solitaire irréductible. Même les prescriptions et les pilules de Miss Pils ne vont pas arranger les affaires puisqu'ellles semblent plutôt l'enfoncer dans l'enfermement. Le monde ne tourne plus rond.


Alan - Mohamed Rouabhi - TNS - Photo: Pascal Gely


Vers (les dix endroits stupéfiants et extraordinaires) le Bonheur et l'Amour

Mais ne désespérez pas, rappelez-vous, ceci est un conte, il ne peut donc que bien se terminer, et ce sera "l’étranger", qui a capacité de transformation (je vous en laisse la surprise), qui sera la clé du bonheur. Comme le dit Mohamed Rouabhi dans le programme du spectacle:
"Il y a un proverbe qui dit : «L’étranger, c’est un ami qu’on n’a pas encore rencontré.» C’est un processus courant : quand une personne nouvelle arrive dans notre vie, le premier réflexe, c’est la peur, ou la méfiance. C’est normal: au fond, nous sommes «sortis de nos grottes» depuis peu, nos réactions sont faites d’instinct, de la peur de l’inconnu. Puis, quand on commence à côtoyer la personne, vient la curiosité, sans plus de peur. Au final, elle peut vraiment faire partie de notre vie, et peut-être même devenir centrale. Ce sont ces étapes que j’ai voulu raconter".


Alan - Mohamed Rouabhi - TNS - Photo: Pascal Gely


La Magie du théâtre et de la scénographie

Effectivement, le théâtre et sa magie sont là pour nous raconter de belles histoires. Mohamed Rouabhi dans son choix de mise en scène, de musique, des lumières imaginées par Laurence Bruley, de la scénographie et des costumes crées par Laurence Bruley et, il faut le rappeler, l'animation et les dessins de Stéphanie Sergeant, nous emmène pendant une bonne heure dans un beau voyage non pas autour du monde, mais dans une belle histoire qui nous réconcilie avec notre prochain et notre voisin, et surtout notre voisine (si on se sent un peu Alan*). Et nous fait rencontrer l'amour du texte et des gens et comme il dit: "Ce n'est pas un message, c'est un mantra"!".


La Fleur du Dimanche

P.S. Concernant le "déjà vu", on ne peut que féliciter Mohamed Rouabhi de nous avoir mis dans cet état. Alors j'ai cru l'avoir entendu à une lecture d'Actuelles au TAPS, il y a un ou deux ans, l'auteur en a confirmé cette impossibilité, le texte ayant été publié en novembre 2017 par Acte-Sud à l'occasion de la création de la pièce "Jamais Seul" - le deuxième texte du livre - en novembre 2017 à la MC93-Bobigny.

* P.P.S. Alan peut s'entendre (en poussant un peu) "Allein" qui signifie "Seul" en Allemand ou Alone en Anglais.....  ;-)


Alan

Du 10 au 21 avril 2018 au TNS Strasbourg

COPRODUCTION

Texte et mise en scène Mohamed Rouabhi
Avec Lauren Pineau-Orcier, Marie Sergeant, Hervé Sika
Et la voix de Mohamed Rouabhi 

Animation et dessins Stéphanie Sergeant
Scénographie et costumes Laurence Bruley
Prothéses et Masques Estelle Chrétien
Création images vidéo Fabien Luszezyszyn


Assistanat à la mise en scène Élodie Chamauret
Création lumière Nathalie Lerat
Vidéos et régie vidéo Ludovic Lang
Régie générale Fouad Meskinia
Peinture du décor Marien de Guétonny
Administratration de production Cécile Espérou-Kenig

Production Compagnie Les acharnés - Mohamed Rouabhi
Coproduction Théâtre National de Strasbourg, Théâtre des îlets - Centre Dramatique National de Montluçon

La coproduction remercie les Tréteaux de France et Canal 93.
La Compagnie les acharnés – Mohamed Rouabhi est subventionnée par la DRAC Île de-France – Ministère de la Culture.
Le texte est publié aux éditions ACTES SUD-PAPIERS (octobre 2017).
Le décor et les costumes sont réalisés par les ateliers du TNS.
Peinture du décor Marien de Guétonny.
Création le 6 février 2018 au Théâtre des îlets - Centre dramatique National de Montluçon.

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