jeudi 15 février 2018

La Fusillade sur une plage d’Allemagne au TNS : la réalité mine le théâtre.

Lorsque le public, en majorité composé de jeunes lycéens ou étudiants rentre dans la salle Gignoux au TNS, pour voir "La Fusillade sur une plage d’Allemagne", sur la scène les comédiens prennent la pose comme dans un film de teenage movie américain. Quatre garçons et une fille autour d’une fosse creusée dans le sol avec au-dessus, sur le fond de scène, une photographie de soleil éblouissant à travers les arbres…  Le décor est planté, ce n’est pas une plage, c’est une forêt, où va nous emmener le récit.
Dans la salle, les jeunes prennent quelques selfies en s’amusant. Aller au théâtre est une expérience, en tout cas un épisode à immortaliser ou communiquer. Le silence se fait, la lumière bascule vers la scène, même si la salle reste éclairée. Un des jeunes gens s’occupe de quelqu’un qui semble être au fond du trou et lui admoneste quelques claques sans aucune parole. Cut !
Les cinq protagonistes s’avancent sur le devant de la scène, l’air complice avec le public et commencent leur récit choral.  D’abord, le personnage 1 raconte un attentat – réel ou rêvé dans une ville du Nord de l’Allemagne et puis la fille et deux des garçons tricotent l’histoire d’une famille… Est-ce celle qui se retrouve sur cette plage dans un soleil éblouissant ? Le récit, raconté balance entre une sérénité heureuse et des moments de terreur, enrobés dans une douceur complice de la narration. Les spectateurs sont témoins et sollicités, impliqués, invités à participer à la remémoration de ce qui, sous ce soleil aveuglant, cette mer immense et cette plage solaire bascule d’un épisode estival à une terreur sourde et innommable qui s’entrecroise avec  les deux épisodes urbains non moins angoissants. Le dernier protagoniste, lui, raconte avec un réalisme cru un attentat à la mitraillette sur cette même plage de Cuxhaven et son récit s’immisce parmi les autres à en perdre quelques repères.  Cut !

La Fusillade sur une plage d’Allemagne - TNS - Simon Diard - Marc Lainé- - Photo: Christophe Raynaud De Lage


La deuxième partie du récit se fait autour de la fosse – tombe autour –et dans - laquelle vont se retrouver les personnages. Celui qui est dans le trou et que nous ne verrons pas, censé être un tueur potentiel  est d’abord l’objet de la suite du récit et pour finir, quand il reprend conscience -  ce qui se traduira par l’irruption de la projection subjective de son regard qui remplace le décor, le récit bascule. Le spectateur censé s’identifier à lui va se retrouver en mauvaise posture, à choisir ces points de vues multiples, à la fois sur l’écran et face sur la scène, avec les comédiens qui parlent dans le trou et le décalage de l’image en retard sur la réalité. L’écran blanc et le trou noir seront l’occasion pour le spectateur de projeter ses peurs, ses angoisses, Mais comme le dit Marc Lainé, le metteur en scène: "Cette tombe est un vide, un trou noir dans lequel toutes les projections  sont aussitôt absorbées – aucune ne résiste ; elles disparaissent dans les ténèbres." La pièce restera donc un "mystère" à "interroger ". Le texte "ouvre une infinité de pistes, d’interprétations et il faut accepter de se perdre, de suivre le cheminement tortueux qu’il propose. Cette pièce est un piège..."
Vous voilà prévenus.
Ce qu'il faut dire aussi c'est que les comédiens - et la comédainne sont tous (Ulysse Bosshard, Cécile Fišera, Jonathan Genet, Mathieu Genet, Olivier Werner) très attachants...
Le lendemain matin, aux informations de la radio, l’annonce d’une tuerie dans un lycée aux Etats-Unis nous ramène à la réalité...



La Fleur du Dimanche


Simon Diard: "Inventer des choses nouvelles" :





Ce spectacle s'inscrit dans le cadre de l'invitation du TNS à THEATRE OUVERT-CENTRE NATIONAL DES DRAMATURGIES CONTEMPORAINES jusqu'au 23 février.




Du 14 au 23 février 2018 -  /!\  Horaires:  21h00

Texte Simon Diard
Avec Ulysse Bosshard, Cécile Fišera, Jonathan Genet, Mathieu Genet, Olivier Werner

Mise en scène et scénographie Marc Lainé
Lumière Nicolas Marie
Vidéo Vincent Griffaut

Le texte est publié aux éditions Tapuscrit / Théâtre Ouvert et est finaliste du Grand Prix de littérature dramatique 2015
Ce texte est lauréat de la Commission nationale d’Aide à la création de textes dramatiques – ARTCENA 
Ce spectacle est programmé dans le cadre de l'invitation faite à Théâtre Ouvert
Marc Lainé a été artiste associé au CDN de Normandie-Rouen. Sa compagnie La Boutique Obscure, implantée en Normandie, est en résidence à la Scène Nationale 61.

Production Théâtre Ouvert - Centre national des dramaturgies contemporaines, La Boutique Obscure
Coproduction Théâtre National de Strasbourg
Avec le soutien de la Région Île-de-France
Avec le dispositif d’insertion de l’École du Nord, soutenu par la Région Hauts-de-France, la DRAC Hauts-de-France
Création le 19 janvier 2018 à Théâtre Ouvert

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